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Lettre ouverte à Hayk Shahinyan

lundi 1er avril 2019, par Jean-Paul DAMAGGIO

Depuis début décembre je découvre votre ton paisible sur des dizaines de plateau télé et pourtant je ne suis pas un acharné du petit écran, mais même ceux qui veulent vous éviter ne le peuvent.

Je ne doute pas que votre auto-désignation comme directeur de campagne d’une liste aux européennes va vous valoir des tonnes de fausses informations. Mais que vous soyez ou pas un sous-marin de Bernard Tapie m’importe peu. On va aussi vous reprocher cent fois de faire le jeu de Macron mais tout le monde a le droit de se présenter à une élection.

Ce qui me vaut cette lettre ouverte c’est une évidence plus honorable : vous accédez à une tonne d’émissions et quand vous ne pouvez vous dédoubler vous envoyez le copain Barnaba, comment est-ce possible ?

Je ne doute pas un instant que d’autres gilets jaunes étaient disponibles mais non, c’est vous le chouchou des journalistes. Est-ce que votre ton paisible est jugé télégénique ? Ou la raison est-elle plus politique ?

Le phénomène je l’ai analysé minutieusement en 2007 quand les médias ont fabriqué le candidat José Bové (que j’ai soutenu un temps). Certains ont dit qu’il s’agissait de diviser encore plus la gauche. J’ai découvert que cet effet collatéral ne devait pas faire oublier l’essentiel. Les médias veulent fabriquer eux-mêmes les candidats aux élections ! Autrefois leur honneur venait de leur capacité à informer. Il existe encore un peu, mais est marginal. Aujourd’hui leur honneur est de fabriquer de grandes quêtes publiques, de grands films et de grands politiques. D’où cette contradiction : les grands médias ont fabriqué Macron qui se présente comme une victime des grands médias !

Avec le mouvement des gilets jaunes le même paradoxe se produit : des médias qui font la promotion du mouvement et l’insultent en même temps. Une façon de se donner des airs d’objectivité ? Non, c’est une façon de jouer dans la classe des décideurs et non dans la classe des informateurs… sans se donner la responsabilité d’assumer les décisions ! Bref, votre liste a été fabriquée par les médias, à la merci de qui vous allez rester !

Un jour de 1994 un grand Mexicain a eu les honneurs de la presse internationale puis un autre jour de 2002, les médias l’ont renvoyé dans sa forêt. Je veux parler de celui qui se faisait appeler le Sous-commandant Marcos dont beaucoup de gens pensent qu’il a disparu or il mène exactement la même lutte au Chiapas !

Vous devez donc le savoir : en 68 les politiques commandaient aux journalistes qui se sont lancés dans une grève historique et à présent les journalistes commandent aux politiques dont le bras droit de référence est appelé conseiller en communication ! Vous êtes leur jouet et, oui, là ce n’est pas sans rapport avec les bénéfices que vous apportez à Macron.

Notez bien la différence : Mitterrand a créé Génération écologie, ou la candidature de Tapie aux européennes de 1994, mais pour vous, ce miracle, ce sont des journalistes qui l’ont crée d’eux-mêmes, peut-être parce qu’à présent ils baignent tellement dans la société d’en haut, qu’ils parlent le plus souvent comme elle.

Un jour, il vous faudra éclaircir ce lien aux médias. José Bové a fait de la prison pour devenir un enfant chéri des caméras mais vous, qu’avez-vous fait ? En attendant une réponse qui ne viendra jamais, recevez toute la colère que m’inspire votre démarche.