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Le sultan dicte sa loi

mardi 9 janvier 2018, par Denis COLLIN

La situation en Turquie ne fait qu’empirer. Les licenciements de fonctionnaires s’ajoutent aux licenciements de fonctionnaires. Les journaux sont fermés au point qu’il ne reste pratiquement plus aucune presse indépendante du pouvoir. Les journalistes sont emprisonnés et trainés devant les tribunaux pour « apologie du terrorisme » dès lors qu’ils ont simplement évoqué la situation des Kurdes … ou qu’ils ont révélé l’immense corruption du régime. Ils risquent jusqu’à 43 ans de prison. Dans les geôles du régime, ils retrouvent les dizaines de milliers de prisonniers politiques qui s’y trouvent déjà. Le « sultan » Erdogan, qui s’est fait construire à Ankara un palais de 1500 pièces accordent faveurs et protection à toute sa famille et à ses clients – ce sont les révélations de corruption de son gendre qui ont valu à six journalistes d’être jugés pour « terrorisme » et « tentative de renversement » du pouvoir. Un régime fascisant et pourri.

Erdogan et son parti l’AKP (proche des « Frères musulmans » chers à Tariq Ramadan et à … Edwy Plenel) sont en train d’opérer un coup d’État fasciste à froid. Dans l’indifférence générale.

Car ce n’est pas le moins surprenant dans toute cette affaire : Erdogan jouit d’une mansuétude incroyable dans les pays qui se disent démocratiques et donnent à la terre entière des leçons de droits de l’homme. Sauf quand ce sont des alliés de l’Occident ou des vassaux des USA. Sans y être invité, Erdogan vient en France, est reçu en grande pompe, insulte un journaliste lors de la conférence de presse commune donnée avec le président de la république française. Pas la plus petite manifestation, pas la moindre pétition des traditionnels intellectuels pétitionnaires. Rien, nulle part. Certes Macron a enterré le projet d’adhésion de la Turquie, mais ce n’est que la confirmation de ce que tout le monde sait depuis longtemps. Par contre, il offre à la Turquie la négociation d’un partenariat « stratégique » qui permet à la Turquie d’être un quasi membre de l’UE sans avoir à fournir les certificats de bonne conduite démocratique généralement exigé des membres de l’Union – certificats de bonne conduite dont s’affranchissent de plus en plus les membres de l’UE comme la Pologne et la Hongrie ou, maintenant l’Autriche qui a confié tous les ministères régaliens à des néo-nazis, lesquels se sont empressés de rappeler leurs revendications sur le Süd-Tyrol italien…

On le sait, la Turquie a été missionnée comme garde-frontière pour empêcher les réfugiés d’arriver en Europe Occidentale. Carte blanche lui est laissée pour mater les Kurdes qui pourraient croire que leurs succès dans la lutte contre Daech leur vaudraient une reconnaissance internationale. La Turquie reste un des piliers importants de l’OTAN en Méditerranée et elle joue son rôle dans le « concert des nations » du Proche et Moyen Orient. En outre les intérêts économiques des grandes entreprises doivent être défendus. L’importante filiale de Renault en Turquie (copropriété de l’armée turque) mérite bien qu’on mette les droits de l’homme dans sa poche avec un mouchoir par-dessus.

Bref Erdogan, dont les ambitions impériales s’affirment chaque jour un peu plus est un membre respecté de la nouvelle « sainte alliance » et donc personne n’ira l’ennuyer. Il peut continuer à expurger les bibliothèques publiques de tous les ouvrages de Spinoza, ça ne fera pas bouger le petit doigt de celui que les flagorneurs ont appelé « président philosophe ». Maduro, qui n’a pas fait subir à son opposition le centième de ce que Erdogan inflige à la sienne, est voué aux gémonies et avec lui Mélenchon qui a jadis soutenu le régime chaviste et semble pourtant moins enthousiaste pour le successeur d’Hugo Chavez. Poutine est présenté régulièrement comme un tyran, un autocrate abominable. Mais pas Erdogan. Il a déjà grandement étendu son influence dans tous les pays turcophones de la région. En Europe occidentale, les partis filiales de l’AKP visent au contrôle complet de l’émigration turque (c’est elle qui donne à Erdogan sa courte majorité lors des dernières élections) et des candidats de l’AKP ou patronnés par l’AKP se sont même présentés aux législatives françaises. Erdogan a rompu avec la tradition « laïque » kémaliste et son but n’est pas de défendre la république turque mais de restaurer l’empire ottoman. En 1683, les Ottomans devaient reculer devant Vienne et ce fut le début du déclin de cette immense empire. Erdogan veut le restaurer et cette fois il dispose de solides alliés dans la place : la veulerie des Occidentaux et les réseaux d’influence « fréristes » comme « cinquième colonne. Il est plus que temps de se réveiller !