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Les « écologistes » contre l’écologie

mardi 11 juin 2019, par Denis COLLIN

M. Jadot se sent pousser des ailes après le résultat d’EELV aux européennes du 26 mai – résultat qui n’a pourtant rien d’extraordinaire pour les « verts » dans ce type d’élections. Reçu par le MEDEF, il s’est vu décerner une médaille de bon candidat par cet aréopage de patrons. Il est vrai qu’il a soutenu une thèse qui a tout pour plaire au patronat : l’écologie est parfaitement compatible avec l’économie de marché et la libre concurrence… Du moins l’écologie à la sauce Jadot, c’est-à-dire le petit fonds de commerce des belles âmes citadines qui se piquent de « penser global ».

Mais comment est-il possible de soutenir que l’écologie est compatible avec les principes du capitalisme mondialisé (libre concurrence et économie de marché) ? Laissé à sa propre dynamique court-termiste le capital cherche à maximiser le profit ici et maintenant et n’a cure des « générations à venir ». A cela, il y a une raison fondamentale : le mode de production capitaliste n’a pas pour but de produire ce qui est nécessaire aux besoins humains, mais de produire de la valeur, de valoriser la valeur. Et la valeur est par nature indifférente à l’usage, à la composition chimique et aux propriétés physiques des marchandises auxquelles elle est attachée. Si pour valoriser la valeur, il faut produire des défoliants qui rasent les forêts et intoxiquent les humains pendant des générations (Monsanto tristement célèbre producteur de « l’agent orange ») qu’importe : l’actionnaire est content car il a touché sa part de la survaleur ! Comme le capital a toujours faim et doit toujours croître pour ne pas mourir, la croissance illimitée est son seul horizon, son impératif catégorique.

Le « vert » moyen un peu cultivé sait tout cela. Il sait bien que croire à une croissance illimitée dans un monde limité, ce ne peut être que la pensée d’un fou ou d’un économiste. Mais il a trouvé l’astuce : c’est le « capitalisme vert ». En prenant le capital à son propre jeu on va lui montrer qu’il a intérêt à devenir écolo s’il veut faire encore plus de profits encore plus longtemps. Par exemple on va demander la fermeture des centrales nucléaires et faire ériger des milliers d’éoliennes. Pour remplacer un petit réacteur nucléaire de 900MW il faut entre 300 et 600 éoliennes. Il y a en France 34 réacteurs de ce type, auxquels il faut ajouter 20 réacteurs de 1300MW et 4 réacteurs de 1450MW… Entre 500 et 900 tonnes de béton pour le socle de chaque éolienne : de quoi défendre la biodiversité de sols où l’on implante ces machines géantes ! Si le nucléaire est dangereux, coûteux à terme (mais c’est le public qui paiera !) et doit sans doute être réduit drastiquement, l’éolien est loin d’être une « énergie douce » mais au contraire une source de pollutions indirectes considérable. Pour l’instant et grâce au concours des prix administrés (Jadot doit penser que cela fait partie de l’économie de marché), l’éolien est devenu un juteux champ d’accumulation du capital. Dans bien des terres où l’on faisait pousser du blé ou de l’avoine, désormais l’agriculteur se contente de toucher les royalties versées par ceux qui font pousser les éoliennes. Mais au total, en matière de sauvegarde de la planète, il n’y a que de la « com » et de la valorisation de la valeur !

De même le capital s’est emparé de la voiture électrique et voue aux gémonies ce qu’il adorait hier, cet horrible diesel chargé de tous les péchés. Ça tombe bien : il faut relancer la construction automobile, ce que l’on fait régulièrement avec de nouvelles normes et des primes à la casse. On sait pourtant que la voiture électrique n’apporte rien en matière d’émissions de CO2, en particulier là il n’y a pas d’électricité nucléaire ! Les batteries restent gourmandes en ressources non renouvelables et le bilan global de cette voiture verte risque fort de se révéler catastrophique. Mais ce n’est pas grave : entre temps les groupes financiers qui tiennent l’industrie automobile auront valorisé la valeur de leur capital.

On pourrait citer mille exemples du même calibre – y compris la stupide bataille menée contre le diesel au profit de l’essence, bataille qui n’a profité qu’aux trusts du pétrole. Le capital peut laver plus vert que vert tant qu’il y trouve du profit mais, même repeinte en vert, l’exploitation capitaliste reste ce qu’elle a toujours été et dans son mouvement de valorisation le capital détruit les deux sources de la richesse, la Terre et le travail. Et pour défendre notre milieu vital sur cette Terre qui est la seule qui soit à notre disposition, il faut nécessairement tailler à la hache dans les principes de l’économie de marché et de la libre concurrence.

  • Contre la farce de la voiture électrique, il faut développer les transports en commun ce qui suppose des investissements publics massifs et donc un État fort redistributeur : adieu libéralisme économique. Mais il faut à plus long terme en finir avec la métropolisation du pays et redonner toute leur place aux campagnes, aux petites villes de province, bref mettre en œuvre cette partie du programme de Marx qui consiste à abolir l’opposition de la ville et de la campagne. Donc aussi mettre à bas l’idéologie spontanée du « peuple urbanisé » fanatique de la ville et méprisant la campagne.
  • La première énergie écologique est celle qu’on ne consomme pas. Donc foin des éoliennes. Il faut tout simplement apprendre l’économie, au sens premier du terme : économiser nos forces et nos ressources. Utiliser pleinement par l’agriculture cette énergie dispensée gratuitement par le soleil. Non pas des panneaux solaires mais des prairies où les animaux se nourrissent sans rien demander à personne (ou presque !). Une exploitation rationnelle du bois s’inscrit également dans cette démarche (c’est pendant leur période de croissance que les arbres absorbent le maximum de CO2).
  • Il faut cesser de se déplacer pour un oui ou un non : non aux regroupements d’école, non à la suppression des hôpitaux et maternités dans les petites villes, non aux zones commerciales géantes. Privilégier les produits « zéro kilomètre » … et taxer la distance. Taxer le kérosène au tarif du gazole – et là on verra hurler toute la « jet set » qui méprise « Jojo le gilet jaune » et sa voiture diesel.
  • Considérer que la nourriture normale est bio et donc obliger le non-bio à être emballé dans des paquets avec la mention « non bio, garanti avec pesticides » alors qu’aujourd’hui c’est l’inverse qui prévaut dans les supermarchés. Cette simple inversion des marqueurs actuels aurait un effet immédiat ! Mais il faudrait affronter les lobbies de l’agrobusiness qui ne manqueraient pas de se déchaîner. Il faudrait aussi refuser tous les accords de type CETA qui obligent les Européens à accepter la merde nord-américaine trempée au chlore.
  • Développer la réparation et la « réparabilité » des automobiles aussi bien que de l’électroménager. Et donc taxer férocement ce qui ne correspond pas à ces normes de « réparabilité ». Certes, si on peut réparer son matériel ancien, si on ne court plus après le dernier gadget publicitaire, le rythme de rotation du capital sera sérieusement freiné. On ira nécessairement vers une baisse de la production et un développement des ateliers de réparation de proximité.

Moins de production, plus de réparation, moins de déchets. À terme ce serait aussi la suppression de la publicité et de ses budgets énormes et de la classe parasitaire qui en vit. L’ensemble de ces mesures, à niveau de confort égal, conduirait à une baisse considérable du temps de travail nécessaire, au remplacement de travaux de manutention et d’idioties bureaucratiques par un travail plus qualifié et une restauration des relations de proximité dans la collaboration pour répondre aux besoins de la vie, relations qui font l’essence même de la vie sociale, comme le savaient déjà les penseurs grecs. Tout cela conduirait à l’euthanasie du capitalisme et à une vie plus heureuse, à des paysages urbains moins laids, à une plus grande amitié civique.

Bref, n’en déplaise à Jadot et son « fan club » médéfien, prendre l’écologie au sérieux est incompatible avec la libre concurrence et l’économie de marché.