Une évolution déjà ancienne se confirme. Les partis ne sont plus des intermédiaires entre les citoyens et la représentation nationale. Ils sont devenus des cabinets de recrutement du personnel politique. La gauche en se prêtant à ce jeu exprime clairement son ralliement à la technobureaucratie de la Ve République dont elle a adopté les codes et les méthodes. Que LFI soit à l’origine du recrutement de Mme Castets n’est pas très étonnant : LFI est une structure verticale, un « parti du chef », nouveau type de parti dont l’émergence a été fort bien analysée voici déjà quelques années par Mauro Calise à partir des exemples de Tony Blair et de son New Labour et de Silvio Berlusconi avec Forza Italia (voir Il partito personale. I due corpi del leader, Laterza, 2010). Le choix de quelqu’un qui n’a aucune expérience politique comme élue, responsable de parti, ou simple colleuse d’affiche, exprime à la perfection la conception bonapartiste que Mélenchon se fait du parti politique (il a appris tout cela auprès de ses amis chavistes et péronistes).
Un aspect comique de cette candidature Castets est que cette dame, qui sort du sérail d’Hidalgo, a déjà renié les promesses électorales de ses patrons avant même d’avoir franchi le seuil de Matignon — qu’elle ne franchira sans doute jamais en tant que Premier ministre. En effet, entre deux déclarations sur sa vie intime (elle est L dans les LGBT), elle nous affirme que le SMIC à 1600 € et le rétablissement de l’ISF ne sont pas des mesures immédiates, mais un « horizon ». On se rappelle immédiatement que l’horizon est une ligne fictive qui s’éloigne au fur et à mesure qu’on s’en rapproche… Remercions-la d’avoir dit la vérité : le NFP n’a aucune intention de tenir ses promesses électorales qu’il est impossible de tenir dans le cadre de l’UE qu’ils acceptent tous. Mélenchon, dépité, se plaignait de ce que les « ploucs » (les électeurs de la France rurale qu’il méprise tant) n’aient pas voté NFP, alors que celui-ci leur proposait le SMIC à 1600 € et les cantines gratuites. Mélenchon a tort de prendre ses airs de dame patronnesse outrée de l’ingratitude populaire. Mme Castets confirme que les électeurs qui ont déserté la gauche le font en connaissance de cause : ils savent bien que « menteur comme un politicien de gauche » est en passe de devenir une expression proverbiale.
En fait, la « candidature » Castets n’a qu’un objectif : permettre à Macron de faire durer la comédie qui se joue depuis le 7 juillet. On sait bien qu’il n’y aura pas de gouvernement NFP. Macron l’a dit et redit et c’est lui qui décide de qui sera Premier ministre, selon les termes de la Constitution. On sait également que le NFP n’a aucune légitimité pour présenter sa candidature. Il n’a pas une majorité relative, mais il est seulement la plus grosse des minorités — la majorité relative, en termes de suffrages populaires est celle du RN. En attendant, le prochain budget est préparé par Le Maire, notre « sauveur » si l’on en croit une récente interview, et on annonce de nouveaux milliards de crédits gelés. En attendant, les macronistes « démissionnaires » restent en place et tout continue comme s’il n’était rien arrivé. Dans cette comédie, le NFP tient le rôle que lui a donné Macron. Avec beaucoup de bonne volonté.
De toute façon, un gouvernement qui expédie les affaires courantes suffit largement, vu l’État de notre pays. Les affaires sérieuses se décident ailleurs, c’est-à-dire au niveau de l’UE et de l’OTAN. Et au « parlement » (sic) européen, dans un beau consensus incluant LFI on a voté de nouveaux milliards de crédits pour la guerre. Ainsi la comédie ou, mieux, la farce Castets sert d’écran de fumée pour masquer autant que faire se peut le retour du réel : crise économique mondiale et possibles conflits en voie d’internationalisations.
Denis Collin — 18 août 2024