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La souveraineté et la république sociale…

… Du contenant au contenu.

jeudi 4 avril 2019, par Jacques COTTA

Il faut partir en politique des faits tels qu’ils s’affirment sous nos yeux et éviter de prendre ses désirs pour des réalités. Il existe une multitude de groupes, de sous-groupes, d’associations, de partis qui se réclament de la souveraineté nationale. Et pour autant, sur l’exigence fort juste de souveraineté, aussi nombreux qu’ils soient, ces partis, groupes, associations ne rassemblent que fort peu de militants et ne réalisent en période électorale que des scores très marginaux. Quelle est donc la raison de ce paradoxe évident ?

De deux choses l’une :

  • soit les citoyens sont opposés à cette exigence de souveraineté,
  • soit ses partisans s’expliquent très mal, au point que nul n’y comprend pas grand chose, sinon rien.

J’opte pour la seconde solution.

C’est en effet très majoritairement que les peuples en général, le peuple français en particulier, désirent être maitres de leur destin. Nous gardons encore en mémoire le référendum sur la constitution européenne de 2005. Alors que les médias toutes tendances confondues, les partis de « droite » comme de « gauche », les éditorialistes, les « meneurs » d’opinion militaient activement pour le « Oui », c’est le « Non » qui l’a emporté, a la surprise de tous ceux qui ne voulaient pas plus comprendre hier qu’aujourd’hui l’attachement du peuple au contrôle et à la direction de ses propres affaires.

Mais qu’est-ce qui a pesé de façon déterminante en 2005 ? Le développement au nom de l’éducation populaire du concept de souveraineté, ou sa portée concrète illustrée par « la concurrence libre et non faussée » ou encore par le « plombier polonais » ?

La « capitalisation » dans les formations qui se veulent « souverainistes » est pratiquement inexistante. Au lendemain de 2005 et depuis, aucune percée, aucune perspective organisée d’une formation incarnant la souveraineté nationale. Les formations par exemple telles l’UPR qui se présentent aux élections pour renouveler le parlement européen frisent les 1% des voix, les électeurs dans leur très grande masse préférant exprimer leur rejet de l’Union européenne par une abstention massive qu’on aurait certes tort de prendre pour une position murement réfléchie, mais qui indique tout de même un désintérêt flagrant pour une échéance dont ils sentent bien qu’elle leur est étrangère.

L’influence des médias ou le poids des sondages sont souvent mis en avant pour tenter un début d’explication. Les « souverainistes » seraient victimes d’une diabolisation permanente. L’argument est partiellement vrai mais présente l’inconvénient d’éviter la véritable question. Qu’est que la souveraineté ? Et que valent les « souverainistes » ?

La souveraineté n’est pas un programme, mais la condition politique incontournable pour pourvoir décider et appliquer tout programme politique, quel qu’il soit. Le citoyen ne se détermine donc pas sur le moyen, mais sur le but à atteindre. C’est le programme qui compte dans sa détermination, et pas la façon de le mettre ou pas en oeuvre. Pourquoi donc concernant l’union européenne le mouvement pour la rupture au nom de la souveraineté nationale retrouvée ne rassemble t’il pas massivement et activement ? Parce que la question est celle de la relation entre la politique qu’il s’agit de défaire, et l’UE comme rempart oligarchique du système. La question est celle de la politique qui sera mise en oeuvre, une fois la rupture effectuée. Et donc la nécessité de rompre perd son caractère idéologique pour devenir une nécessité pratique, dans un but défini.

Le débat au sein des Gilets jaunes est de ce point de vue très illustratif.
Il est souvent difficile d’aborder de but en blanc la question de l’union européenne, voire même des élections et du débat absurde sur les calculs en sièges selon qu’on s’abstient, qu’on vote blanc, qu’on choisit le moins pire.
Il est au demeurant aisé de partir des revendications sociales et démocratiques qui sont au coeur du mouvement depuis plus de quatre mois, et d’en conclure comme une évidence que le maintient dans l’UE est la meilleure façon de ne voir aucune de ces revendications satisfaites.
Soit dit en passant cela règle la question purement électorale. Car quel est le meilleur moyen de faire prévaloir la volonté populaire ? Est de savoir si la liste Macron aura 25 ou 27 sièges (ce qui certes n’est pas négligeable pour celui qui bénéficiera de la voiture de fonction) ou de s’assurer que ses sièges reposeront sur moins de 40% de votants, donc sur un rejet massif ? Et n’est-ce pas remettre Macron en selle que de voter pour une institution qui de fait se trouvera par la participation électorale, quel que soit le résultat, légitimée alors qu’elle est un des premiers obstacles à la volonté populaire, déniant la souveraineté des peuples et appliquant une politique contraire à l’intérêt général ?

La souveraineté est une exigence qui se décline. La souveraineté monétaire par exemple, donc la rupture avec l’Euro. Tout le monde sent bien que l’euro a aggravé les conditions de vie de la grande majorité du peuple français, des couches les plus exploitées et des classes moyennes. Pourtant la volonté de rompre avec l’Euro se heurte à quelques questions légitimes, demeurées en général sans réponse : rompre pour remplacer l’Euro par quoi, le retour aux monnaies nationales, le risque d’attaques massives et de marasme monétaire, l’établissement d’une monnaie commune contre la monnaie unique… Seule la réponse à ces questions rend saisissable la nécessité de rompre, et donc possible le retour à la souveraineté nationale, en l’occurence monétaire.

La question des traités et donc de l’UE se pose en fait de la même façon. Faut-il rompre pour retrouver notre souveraineté. Sans aucun doute. Mais rompre avec quoi et pour quoi faire ? La réponse à cette question rend saisissable le combat pour recouvrer notre souveraineté. A défaut la question est idéologique et parait pour beaucoup hors de portée.

Nous sommes par exemples opposés aux délocalisations qui s’opèrent au détriment de notre industrie et de nos emplois. Il faut donc dénoncer l’article 63 du Traité de fonctionnement de l’UE.
Nous sommes par exemple partisans de la défense et de du développement de nos services publics. Nous sommes donc opposés à leur soumission à la concurrence libre et non faussée qui notamment interdit l’intervention de l’état dans sa fonction protectrice du bien commun. En conséquence il nous faut dénoncer l’article 106 du même traité de fonctionnement de l’UE.
Bref, il faut en chaque chose argumenter et expliquer les raisons pour lesquelles notre souveraineté est nécessaire non comme un principe abstrait, mais comme le moyen d’une politique conforme à l’intérêt général.

Cela règle d’ailleurs un débat qui revient de façon périodique, comme pour occulter la signification politique qui nous importe. Il y aurait des « souverainistes de gauche » et des « souverainistes de droite », les fameux "souverainistes des deux rives" chers à l’époque à Jean Pierre Chevènement, qu’il s’agirait de rassembler dans un bloc commun au nom de la souveraineté. Le seul rassemblement possible est celui qui met au centre la république sociale, c’est à dire la politique au service du peuple et des classes qui n’ont que leur force de travail pour vivre, ouvriers, salariés, artisans, petits patrons, etc…. Messieurs Glucksmann, Faure, Hamon, ou autres Hollande, messieurs Sarkozy, Wauquier, ou encore madame Le Pen ne mettront pas longtemps à se réclamer de la souveraineté comme d’une généralité. Mais leur souveraineté est-elle défendable lorsqu’elle permet la loi travail, la vente à la découpe de la Nation, la soumission aux traités qui servent le capital financier ?

Les points de repère de gauche, de droite ou encore d’extrême droite sont en réalité aussi nébuleux que celui de souveraineté pris de façon abstraite. Mis à part pour quelques militants qui ont dépassés la cinquantaine, qui ont été bercés aux générations Mitterrand, Marchais, ou autres dinosaures, qui détestent la « gauche » pour ce qu’elle est intrinsèquement, et qui n’ont jamais aimé « la droite », le concept de « gauche » ou de « droite » sont inaudibles. C’est pour le plus grand nombre le contenu politique qui compte et non des étiquettes qui relèvent de la paléontologie. Le contenu politique permet de déterminer qui est qui et qui veut quoi. La loi travail, les privatisations à répétition, la diminution des services publics, voila quelques points de repères qui ne mentent pas et qui sont compréhensibles par tous. Le cas de madame Le Pen est un cas d’école. Certains gauchistes partisans du « F comme fasciste », « N comme nazi », ne peuvent parler qu’à eux-mêmes. La question du Smic qui voit la responsable du RN avoir les mêmes positions que Macron ou encore que l’UE est beaucoup plus démonstrative pour éclairer la véritable nature d’une politique qui jusque là voulait rassembler en criant fort sans laisser paraitre le but précis qui était recherché.

C’est l’intérêt général et l’exigence démocratique qui font de la souveraineté une exigence non négociable. C’est donc de l’intérêt général et de l’exigence démocratique qu’il faut partir pour éviter l’émiettement et la dispersion…