Accueil > Actualité > Au coeur des Urgences : l’hôpital public au déchocage collectif

Au coeur des Urgences : l’hôpital public au déchocage collectif

dimanche 22 septembre 2019, par Elisabeth DES

Le 12 septembre 2019, 252 services d’urgences sont en grève sur tout le territoire français ayant rejoint le Collectif InterUrgences créé par une cinquantaine de paramédicaux il y a six mois, l’agression de trop à l’hôpital Saint-Antoine ayant fait office de détonateur à ce mouvement inédit.

Depuis six mois ce Collectif réclame avec une détermination sans faille compte tenu de conditions de travail insoutenables mettant en danger patients et soignants, création de postes à la hauteur des besoins dans chaque service, réouvertures de lits d’aval et rémunération décente pour tous les soignants.

Si la colère des hospitaliers grondait depuis de longues années devant la diminution des moyens matériels, l’accélération des cadences devenues infernales, l’absence de valorisation de la part relationnelle du soin, la violence du management industriel, comment s’étonner que cette lutte de plus de six mois se soit développée avec une telle ampleur dans ces services d’urgences irremplaçables au sein desquels oeuvrent des professionnels dévoués et passionnés pour une rémunération sans rapport avec le niveau de pénibilité, de dangerosité de leur travail ?
Quel autre service hospitalier offre une telle confrontation aux tableaux cliniques les plus variés affectant patients de tous âges et niveaux de vie mais aussi à la précarité et à la misère sociale ?
Comment admettre un tel niveau de maltraitance des patients contraints d’attendre des heures durant, plusieurs dizaines d’heures même dans les cas extrêmes ? Comment admettre la multiplication de décès sur ces brancards ?

Et l’interruption d’activité voire la fermeture de lignes des 401 SMUR maillant le territoire national, 50 ans après la fondation du SAMU à Toulouse ne symbolise que davantage l’inadmissible attaque d’un service longtemps référence internationale d’excellence. Les annonces ministérielles n’ont en rien calmé cette colère. La somme de 754 000 euros sur trois ans s’intégrant dans une enveloppe fermée est en fait soustraite à d’autres services. L’admission directe de patients dans les services de gériatrie n’est guère raisonnablement envisageable alors qu’un problème aigu de diagnostic se pose justifiant le recours rapide au plateau technique et que les lits font cruellement défaut dans ces services.

Les douze mesures du pacte de refondation des urgences égrenées par la Ministre de la Santé n’ont guère désamorcé le mouvement social. Les 754 millions d’euros annoncés affectés sur trois ans aux services d’urgences sont en fait inclus dans une enveloppe fermée et feraient défaut à d’autres services... L’inadéquation de la filière gériatrique, du zéro passage par les urgence ‘pour les personnes âgées ‘est particulièrement flagrante compte tenu de leurs motifs d’admission, insuffisance cardio-respiratoire, douleur thoracique, malaise imposant l’accès rapide aux examens complémentaires et au plateau technique coordonné par l’équipe du service des urgences. La "superplateforme de régulation" soi-disant créée sous le vocable de « SAS » n’est guère une nouveauté alors que le SAMU-Centre 15 continue à fonctionner contre vents et marées et ne règlerait en rien le manque d’effectifs. Mais malgré l’absence de réponse réellement adaptée aux revendications de ce mouvement, garder l’espoir s’impose incontestablement. Ce Collectif de paramédicaux impeccablement organisé qui a tenu son Assemblée générale le 10 septembre à Saint-Denis est en effet à présent officiellement soutenu par l’AMUF, Action Praticiens Hôpital, le Syndicat des Jeunes Médecins, l’Association Samu Urgences de France, le Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes Réanimateurs. Le Syndicat National des médecins hospitaliers FO se dit favorable à la grève des médecins et solidaire à 100°/° des revendications du collectif.

Si les démissions de médecins se multiplient, certains à Mulhouse en particulier continuent à résister même si sept médecins seulement doivent quotidiennement prendre en charge 160 patients au cœur d’une équipe restant soudée .

Par ailleurs des liens paraissent à présent pouvoir logiquement s’établir avec les autres services de l’hôpital public dont les urgences constituent le miroir mais également entre les services d’urgences et les hôpitaux psychiatriques à la longue lutte pionnière depuis 2018, les EHPADS en lutte où la prise en charge des pensionnaires est notoirement défectueuse, déshumanisée et les pompiers mobilisés depuis juin dernier. La prochaine journée de mobilisation fixée au 26 septembre devrait être en ce sens décisive.

Le mouvement historique des gilets jaunes revendiquant entre autres l’accès aux services publics, l’alliance de Blouses Blanches et des Gilets Jaunes est hautement prévisible. Elle est déjà magnifiquement concrétisée par la splendide croisade du Professeur Laurent Thines, Chef du service de Neuro-Chirurgie de Besançon qui depuis des mois déploie au cœur des Actes de cette révolte sociale sa banderole dénonçant l’emploi de LBD 40, armes de guerre infligeant irréparables blessures oculaires et amputations à nos concitoyens, la violence de cette répression choquant bien au-delà de nos frontières à l’ONU, au Canada, en Suisse en particulier.

Alors que les gestionnaires projettent un hôpital-aéroport voisin d’hôtels hospitaliers où les patients ne feraient que se poser, comment ne pas espérer que le référendum contre une autre privatisation, celle de l’Aéroport de Paris mais aussi contre toutes les privatisations ouvre la voie d’un salutaire retour à sa mission essentielle de service public, d’accueil inconditionnel, de soin et veille ? Signer en nombre le référendum d’initiative partagée d’ici le mois de mars 2020, c’est utiliser la moins violente, la plus démocratique des armes pour stopper la casse des services publics, la vente à la découpe et son cortège mortifère de drames humains.

Comment ne pas garder l’espoir alors que dans la vallée de la Roya, vallée des merveilles, à Breil-sur-Roya le record de participation citoyenne au référendum d’initiative partagée dans une commune est déjà battu ?

Le déchocage collectif de l’hôpital public a incontestablement de grandes chances d’être victorieux grâce à l’engagement collectif des patients potentiels que nous sommes tous alors que 21 millions de concitoyens et concitoyennes ont recours chaque année à ces services d’Urgences indéfectiblement fidèles à la splendide de l’hôpital public.