Les USA, James Lee Burke et les mafias
Je viens de relire James Lee Burke pour vivre autrement le matraquage actuel sur l’affrontement autour de Trump dans un pays où pourtant le Congrès possède un poids réel, or la campagne législative est totalement oubliée.
Il avait 50 ans quand les écrits de James Lee Burke sortirent de l’anonymat. Comment souvent aux USA ce sont les Universités qui sauvaient de tels écrivains (leur marge de liberté se réduit à vue d’œil au nom d’une rentabilité mesurée au nombre de publications).
Donc en 1987 (La Pluie de Néon traduit dix ans après en France) est venue rappeler que la Guerre du Vietnam était déjà loin (laissant des marques cependant profondes) mais la guerre des Contras au Nicaragua bien proche, là où Salman Rushdie trouva l’inspiration d’un roman (le sourire du jaguar en 1987).
Dès cette première apparition de Dave Robicheaux, la pluralité des Mafias aux USA m’a sauté aux yeux et ce point est très important quant à l’avenir de nos sociétés. La Mafia du New Jersey n’était pas (et n’est pas) celle du sud de La Floride (à ne pas confondre avec le nord de l’État).
La première raison d’être du crime organisé (terme que je préfère à celui de mafia ou de narcos) consiste à détruire les nations, chacune s’inventant un territoire pour y exercer une autorité, et pour combattre la concurrence voisine.
Je me souviens avoir acheté, voici presque cinquante ans, une petite histoire en images de La Mafia aux USA, celle du temps où le pouvoir des Incorruptibles pouvait rappeler la puissance de l’État. Cette histoire surtout en images me permettait de moins souffrir de mes lacunes en anglais tout en comprenant l’importance de la question.
Pendant longtemps incapable de saisir pourquoi les Mafias de Sicile, de Naples ou des Pouilles étaient différentes (avec leurs propres noms), j’ai mieux compris grâce à James Lee Burke le sens de telles particularités, lui qui rappelle ce fait connu : le débarquement en Sicile en 1943 fit le bonheur de la Mafia que les troupes US installèrent au pouvoir sur l’île.
Le retour du féodalisme imposait une guerre des gangs qui s’est depuis insinuée dans toutes les guerres dites conventionnelles mais qui ne le sont plus. Le groupe Wagner est un gang en Russie (avec 50 000 hommes en Ukraine mais dispersée aujourd’hui sur toute la Russie). Et ce sont des gangs qui s’affrontent entre Israël et le Hamas (aux teintes religieuses). Des gangs constitués autour du commerce des armes par exemple. Gang a donné gangster aux USA, un ancêtre important dans l’histoire du pays.
Et la guerre en soi devient donc secondaire (pas les crimes qui s’en suivent) puisque l’essentiel c’est d’atomiser les sociétés. Et les plus fragiles sont celles qui sont déjà atomisées !
Il n’est pas inutile de rappeler que l’Amérique latine n’a pas participé à la Seconde Guerre dite mondiale (pas plus que l’Espagne et le Portugal). Le crime organisé (en lien avec des militaires) a pu y naître plus aisément jusqu’à devenir le modèle à suivre (même si à Cuba une révolution a fait du nettoyage) avec le cas du Mexique qui s’appelle les États-Unis Mexicains pour masquer une désunion. La nouveauté fondamentale tourne autour de la popularité que se donne le crime organisé transformé parfois en force révolutionnaire.
Ceci étant l’avenir n’est pas seulement celui que forge le crime organisé, car face à l’atomisation, les hommes ont un besoin vital de se retrouver ensemble, et les religions sont donc un secours d’autant plus important qu’elles ont de pouvoir.
Le face à face est permanent entre individus et sociétés nous dit Marcel Gauchet qui n’a pas toujours tort même si, évacuer la lutte des classes n’est pas à son honneur. Il a raison quand il pointe le premier des dégâts de la mondialisation (la globalisation qu’ils disent en espagnol) à savoir la montée de l’individualisme, mais comment oublier par exemple le surtourisme qui fait qu’une activité de loisir devient un problème. L’esprit grégaire avance du même pas que l’égoïsme des individus sauf que le groupe en constitution ne vise pas la pluralité d’une nation mais l’homogénéité d’un gang ! D’où un statut nouveau du politique : fini le rôle du citoyen, il ne reste plus que le rôle du fidèle au clan, du loyal au chef. La dévotion contre la démocratie ! Pire que le serf face au seigneur.
Et je ne dis rien des gangs dans les médias, mais quant à l’élection prochaine, elle reste en soi une péripétie même si des enjeux spécifiques ne sont pas à négliger comme le droit à l’IVG.
Jean-Paul Damaggio