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Qui est le voleur ?

vendredi 19 juillet 2024, par Jean-François COLLIN

Yaël Braun-Pivet, membre du parti macroniste Ensemble Pour la République (EPR), a été réélue présidente de l’ Assemblée nationale.

Le candidat malheureux du Nouveau Front Populaire (NFP), André Chassaigne a déclaré « le vote des Français a été volé par une alliance contre nature » et dénonce « un coup de force démocratique ». Les dirigeants du NFP multiplient les déclarations sur le thème du vol et de la manœuvre politicienne.

Ils devraient prendre garde.

En réalité il n’y a aucun vol dans le vote de l’Assemblée nationale en faveur de Yaël Braun-Pivet. Le NFP se heurte simplement à la dure réalité qu’il s’obstine à nier depuis le 7 juillet : la gauche rassemblée dans le NFP est minoritaire. Elle a obtenu moins du tiers des suffrages des Français aux élections législatives et elle ne doit d’être arrivée en tête au second tour, en nombre de sièges, qu’à une entente de circonstance qui s’est déchirée, à peine les élections passées, conjuguée à un mode de scrutin qui pourrait être dénoncé comme « un coup de force contre la démocratie » puisqu’il permet à une coalition minoritaire d’obtenir le plus grand nombre de sièges.

Au premier tour des élections législatives, le Rassemblement National (RN) allié au groupe de Ciotti a recueilli 10,6 millions de voix, le NFP 8,8 millions, et Ensemble + LR 8,5 millions. La droite et l’extrême droite sont les vainqueurs incontestables de ce scrutin. Le mode de scrutin permit cependant au NFP d’obtenir le plus grand nombre de sièges, tout en restant très loin de la majorité de l’assemblée nationale (André Chassaigne a obtenu au troisième tour 207 voix, alors que la majorité requiert 289 voix), tandis que les macronistes et la Droite Républicaine (DR ex-LR) en ont donné 220 à Yaël Braun-Pivet.

Qu’une minorité reste minoritaire n’est pas en soi scandaleux.

S’il y a un vol du vote des Français, la coalition d’extrême droite qui a obtenu le plus de voix des Français et le moins de sièges à l’assemblée n’en est-elle pas la véritable victime ?

On ne peut pas célébrer une victoire de la démocratie lorsqu’une coalition minoritaire obtient le plus grand nombre de sièges à l’assemblée nationale, grâce à un accord de circonstance et un mode scrutin dénoncé depuis des décennies, et dénoncer un coup de force lorsqu’une coalition un peu moins minoritaire obtient la présidence.

En quoi l’alliance entre Ensemble Pour la République et les Démocrates de Droite serait-elle contre nature, comme le dit André Chassaigne ?

Le NFP n’a-t-il pas passé un accord de désistement au second tour des élections législatives avec ces deux partis, qui lui a permis d’obtenir plus de sièges que les autres formations. Cet accord-là était-il contre nature ? Ces partis ne font-ils pas partie de « l’arc républicain » qui l’a emporté sur l’extrême droite ?

Quelle est la nature de macronisme et du parti qui le représente ? Serait-il de gauche et aurait-il dû voter en faveur du candidat communiste ? Mais alors pourquoi dénoncer sa politique « néo-libérale » favorable aux classes les plus aisées, etc. ?

Le NFP pourrait-il expliquer quelles sont les divergences politiques réelles entre Ensemble pour le République et la Droite républicaine ? Pour ma part je n’en vois pas et cette alliance me semble au contraire toute naturelle. Mon étonnement tient plutôt au refus de la DR de passer un accord de gouvernement avec les macronistes. Ce refus ne s’explique que par la perspective de la présidentielle à venir et le désir de Laurent Wauquiez de s’y présenter quand E. Macron ne le pourra plus.

Le NFP s’est discrédité par son incapacité à désigner un candidat au poste de premier ministre, malgré des dizaines de réunions depuis le 7 juillet et sa prétention à mettre en œuvre tout son programme malgré son absence de majorité au Parlement.

Il serait temps qu’il essaie de la restaurer en reconnaissant qu’il n’ a pas plus de légitimité à gouverner que les autres coalitions minoritaires et qu’il propose un programme minimum susceptible d’obtenir le soutien d’une partie des autres composantes de l’assemblée nationale. Le reste ne relève que du cirque politicien qui ne distrait que ceux qui en sont les acteurs.

La réélection de Gaël Braun-Pivet ne règle rien. Le nom même du nouveau parti macroniste, EPR, pourrait ne pas lui porter chance et il pourrait connaître les même difficultés de construction et de fonctionnement que le réacteur éponyme de Flamanville, dont nous attendons toujours l’électricité, 17 ans après le début de sa construction.

JF Collin

19 juillet 2024