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Le véganisme ou l’impasse d’une idéologie

dimanche 11 février 2018, par Philippe COLLIN

Depuis quelques mois, émerge un débat de plus en plus envahissant et bien peu équilibré autour de la question de l’élevage et de l’usage des produits animaux, alimentaires ou pas. Le relais médiatique est impressionnant et le réquisitoire anti-élevage de la part des journalistes et autres intellectuels engagés, laisse peu de place à une réflexion mais plutôt à un matraquage sans contradiction. Seules Jocelyne Porcher et quelques autres personnalités sont convoquées pour « défendre l’élevage », mais cela reste minoritaire, la majorité des intervenants prennent la parole pour condamner l’élevage, pour encenser le végétarisme ou le véganisme.

Après plusieurs centaines de milliers d’années pour nous autres Sapiens, à nous comporter en omnivores un peu opportunistes, comme tous les omnivores, au gré de ce que nous trouvions, nous voici sommés de modifier nos habitudes alimentaires de façon radicale et précise : nous devons cesser de consommer de la viande, et en prolongeant l’injonction, de cesser d’utiliser les animaux pour quelque usage que ce soit à notre profit.

Aucune place ou si peu pour expliquer comment notre société s’est développée depuis le néolithique avec l’élevage. Aucune place non plus pour essayer de comprendre la vie avec et contre les animaux depuis que Sapiens est Sapiens.

Étonnant et pourtant si peu !

Pour enlever tout doute s’il en subsistait un, je ne vais pas maintenant me livrer à la défense d’une agriculture dont je combats les orientations et la plupart des pratiques depuis bientôt 40 ans. Néanmoins, pourquoi ces questions, que personne ne se posait auparavant, arrivent sur la scène médiatique aujourd’hui et pas lors des premiers scandales alimentaires se firent jour ?

Les éleveurs de ce qui ensuite devint la Confédération paysanne se révoltèrent au début des années 70 contre la pratique des hormones que leurs commanditaires et leurs intégrateurs leur imposaient. À l’époque, pas de remise en cause de l’élevage.

De même lorsque la connaissance de l’élevage de poulets aux hormones et à la farine de poissons dans les années 60 est devenue une affaire publique, elle a certes a suscité la chanson de Jean Ferrat (La Montagne) mais n’a pas limité la consommation de poulets. Celle-ci continue encore.

Je vais essayer d’aborder ce phénomène car c’en est devenu un sous différents aspects. La « cause animale » est C’est devenue un débat public et plus seulement une question des choix individuels de mode d’alimentation. À partir du moment où la revendication est de fermer les abattoirs, cela devient chose publique.

Je commencerai par tracer la succession d’informations et de scandales autour des questions d’alimentation et de l’élevage. Cette question semble qui semble légitimer la démarche de ceux qui portent ce débat et de ceux qui aujourd’hui le reprennent à leur compte. Il faut bien distinguer les militants des associations des réactions des citoyens attentifs, préoccupés par une mode de production agricole de plus en plus incompréhensible.

Ensuite je traiterai les différentes facettes de cette préoccupation devenue omniprésente de « respect de la vie » de « maltraitance » et de la place des animaux dans nos sociétés et plus généralement du vivant, avec notamment cette vision ethnocentrée occidentale.

J’aborderai également ce que cette orientation traduit pour l’avenir de notre humanité dans le domaine agricole et de nos modes d’alimentation

Enfin, je tracerai quelques perspectives pour que ce qui semble aujourd’hui devenu aux yeux de certains un crime puisse redevenir naturel comme il l’a toujours été.

Anti-élevage

La remise en cause de nos modes de consommation est un phénomène ancien pour ne pas dire éternel. Les interdits alimentaires existent dans toutes les sociétés et ont toujours existé. Nos sociétés ont organisé les exclusions de la consommation de produits alimentaires soit pour des raisons purement de raison (produits avérés toxiques ou indigestes ou encore non comestibles), soit pour des raisons religieuses certains animaux par exemple ayant une haute valeur d’usage comme le chat . La domestication Abyssin du chat qui permis aux égyptiens de voir leurs stocks de grains préservés par cet animal domestiqué. Animal magnifié en l’espèce surtout sous la forme du chat Abyssin ! Mais qui a domestiqué qui ?

Nous ne ferons pas ici l’inventaire de ces interdits, ce n’est pas le sujet. Il importe néanmoins de constater qu’il y a dans les interdits alimentaires des prescriptions qui sont de nature différentes :

L’interdiction de la consommation de certaines viande certains jours ou certaines périodes, en abstinence vis-à-vis d’un produit envié et agréable, « magnifié » (la poule aux œufs d’or, le veau gras, la dinde – Thank’s givings –, le cochon ou le mouton sacrifié) est un concept entièrement opposé de celui qui repose sur la prohibition d’aliments « impurs », interdits. Dans un cas, le produit proscrit est valorisé, dans l’autre, il est « diabolisé ». Les vegans sont clairement dans la seconde catégorie.

La remise en cause de l’élevage trouve sa porte d’entrée au travers d’un sujet longtemps ignoré voir évacué, celui de la mise à mort des animaux dans les abattoirs.

Celle-ci est contestée pour sa brutalité et son manque de respect des animaux. Ce qui est exact. Les animaux ne sont pas plus respectés que les humains de l’immense majorité de la planète qui aujourd’hui, trient nos déchets sur les tas d’ordures des « pays émergents » ou que ceux qui travaillent dans les serres d’Almeria pour ravitailler nos sociétés européennes en fruits et légumes en toutes saisons. Le raccourci me semble intéressant à opérer tant la question des conditions de vie des humains est un élément que les vegans intègrent peu car de nature à déplacer le problème de l’élevage. L’une des causes des mauvaises conditions de traitement des animaux dans les abattoirs est une cause sociale en relation avec les conditions imposées aux travailleurs des abattoirs. Ce n’est pas la seule, la question des infrastructures obsolètes et inadaptées en est une autre comme celle d’industries ultra performantes qui traitent les animaux comme des choses et non plus comme des animaux.

L’autre origine de la revendication des vegans de supprimer l’élevage est la condition offerte aux animaux dans les élevages industriels.

Entre les poussins sexés broyés à la naissance car ils ont le tort d’être mâles et que la race est une race de pondeuses, entre les fientes de volailles retraitées et ensuite redistribuées comme aliments aux volailles, entre les dents et les queues de porcelets coupés afin d’éviter qu’ils ne s’entre-dévorent, vue l’exiguïté des bâtiments, il est vrai que ces modes d’élevages méritent une opposition farouche. Nous pourrions ajouter les fermes des 1000 vaches, des 4000 bovins pour organiser l’expédition à l’export international comme raisons de se révolter.

Nous pourrions aussi évoquer les problèmes sanitaires des grippes aviaires à répétition, fruit des échanges internationaux. Difficile aussi d’oublier la crise de la vache folle, fruit du libéralisme anglais et des farines de viande des industries de l’équarrissage.

Je n’ai pas la prétention de dresser ici une liste exhaustive de toutes les bonnes raisons qu’il y a de rejeter ce mode de production agricole qui a transformé les paysans en producteurs de viande, ou de lait en oubliant que ce devaient être des éleveurs. Tâche noble qui consiste à contribuer à faire grandir un animal.

La zootechnie a remplacé l’élevage pour des raisons de rentabilité capitalistique et a contribué de ce fait à transformer radicalement les relations entre les éleveurs et leurs animaux, le nombre ayant une incidence directe sur la capacité que l’on peut avoir d’’appréhender la notion d’individu quand ceux-ci doivent se compter en dizaines de milliers.

Le lien physique est une donnée de l’élevage

. Ce lien est impossible et inconcevable lorsque l’automatisation a totalement remplacé le rôle de l’éleveur.

Aujourd’hui l’interdit revendiqué par les vegans porte non seulement sur une espèce mais sur l’ensemble des animaux d’élevage et par extension pour certains sur l’ensemble des animaux dits de compagnie.

Cette distinction est d’ailleurs nouvelle, puisque auparavant n’existaient que les animaux domestiques. Les chiens et les vaches étaient rangés dans la même catégorie conceptuelle et pourtant on ne mangeait déjà ni chien ni chat mais sans problème les chevreaux et les lapins….et déjà pas les rats ! Sauf nécessité absolue….faits de guerre notamment.

Ces débats sont portés notamment par plusieurs associations qui sont par exemple L214, PETA et 269 Life… Ces associations se revendiquent "anti spéciste" ce qui veut dire qu’elles considèrent que les espèces sont toutes dotées des mêmes droits "(et devoirs" ?). L’axiome est et que l’espèce humaine n’est qu’une parmi d’autres mais qui ne doit pas se considérer comme au-dessus des autres espèces. …

C’est à ce titre que les vegans veulent prohiber tout usage des animaux et toute consommation de produits animaux.

Voici l’article L 214 du code rural sur lequel s’appuie l’association L214 : « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce.

Ainsi la consommation de viande doit être interdite, "la peine de mort ayant été abolie" elle « ne doit pas rester en vigueur pour les non humains ».

Doit être prohibée également la consommation de lait, œufs, laine, soie. Il faut ajouter le miel, les chaussures en cuir,

Il faut en bonne logique exclure la fertilisation faite à partir des fientes de volailles et autres fertilisants issus de l’élevage.

Trouvé sur le site de L214 :

Quand on choisit de devenir vegan on exclut, autant que possible, toutes activités faisant souffrir les animaux.

Être vegan au quotidien :

« Une personne vegan est une personne comme les autres. Elle a simplement choisi de modifier sa façon de consommer et d’agir de façon à avoir un impact négatif le plus faible possible sur autrui. Elle fréquente les cirques sans animaux, observe les animaux dans la nature sans les chasser, se régale en mode 100% végétale, choisit pour se vêtir des matières non issues de l’exploitation des animaux (coton, matières synthétiques...) » et utilise des produits cosmétiques et d’entretien non testés.

Nous devons ajouter que doit être interdite toute expérimentation sur les animaux pour tester les médicaments.

Tout le reste du discours des vegans n’est qu’un habillage. Bien sûr, cet habillage est très attractif :

« C’est l’élevage industriel qui est en cause, ainsi que les méthodes utilisées dans les abattoirs ».

Nous verrons plus loin cet aspect afin de faire des propositions concrètes sur les soit disant « bonnes questions posées par les vegans ».

Je rappellerai à cette étape que l’abattoir moderne n’est pas une invention des années 2000 mais plutôt des années 1900, Henri Ford eu l’idée de fabriquer ses « FORD T » à la chaîne après avoir visité les abattoirs de Chicago. Il observa que les animaux arrivaient entiers et que les pièces détachées ressortaient à l’autre bout. Illustré par Hergé dans Tintin en Amérique, publié en 1932.

Uniquement aux défenseurs des animaux ou à d’autres intérêts qui se servent d’eux ?

Les vegans ne proposent aucune alternative à l’élevage industriel et qui serait compatible avec leur combat militant en direction des abattoirs et de l’élevage industriel. Il s’agit bien pour eux de supprimer l’élevage et en conséquence les éleveurs et ceux qui vont avec.

Ceux qui sont prêts immédiatement à s’accommoder d’une réflexion sur la mise en place d’une autre agriculture et donc d’une autre forme d’élevage peuvent passer directement à la deuxième dernière partie de mon propos.

Pour les autres, examinons quelques arguments.

Les arguments avancés par ceux qui revendiquent « la fin de l’élevage comme nous avons bien aboli l’esclavage » sont étayés par ce genre d’affirmations :

il faut 10 000 à 15000 litres d’eau pour fabriquer un kilo de viande de bœuf alors qu’il en faut très peu pour produire des protéines végétales. Les chiffres varient mais c’est toujours le même argument

Il faut de 2 à 5 calories végétales pour produire une calorie sous forme de volaille ou de porcs et de 10 à 15 pour produire un kilo de viande de bovin ou d’ovin.

Les animaux sont tous en élevage industriel, et de toute façon même quand c’est bio, ils sont concentrés... »

« Nous avons les « moyens dans nos pays pour se passer des produits animaux dans notre alimentation » (sic)[1]. (débat à France Culture « du Grain à moudre » 13 septembre 2017)

L’article L214 du code rural précise que « les animaux dotés de sensibilité », en conséquence, aux yeux des vegans nous ne devons pas mettre à mort les animaux parce qu’ils sont sensibles. C’est une interprétation un peu rapide de cet article du code Rural.

« L’élevage détruit la forêt amazonienne pour produire du soja »

« L’élevage contribue très fortement à la production de GES ».

Nous avons déjà assez de matière pour débattre.

La consommation d’eau est un chiffre fantaisiste. Bien sûr il faut beaucoup d’eau pour faire pousser l’herbe qui nourrit les animaux. Si l’on calculait la quantité d’eau nécessaire pour le riz non pluvial en période immergée, il faudrait demander immédiatement l’arrêt de la production de riz.

Les calculs additionnent l’eau qui tombe sur une parcelle d’herbe ou de maïs (94% du total ce que l’on appelle l’eau verte, appellation discutable il est vrai concernant les cultures de maïs mais tout à fait justifiée pour les surfaces toujours en herbe) et l’on divise la production de viande obtenue par la dite quantité d’eau. C’est oublier un peu vite que la majeure partie de l’eau qui tombe part en ruissellement , en évapotranspiration et que la seule partie absorbée par la plante est infime. Par ailleurs. Une partie importante de l’eau ingérée retourne au sol sous forme de fertilisants après être passé dans le corps des animaux.

Une partie de l’eau est effectivement transformée en viande et cela représente environ 50l d’eau par kilo.

Cette approche par le ratio d’eau n’a guère de sens sans examiner sur quels types de sols cette eau tombe, ni de savoir quel type d’élevage on pratique.

On pourrait rétorquer que l’accompagnement des envies des habitants de se concentrer dans les villes n’a-t-elle pas autant d’incidences négatives sur la pollution, la concentration, les réchauffements climatiques ? Pourtant il s’agit d’une autre forme « d’élevage industriel » des humains.

Environ 4,8 milliards d’hectares sont utilisés en surface agricole utile. Le reste est composé de forêts, de montagnes, de déserts et de zones urbanisées ..urbanisées…, ou de zones exemptes d’activités humaines.

Or sur ces 4,8 milliards d’hectares, seulement 1,5 milliards sont cultivés. Les 3.3 milliards restant sont consacrés à des pâturages de ruminants. 4 milliards d’hectares sont en forêt et 4 milliards en autres usages (roches, urbanisation, montagnes, déserts.)[2] (source Ministère agriculture).

Bien sûr il est aberrant de consacrer environ les deux tiers des surfaces agricoles cultivées à la production de céréales pour les transformer en viande mais cela n’est pas le seul problème. La majorité des surfaces cultivées est destinée à la culture de plantes alimentaires pour les humains : (blé, riz, maïs-alimentation humaine pour une petite part des surfaces, soja également, patate douce, mil, manioc, haricots, tournesol, vigne, fruits, légumes, condiments de toutes sortes…. d’une part.

De l’autre, les surfaces servent à d’autres usages : lin, coton, chanvre, orge, tabac, maïs et soja pour alimentation animale…et au usages énergétiques. Mais le tout est le plus souvent intégré dans des indispensables rotations de cultures si l’on se place dans le cadre d’une agriculture paysanne.

Est-ce que tous les usages sont équivalents ? Le seul critère serait-il d’apporter l’alimentation des humains ou doit-on considérer qu’il est quasi impossible de faire une hiérarchie stricte entre ces différents usages ? Doit-on produire du coton pour l’export au Burkina ou surtout en Égypte alors que la sécurité alimentaire n’est déjà pas assurée pour ces populations ?

L’opposition alimentation humaine-alimentation animale

Il n’est pas possible d’avoir une réflexion sérieuse sur la question de la consommation de viande sans parler d’agriculture.

Si aujourd’hui les paysans en sont arrivés à ce genre de pratiques, ce n’est pas par méchanceté ni cruauté naturelle des éleveurs pour leurs animaux mais sous la pression de rapports sociaux un peu rapidement évacués par les anti-viande. La baisse du prix des céréales à la production suit une pente régulière et descendante depuis la massification de la mécanisation qui se développe avec la révolution industrielle du 19e siècle.

L’invention des machines a jeté les paysans dans les usines, de gré souvent ou de force comme le Royaume-Uni l’avait fait avec les enclosures un siècle auparavant. Cette mécanisation a permis des gains de productivité par travailleur considérables et a accompagné toute la consommation des produits manufacturés rendue possible par l’abaissement constant du prix de revient des denrées agricoles. Cette évolution tendance a marqué une accélération au XXe siècle avec l’arrivée de l’industrie chimique dans le domaine agricole avec ses engrais et ses pesticides. Industries moins décriées par les anti-spécistes puisqu’il ne faudrait plus s’habiller qu’avec des matières issues des dites industries chimiques…ou avec des fibres végétales.

Pourtant c’est bien là l’une des causes majeures de la massification de l’élevage « industriel ».

Je mets ce terme entre guillemets parce que l’on reviendra sur cette dénomination.

Nous sommes donc arrivés à une situation dans laquelle les animaux ont changé de place dans la vie des paysans et donc dans la vie de chacun de nous.

Les animaux de la ferme étaient chacun destinés à une fonction. Ils étaient élevés et avaient été domestiqués pour leur fonction et non leur consommation. Une économie circulaire bien avant l’heure du recyclage du capitalisme dans « l’économie verte » la dernière escroquerie à la mode pour justifier les rapports sociaux actuels en repeignant d’une belle lasure la domination du capitalisme sur nos vies.

Ces animaux peuvent être décomposés en trois familles :

Ceux que l’on ne mangeait pas d’abord d’une approche générale : les chiens, les chats, les mules, les ânes, les chevaux (c’est la retraite de Russie qui a « libéré » les français de leur réticence à manger des chevaux puisque les soldats ont dû leur survie pour une partie d’entre eux à la consommation du dit cheval, les anglais n’imaginent toujours pas l’ingestion de cet animal).

La place du cheval est un sujet en soit qui mérite un détour. Historiquement la possession du cheval n’était pas le fait majoritaire des paysans, cet animal était voué surtout à être détenu par l’aristocratie avec laquelle elle menait la guerre. La traction agricole était assurée par les bœufs, souvent les vaches. La mule ou l’âne ou souvent été les animaux favoris des paysans, d’abord moins chers et plus résistants à la traction que le cheval.

Le cheval était surtout un animal de transport rapide et pas de trait. Cette traction soustrayait à la production agricole une quantité très importante de la production. Dans des proportions équivalentes à ce que l’alimentation des animaux de rente soustraie aujourd’hui.

Le chien était le gardien de troupeau, de leurs maîtres et le chat l’élément de protection des récoltes.

· Ceux que l’on mangeait parfois : les ruminants principalement : vaches, moutons, chèvres, mais dont la fonction principale était la production de lait, de laine, de traction, de cuirs, encore d’énergie comme c’est le cas en Inde avec la combustion des bouses.

Enfin les animaux d’élevage proprement dit, vaches, chèvres, moutons pour les ruminants et animaux de « basse-cour » (doit-on y entendre que les autres étaient de « haute-cour ?), les poules, les canards, et autres oies, porcs, dindes, pintades dont la consommation n’était pas une habitude mais qui intervenait pour le coq comme pour le porc après une longue cohabitation et une proximité qui générait des relations malgré tout respectueuses envers ces animaux.

· Ces animaux de basse-cour avaient pour vertu de recycler les déchets des hommes et de la production végétale et de concourir à valoriser tout ce qui pouvait l’être. Les vertus des gallinacées sont également connues pour leur capacité à manger des insectes et autres vers prédateurs des fruits et légumes. Les omnivores que sont les volailles et les porcs consommaient une grande diversité de produits présent sur place (petits animaux, déchets en tous genres. C’était avant que l’on transforme ces omnivores en vegans granivores dans les années 1990. (je parle pour le monde occidental spécifiquement) puisque condamnés à vivre en univers confiné et alimentés exclusivement avec de céréales. (faudrait-il y voir l’intervention de lobbys particuliers ?)

Les animaux étaient maltraités mais comme les hommes, les femmes et les enfants également.

Cette « communauté de vie » avait une logique de survie pour « « l’humain d’abord » comme l’arborait en slogan de campagne un candidat aux élections présidentielles.

La finalité de l’agriculture et de l’élevage est bien la recherche de la satisfaction de l’intérêt égoïste de l’Homo Sapiens qui cherche historiquement d’abord à se nourrir, à se vêtir, à se protéger, à protéger son travail….

Ces organisations sont de formes différentes selon les régions du monde mais ont également la même structure dans tous les continents.

Aussi si en Inde la consommation des vaches est de plus en plus souvent interdite prohibée, voire marginale, il n’en demeure pas moins que l’Inde possède le plus gros troupeau de vaches du monde et que tant la traction, la combustion des bouses que la production et la consommation de lait et produit laitiers sont des éléments majeurs de la vie des indiens. Doit-on ajouter que ce pays devient un gros exportateur de viande bovine ? Et ce d’autant plus que certains états ont interdits l’abattage (un peu hypocrite ?) des vaches….

Cette organisation trouvait une place et une utilité à chacun des animaux que l’Homme avait domestiqués. La finalité de la consommation de viande n’était pas le sujet et d’ailleurs, la consommation de viande en 1900 dans une famille paysanne française n’intervenait guère plus d’une fois par semaine Mais ils ne savaient pas qu’ils étaient alors « flexitariens ».

Mais la modernisation est passée par là. Au fur et à mesure que la rentabilité de la production de grains chutait sous la pression des mesures politiques et de la mécanisation, le paysan a cherché à conserver un peu de la valeur ajoutée sur les fermes.

Ces mesures politiques ont été constantes depuis le 19e siècle. De l’abolition des « corbs laws » en 1848 au Royaume-Uni pour pouvoir baisser les salaires à la mondialisation des années 1990, il y une continuité qui entraîne toujours plus de production de plus en plus concentrée et de moins en moins « humanisée ».

La mise en place des politiques agricoles partout dans le monde encourage la production et la consommation de viande. Les baisses de prix de production, l’incantation à la « compétitivité » sont encore des déclinaisons du toujours plus, toujours plus mal, toujours moins cher….

Giscard D’Estaing, alors Président de la République, a obtenu de la CEE en 1980 la mise en place d’une « prime à la vache allaitante » pour assurer la survie sociale des paysans dans les zones dans lesquelles la culture des céréales n’était plus rentable du tout et celle du lait de moins en moins..

Cela ne procura à l’époque qu’un bref moment de répit. En 1984, la CEE met en place les quotas laitiers et fait le choix d’organiser la restructuration de l’agriculture en spécialisant les fermes à outrance. D’un côté on organise la liquidation de la majeure partie des éleveurs laitiers, en encourageant l’intensification de l’élevage des vaches laitières plutôt que d’encourager la recherche de systèmes plus économes et plus autonomes, de l’autre pour que cette purge soit à peu près socialement acceptable, il fut alloué à ceux qui le voulaient une conversion de leur « droit à produire du lait » en « prime à la vache allaitante » généralisée.

C’est une des raisons pour lesquelles la Vendée ancien département gros producteur de lait est aujourd’hui le département qui élève le plus d’animaux de la race Charolaise …bien loin de son berceau d’origine. Personne ou presque à l’époque ne trouvait cela scandaleux, l’idée du prix « trop élevé » des denrées agricoles est une antienne qui permet de satisfaire les politiques d’abaissement des salaires en faisant varier le nombre des paysans.

Pourtant nous trouvons dans ce type de politiques l’une des raisons de l’augmentation de la production de viande et de sa consommation massive aujourd’hui de plus en plus décriée. La question n’est donc pas une question de morale à priori mais une question politique, économique et sociale.

La question de l’usage des terres agricoles est essentielle pour aborder la question de l’élevage.

C’est justement l’un des arguments les plus impertinents pour contester l’élevage si l’on veut défendre la condition animale et la pertinence des systèmes. La question de l’usage des terres agricoles est essentielle pour aborder la question de l’élevage.

Il est idiot de consacrer des grains dont le processus de production est coûteux en capitaux, en énergie en intrants en graines pour les monogastriques omnivores et non herbivores (il faut distinguer à cette étape le cheval et le lapin notamment qui sont eux des monogastriques herbivores) alors que c’est justement pour cette catégorie de production agricole qu’il y a une concurrence directe entre la nourriture pour les humains et celle des animaux d’élevage.

Consommer de la cellulose (constituant majeur de l’herbe) n’est pas la même chose que consommer des céréales ou des fruits…ou de la viande. Dans un cas, inutile d’un point de vue énergétique pour les humains que nous sommes puisque nous ne savons pas faire ce que font les polygastriques que sont les ruminants : digérer la cellulose pour en extraire l’énergie indispensable à la vie d’un vivant.

Malgré le calcul brut des calories consommées par calorie animale produite est un indicateur mais, la comparaison n’est pas pertinente puisque ce ne sont pas les mêmes catégories de calories. Un peu comme si l’on comparait pour l’alimentation un stère de bois avec un m3 de céréales.

L’Europe par exemple est une manifestation directe de l’imbécilité qui consiste à nourrir des poulets et des porcs avec du blé, nourriture symbolique s’il en faut une du « pain quotidien pas facile à trouver ».

En France, nous produisons environ 30 à 40 millions de tonnes de blé selon les années. Nous en consommons environ 12 millions de tonnes. Les deux tiers du blé consommé, souvent de qualité meunière médiocre est ingéré par les « animaux à viande blanche » (porcs et volailles). Un tiers seulement est utilisé dans l’alimentation humaine. Les deux tiers de la production française sont exportés, pour un tiers vers l’UE, pour un autre tiers vers les pays tiers, notamment Afrique du Nord et moyen Orient.

Mais si l’on examine non pas seulement la production de blé, mais celle de l’ensemble des productions végétales de « grandes cultures », la réflexion est toute autre. Il n’est pas possible de ne cultiver que du blé, la compréhension de la nécessité de réaliser des rotations de cultures est aussi vieille que l’agriculture. Il se trouve que parmi les autres espèces que le blé, peu sont utilisables facilement par les humains. Je veux parler ici de l’orge, de l’avoine non décortiquée, du triticale, du maïs qui est globalement inadapté à nos territoires nord européens. Mais nous reverrons cela plus loin.

Il est impossible de penser l’agriculture pour l’homme sans penser les rotations des cultures donc l’usage des terres dans une zone du globe qui est parmi les zones les plus densément peuplées du globe. Nous disposons avec de 25 ares de surface agricole utile par habitant européen quand les Usa disposent de 60 ares et la Russie d’1.5 ha…

Oui, l’élevage contribue à l’émission des GES. Comme l’activité humaine. Mais de quoi parle-t-on. Des émissions de méthane ? Alors oui, dans ce cas il faut se fixer des objectifs et cela devient une question politique et pas une question de choix individuels. Mais il faudra surtout interdire tout de suite l’usage des engrais de synthèse, car en plus de consommer des combustibles fossiles pour leur fabrication, ils émettent des gaz nitreux qui ont des effets beaucoup plus néfastes que le méthane des vaches qui rotent. Ces engrais de synthèse sont utilisés partout par l’agriculture conventionnelle sauf là où les paysans n’ont pas de capacité d’achat de ceux-ci.

Ces engrais de synthèse ont été l’un des moyens de la « Révolution Verte » conduite en Inde depuis 50 ans. Le bilan de ce type de fertilisation est catastrophique à tous point de vue : érosion et stérilité des sols, problème des pesticides, ravages de la biodiversité, mise en danger de la vie des paysans…

C’est ainsi que le débat peut être conduit, pas uniquement avec une seule donnée du problème.

La diversité des cultures est un impératif pour un paysan. Bien sûr il est toujours possible de penser comme certains vegans que nous avons « les moyens de nous passer d’élevage » (c’est vrai, ça, ces salauds de pauvres qui n’ont pas les moyens de s’en passer et qui vont continuer de produire et consommer des cadavres-terme employé par les vegans).

Mais ce n’est pas demain la veille.

La première question à se poser est comment assurer la production d’un minimum d’énergie de façon sécurisée pour l’ensemble de l’humanité ? Toutes les sociétés humaines se sont développées autour de la domestication d’une graine riche en hydrate de carbone et d’une autre plante riche en protéine. De là, le couple blé-lentilles, maïs-haricot, riz-soja, modèles culturaux qui ont assis une possibilité d’asseoir une relative sécurité alimentaire.

Très rapidement les cultivateurs se sont aperçus que la fertilité des sols baissait rapidement après les défrichements et la seule possibilité qu’ils ont trouvée était d’abandonner les terres et d’aller défricher plus loin. Il fallut la domestication des animaux et la possibilité de fertiliser avec les déjections pour que la fertilité puisse être améliorée. Et donc de valoriser des cultures pour les animaux. L’introduction des plantes fourragères dans les assolements est un pas décisif pour améliorer la fertilité des sols.

Ce qui peut être est en cause dans le débat sur l’élevage, c’est la proportion de l’usage des sols pour les animaux et pour les humains.

Il est connu que l’effet de fauche et que le retour à la parcelle des fumiers a permis d’améliorer la capacité des sols à nourrir les populations.

La dernière disette en France date de 1848. Cette date devrait permettre de réfléchir aux modèles agricoles de façon plus posée que l’on ne le fait trop souvent, d’autant que la disette, lorsque ce n’est qu’un concept, ce n’est pas trop impliquant. Beaucoup moins que lorsqu’on la vit.

Mais pour que les rotations comprenant les cultures fourragères puissent être massives, il faut que les coûts d’implantation soient sérieusement abaissés pour que la culture des fourrages devienne envisageable pour les paysans. Donc que la mécanisation se soit déjà un peu développée.

Or que s’est-il passé conjointement à la mécanisation ? Une élimination massive des paysans au XIXe siècle (50 millions d’européens ont émigré vers les Amérique et parmi eux beaucoup de ruraux et paysans déracinés). Et pour y faire quoi ? Pour certains qui devinrent les « farmers », se voir attribuer le fameux « quarter of quarter » que Jefferson avait découpé sur la carte des États Unis. Et sur ces terres, les farmers ont développé la culture attelée d’abord, l’élevage bien sûr, après avoir domestiqué des chevaux que les espagnols avaient importés lors de leur colonisation et qui s’étaient reproduit tous seuls.

Ce développement agricole est le même dans tous les pays du « Nouveau Monde », Brésil, Argentine, Canada…

La suite, c’est que dès que la mécanisation tractée animale est remplacée par la motorisation, . Les États Unis deviennent excédentaires en céréales. Ces céréales étaient consommées auparavant étaient consommés par les chevaux jusque vers la fin du 19e 19e, période à laquelle lorsque la motorisation à vapeur puis aux carburants fossiles a remplacé les chevaux.

La moitié des surfaces dans le monde est encore cultivée grâce à la traction animale. Sur le 1.3 Milliard de travailleurs de la terre dans le monde, 30 millions possèdent la motorisation, ceux qui ont les moyens de se passer de l’animal comme le disent les vegans, 300 millions possèdent la traction animale et le milliard restant ne possède pas d’animaux de trait, uniquement leur seule force de travail ou les services d’un paysan qui peut venir faire les gros travaux.

Seulement, cette donnée est souvent évacuée et il devient aujourd’hui de plus en plus compliqué pour les bailleurs de fonds des ONG de développement agricole d’intégrer ce type de pratique agricole dans les projets, la notion de « bien-être animal » selon un usage cher aux vegans en particulier devenant incompatible avec le développement de « l’exploitation des animaux ».

L’alternative est-elle le développement de la motorisation carbonée ? L’alternative est-elle la dépendance vis-à-vis des firmes des pays « du Nord « qui la maîtrise ? Ou alors d’accroître la dépendance à la maîtrise de circuits de distribution de pièces détachées des engins vendus par les firmes occidentales ?

Voilà encore un sujet qui n’est guère présent dans les réflexions de ceux qui veulent éradiquer l’élevage. Pourtant sur le site de L214, on peut lire que la rotation des cultures est une condition indispensable pour pratiquer l’agriculture vegan. Alors que veut dire pour eux la rotation des cultures ?

Alors lorsque l’on a pressé le tournesol pour en extraire l’huile, on fait quoi des tourteaux ? Actuellement, ils sont incorporés dans les aliments du bétail. La graine est si chère à produire, il est indispensable d’essayer de la valoriser au mieux.

Au nom du fait que l’on peut « éradiquer l’élevage » dans nos sociétés (ce qui n’est qu’un leurre mais supposons) doit-on l’imposer à toute la planète ?

Allez expliquer aux éleveurs peuls que leurs troupeaux menacent la planète. Il se trouve que la particularité originelle de l’élevage est que les animaux sont d’être capables de se reproduire tout seul, un peu comme le font les humains. C’est un capital sur pied, c’est un aide à la traction, au travail, à la production. Tout à fait différent de la culture pour laquelle il faut sélectionner des graines, les récolter, les protéger des prédateurs, les semer, encore les protéger d’autres prédateurs, tout cela pour une récolte qui ne garantit qu’au plus l’alimentation d’une année. Un troupeau en revanche représente un capital qui permet de palier aux coups durs, dont il est vrai que beaucoup de vegans sont bien à l’abri dans nos sociétés ayant mis en place des mécanismes de protection.

La question de la consommation de viande n’est abordée que sous l’angle « consommation de protéines ». Approche erronée car incomplète. La consommation de viande apporte bien sûr des protéines, mais aussi de l’énergie. 100 g de steak apporte de 150 à 300 kcals selon les morceaux, soit autant qu’une demi-baguette.

Curieusement cet aspect est totalement ignoré comme si la question de la fourniture de la kcal était résolue définitivement. Encore une fois, cette question est abandonnée car la mécanisation et la chimie ont rendu la question de la sécurité alimentaire hors sujet dans nos sociétés alors que c’est encore le sujet de 800 millions à 1 milliards d’habitants de cette planète. Mon propos n’est pas de dire qu’ils seront sauvés par la consommation de viande mais de souligner qu’aujourd’hui la consommation de produits d’origine animale contribue de façon majeure à l’alimentation des populations de la planète. Et je laisse de côté les Inuits qui ne consomment quasiment que du poisson.

Le principal problème diététique de notre société moderne n’est pas seulement la surconsommation de produits d’origine animale mais le coût trop faible d’accès des hydrates de carbones et du sucre rendus possibles par les agricultures chimiques mécanisées.

L’autre facette est le coût également trop faible des graisses végétales complément associées à cette agriculture industrielle (huile de maïs, tournesol, soja, colza…) qui ont tous comme caractéristique de transformer les engrais azotés en graisse végétale à coût faible. Ce coût bas est le résultat de politiques agricoles et énergétiques qui entraînent toute notre humanité dans une impasse. L’obésité est le résultat de cette agriculture qui aussi fait « bouffer du Mac Do » à toute la planète.

Les matières grasses végétales ont été parées de toutes les vertus sous la pression des lobbys des industries agroalimentaires. Aujourd’hui ces firmes contribuent à accroître l’idée qu’il faut se débarrasser des produits animaux en proposant du « Veggie garanti », du « steak de soja » au « vin non collé au blanc d’œuf » en passant par les produits alimentaires pour bébés. L’autre marché émergeant de cette modification est celui des compléments alimentaires et autres gélules médicamenteuses.

Ne reste qu’à interdire aux mères de nourrir leurs enfants au sein pour ne pas les rendre dépendants de produits d’origine animale et la boucle sera bouclée. Tout est possible, il existe des cas non marginaux de bébé mal nourris dans nos sociétés, vivant dans des familles qui décident que les régimes alimentaires vegans étaient appropriés aux bébés, ce qui n’est pas vrai.

À qui profite la percée des vegans ? A ceux qui aujourd’hui se jettent sur la fabrication des produits garantis, les Nestlé et autres grands commerçants des grains dans le monde qui sont beaucoup plus puissants que tout autre lobby pro-élevage car ce lobby possède l’arme de l’énergie. Ce lobby est aujourd’hui composé par exemple du lobby sucrier, produit qui a au cours de l’histoire et encore aujourd’hui contribué aux plus grandes exterminations et massacres de l’humanité. Les conséquences de l’élevage à cet égard ne sont qu’une vaguelette sur en regard leu tsunami qui a ensanglanté les deux côtés de l’Atlantique pendant 500 ans. Ce lobby aujourd’hui est hyperactif pour, non pas assurer un débouché de son sucre pour l’alimentation humaine, mais pour rendre l’économie de la planète dépendante de l’éthanol. Le principal problème de santé publique dans le monde, c’est le sucre, pas l’entrecôte. Nous avons derrière nous 500 ans de colonisation, notamment orientée sur la consommation croissante de sucre, sur la surexploitation des sols et des humains !

Pour le coup, il n’y que très peu de relations entre la production de canne et celle des animaux, c’est même un cas type dans les équilibres complexes des systèmes agraires, la canne étant plantée pour 8 ans et peut être replantée tout de suite après.

Les cinq grands trusts de l’industrie agroalimentaire ne vivent pas du tout ou alors de façon mineure pour Nestlé du commerce de produits animaux mais de la transformation des végétaux en tous genres (Unilever, Kraft Food-Heinz.)

L’industrie de la viande est condamnable en ce sens qu’elle ravale l’animal au rang de produit, mais elle n’a pas le vent en poupe. La consommation de viande a baissé en France de 15% depuis 20 ans et le même phénomène est présent dans tous les pays développés (hors USA). L’élevage continue sa croissance mondiale, mais c’est principalement le fait des pays en voie de développement.

Ainsi l’élevage serait à lui seul responsable de l’émission des Gaz à Effets de Serre (GES) et de la déforestation.

Pour remettre un peu d’histoire, les Étrusques ont coupé les forêts Toscanes il y 2700 ans. Les moines défricheurs ont rasé une grande partie de nos forêts européennes à la fin du moyen âge. Ce n’était pas pour cultiver du soja ni pour élever des animaux, juste pour la culture de produits alimentaires et la fabrication de l’acier, gros consommateur d’énergie. Déforestation pratiquée pour assurer les constructions et le chauffage de nos ancêtres.

Ceci juste pour rappeler que l’on doit parfois se garder de donner des leçons sans examiner nos comportements. Ce qui est en jeu dans un cas comme dans l’autre est la pression croissante de l’Homo Sapiens sur son environnement. Et cela quelle que soit la forme que cela prend.

Bien sûr la forêt amazonienne est entamée par la culture du soja et par le développement de l’élevage dans cette région. Cela n’empêche pas celle de la Côte d’Ivoire d’être menacée définitivement d’ici quelques années sous la pression de la culture du Cacao, consommé principalement dans les pays riches.

Cela ne doit pas faire oublier que la forêt Indonésienne est ravagée pour la production d’huile de palme pour faire rouler nos bagnoles et non pour alimenter les animaux. Oui la pression de l’élevage est forte sur notre environnement mais ce n’est pas pour autant qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain. Les ravages écologiques ne sont pas imputables uniquement à l’élevage. La disparition de 80 % d’espèces d’insectes depuis 40 ans en Europe n’est pas le fait de l’élevage, au contraire, mais pour assurer la production de végétaux. En masse, on doit avoisiner ce que représente l’abattage des animaux. En revanche il ne faut pas oublier la contribution de l’élevage au maintien de la biodiversité ou à la « séquestration » du carbone grâce aux prairies permanentes.

La situation des régions les plus polluées en Europe sont le fait des grandes concentrations des productions végétales maraîchères que ce soit en Bretagne ou en Andalousie. C’est là que sont déversés par hectare les plus grandes quantités de pesticides et d’engrais chimiques pour ravitailler à peu de frais les citoyens européens en fruits et légumes. Le tout sur fond de misère sociale des travailleurs de ces régions. Et ne parlons pas des grande concentrations italiennes de productions de ce genre, on retrouvera également les mêmes considérants que précédemment !

Oui le bassin parisien est trop cultivé alors qu’auparavant, avant les engrais chimiques, la fertilisation était assurée par l’élevage qui a laissé sa trace (à l’état nanométrique) avec les noms des chiens de troupeaux et des races de brebis. Oui la Bretagne est trop occupée par l’élevage de porcs et de volailles comme l’est le Danemark également.

Mais le problème est que la laine a été concurrencée par le coton produit dans les « colonies » comme on ne dit plus ou par la production inéquitable de laine venant d’Australie dont la vie du mouton n’a aucune espèce d’importance puisque là ;, ils ne sont élevés quasiment que pour leur laine dans des fermes aux dimensions impressionnantes.

Le problème est que le fait qu’il faille deux « litres de pétrole » (en fait les engrais azotés sont synthétisés avec de l’énergie qui provient plutôt du gaz naturel) pour produire une unité d’azote sous forme d’engrais chimique n’attire l’attention de personne, beaucoup moins que des porcs en « camps de concentrations » . Il faut environ 150 à 200 unité de cette énergie carbonée pour assurer la production de ces hydrates de carbone que sont le blé ou les huiles sous formes de colza. Cette énergie azotée assure la substitution des fumiers et autres composts de déjections animales. C’est en partie cela la raison de la déraison de l’élevage d’aujourd’hui.

Il n’est pas possible de faire l’impasse sur la fertilité des sols. Celle-ci est menacée par une surexploitation en fertilisants chimiques. L’UE en a même fait de cette question de la fertilité des sols l’un de ses objectifs au risque de se fâcher avec quelques lobbyistes bruxellois.

L’alternative prônée par les vegans serait la fertilisation par les composts de végétaux[3](vu sur le site de L214). Que sont ces composts de végétaux ? Pour une grande part, des produits dont la collecte, le traitement, la distribution est assurée par la collectivité puisque ce sont essentiellement des produits de l’urbanisation. Le problème est que la collecte, le broyage, le transport, le stockage et surtout donc tout le travail sont payés par les impôts locaux des collectivités locales puisque ces produits ne représente qu’un problème dont il faut se débarrasser et que la solution est l’agriculture de la périphérie, parfois souvent maraîchère.

Ce type d’agriculture est plus proche des villes et plus aptes pertinente pour à s’accommoder des quantités faibles de fertilisants disponibles puisque agissants ne concernant que des faibles surfaces peu importantes. Difficile d’imaginer que nous organisions une taille significative de nos forêts, le traitement des lignines en copeaux pour en faire une fertilisation sur les 16 millions d’hectares de Surface Agricole cultivée en France. Sauf à mettre à mal la forêt existante…ou à continuer d’épandre des engrais chimiques et ne pas poser la question de la combustion des énergies fossiles. En revanche, les 3 millions d’hectares de prairies temporaires et surtout les 8 millions d’hectares de prairies permanentes ne consomment quasiment pas de fertilisants chimiques.

Bien sûr, il serait plus « durable » que ceux qui apportent des tontes de pelouses dans les déchetteries utilisent leur jardin pour faire pousser des carottes et des salades ; mais le coût d’achat de ces denrées est suffisamment dérisoire pour dissuader n’importe quel possesseur de maison individuelle d’essayer de pratiquer le jardinage. Cette situation s’accompagne d’une perte des savoirs faire, élément indispensable pour se risquer à l’exercice du jardinage.

La concentration de l’élevage est aussi stupide que celle des humains qui cherchent tous à s’entasser là où leur confort ou leur intérêt est semble le plus net. Ce sont les mêmes humains qui organisent la concentration de l’élevage ou des cultures. Faut-il s’en étonner ?

Plutôt que de chercher un bouc (!) émissaire aux aberrations de notre humanité il faut d’abord essayer de savoir ce que veut dire « humanité ».

Si elle se résume aujourd’hui à se fixer comme objectif de ne plus tuer un animal parce que « les animaux sont des êtres dotés de sensibilité ; je pense que l’on fait fausse route[4].

(269 Life conteste l’idée de chasse puisque les sangliers sont croisés avec des porcs et que ce n’est pas pour réguler les populations) !!!!

L’antispécisme repose sur l’idée que les Homo Sapiens ne sont pas une espèce différente des autres. Soit.

L’association de protection des animaux PETA résume ainsi "Les animaux ne nous appartiennent pas. Nous n’avons pas le droit d’en disposer, que ce soit pour notre alimentation, notre habillement, nos loisirs ou nos expériences scientifiques." Le spécisme permet de justifier la possession d’animaux, les comportements violents et permet leur exploitation par l’argent en dehors de tout respect et justice.

Ainsi, ma sœur la brebis a autant d’intérêt et a le droit à autant de considération que mon voisin de palier ou que mon frère le lézard. À moins que l’on considère qu’il y a une graduation de sensibilité chez les animaux. Ce qui nous entraîne vers un débat compliqué. Certes iI existe déjà des protestations de vegans qui ne supportent pas que l’on procède à la dératisation organisée par les municipalités. Donc mon cousin le rat doit être respecté. Soit. Sa petite cousine la souris aussi. En tant que paysan, l’idée que la seule lutte contre les souris pour préserver ses récoltes doit passer par la cohabitation avec les populations de souris qui ne doivent plus être régulées que par la présence de chats assez massive m’interroge. Où est le droit de la souris d’être protégée du chat ? La souris ne serait-elle pas dotée d’autant de sensibilité que le chat ? La lutte contre les souris n’est-elle pas l’illustration que l’homme est capable d’élever des animaux uniquement pour son propre confort d’espèce ? C’est aussi l’illustration que l’homme essaie de conserver et de stocker des graines comme n’importe quel écureuil ? Les souris ne sont pas traquées pour leurs nuisances par d’autres espèces que l’Homme. Elles sont éventuellement mangées par les corneilles, les sangliers, les renards mais pas parce qu’elles détruisent leurs garde-manger, uniquement parce que cela constitue un repas pour les dits animaux. Les écureuils ne s’attaquent pas aux souris.

À moins que toute cette posture « antispéciste » ne soit qu’une vaste hypocrisie dans le meilleur des cas. ?

Aucune vie sur terre (circonscrivons le débat à cette enceinte géographique pour l’instant) n’est possible sans prédation ou utilisation de la vie d’un individu d’une autre espèce. Animale ou végétale. Vif ou mort, mais souvent vif pour la vie des animaux, pas seulement d’élevage. Aucun lion n’aurait sa survie assurée si l’on donnait un réel droit à la gazelle de ne pas se faire manger. À moins que le lion soit assigné à un régime végétarien.

Bien sûr, certains essaient d’observer d’objecter que si le penchant du loup pour l’agneau ne serait pas un produit d’une mauvaise conduite de la nature, mais que la conduite du loup serait induite pas l’homme qui a le toupet de lui mettre sous le nez du loup un agneau pour le tenter ! Le problème est que la nature est justement spéciste mais pas toujours. Nombre d’animaux se tuent entre eux, comme cela, un peu pour rien, comme dans l’espèce humaine. Le renard ne sait pas compter et encore moins gérer des stocks ; ainsi il tue et tue des poules par réflexe, le loup tue des agneaux pour jouer, pour montrer qu’il sait le faire, pas toujours parce qu’il a faim. Comme le chat avec les oiseaux. Là, oui, je suis d’accord, l’Homo Sapiens est une espèce comme les autres.

Pour le reste, il n’y a pas de vie possible pour le dit Sapiens sans qui n’accepte d’être le prédateur d’une autre espèce. Je sais qu’il est plus facile de faire pleurer en montrant des petits mammifères en train de jouer avec leur mère que d’attirer la compassion sur le sort des charançons du blé que nous sommes obligés de détruire afin que nos stocks de blé ne soient pas consommés par les charançons et non par nous autres bipèdes. Sale loi de la nature, mais comme il est avéré que la drosophile dort et peut avoir son sommeil perturbé comme un mammifère, doit-on rester insensible à la mort des insectes, dont l’extermination en cours est le fait massivement de la production végétale ?

Ce n’est donc pas l’élevage en tant que tel qui doit être interdit que la façon de le pratiquer, façon indissociable de notre mode de vie. Il est très confortable de porter des jugements sur les pratiques paysans et de leurs organisations sans se poser la question du « pourquoi on en est arrivé là ? »

Pourquoi tous ceux qui ne jurent que par la consommation végans se contentent pour la plupart d’entre eux d’être les consommateurs alors qu’ils pourraient avoir l’opiniâtreté de trouver et de prouver que l’on peut inventer une agriculture valable pour les 7-8 milliards d’habitants de cette planète ?

J’attends en dehors des expérimentations dont les conditions sont un peu biaisées et souvent non reproductibles (expérimentation sur quelques ares avec des moyens humains considérables) que l’on assure une alimentation avec ces contraintes :

 Pas d’animaux tués par l’homme.

Si l’on considère que les sangliers qui n’ont pas de prédateurs en dehors de l’Homme peuvent être tués, c’est déjà que l’on considère qu’il y a bien un spécisme entre celui qui a inventé le couteau et le fusil et celui qui n’a que ses défenses pour se battre. Il est possible bien sûr d’admettre que les récoltes dévastées par les sangliers, ce soit le fait de l’inéluctable, dans ce cas-là il faut admettre que la vie de l’humain va être sérieusement compromise.

Ainsi l’antispécisme est l’affirmation d’un hyper-spécisme. Il est intéressant de réfléchir sur « cet antispécisme ». Si nous sommes une espèce comme les autres animaux, pourquoi serions-nous la seule espèce à s’interdire ce dont nous sommes capables. Peut-être le chat se raisonne pour ne pas attraper une souris mais nous sommes bien obligés de constater qu’il se laisse aller à son penchant le plus « naturel » : la manger.

Ainsi l’antispécisme est l’affirmation d’un hyper-spécisme : l’homme serait au-dessus du « règne animal » et considérerait que sa culture peut faire changer sa nature…

Cette pensée est dans le droit fil de ces multinationales qui proposent de passer au règne de « l’Homme Augmenté » grâce aux nouvelles techniques qui permettent de trier contre dans le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley les Alpha plus et les Betas moins. Ainsi il sera possible de distinguer ceux qui ont dépassé le stade de leur nature et les autres, pauvres mangeurs de cadavres….

Ce n’est peut-être pas un hasard si l’on compare les mauvais traitements infligés à tort dans les abattoirs ou dans les élevages aux traitements infligés aux juifs dans les chambres à gaz ([5]

Le devoir de l’homme de dépasser l’homme, cette espèce au-dessus des autres qui pourrait concéder des droits aux animaux. De quels droits doit-on doter les animaux ? Et lesquels ? La souris ? Le chat ? De leur droit de ne pas être tué ? Mais par qui ? De quels droits parle-t-on ? Ce sont les humains qui édictent le droit. C’est un concept spécifiquement humain de codifier les règles de vie entre les humains. Si l’on parle de droit des animaux ; il faudra admettre l’idée de juges composés autant d’humains que d’animaux. Il faudra statuer sur le comportement de la mante religieuse qui n’est pas très respectueux pour son compagnon d’un jour. Ne pas rire, l’appel à témoin d’animaux a déjà été pratiquée en 2014 https://www.santevet.com/articles/un-nouveau-chien-appele-a-temoigner-dans-un-proces.

Au moyen-âge, ces procès étaient fréquents, l’excommunication était possible aussi pour les animaux qui nuisaient aux récoltes. Le cas du rat et de la souris pourraient donc être réglé par ce moyen. Voici donc un monde radieux, pas vraiment nouveau dans son fond, très nouveau dans sa forme qui s’offre à nous.

À partir du moment où l’on est prêt à faire « témoigner » un animal dans un procès qui concerne les humains, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas à nouveau possible de convoquer les animaux délinquants s’ils sont effectivement « coupables » de délits. Si l’on revendique « l’antispécisme », c’est cohérent.

L’une des batailles récentes des vegans est la lutte contre « l’abattage des animaux gestants ». Il est supposé que les éleveurs, cupides uniquement par nature, font tuer des vaches gestantes uniquement parce qu’elles sont plus lourdes. Passons sur la méconnaissance du commerce des animaux de rente, car les vaches sont payées au poids de carcasse et non au poids vif, le commerce des animaux vifs est essentiellement destiné aux animaux d’élevage et non aux animaux qui partent vers l’abattoir. En revanche la réflexion à avoir est la suivante : est-il possible de demander interdiction, contrôle, sanction envers les éleveurs et conjointement continuer de donner le droit à l’avortement ?. Les anti-avortement dans les années 70 étaient regroupés dans une association qui s’appelait : « laissez les vivre ». Peut-on penser que les déclinaisons de ces associations vont indéfiniment faire l’impasse sur le rapprochement entre ces deux questions qui semblent si proches si l’on considère que l’homme n’est pas une espèce à part ?

Je sais, cet argument peut passer pour de la provocation, aux yeux des héritiers de celles et ceux qui ont combattu pour le droit à l’avortement, mais si l’on examine mon argument comme tel on doit arriver à l’évidence que le fœtus humain est un animal comme les autres et doit donc être préservé contre vents et marées. Sauf à penser que l’Homo sapiens est bien une espèce d’un genre un genre un peu particulier….et donc que l’antispécisme n’est qu’une posture.

Il n’est pas possible de ne pas examiner l’antispécisme dans toutes ses conséquences. Peter Wohllenben dans « la vie secrète des plantes écrit que les arbres ont un pensée, qu’ils « reconnaissent » leurs « enfants », que les racines des céréales émettent des sons et que celles des plantes alentours se dirigent alors vers celles-ci…

Ainsi le débat sur la question de l’élevage sera rapidement dépassé car outre le fait que la principale activité destructrice des animaux à l’heure actuelle est la production des végétaux par les pratiques utilisées sur les insectes, la micro et macrofaune du sol, nous serons en devoir légitime de nous questionner quant à l’interruption précoce du cycle végétatif de la carotte alors que celui-ci est de deux ans et que nous nos obstinons à manger les sucres que la dite carotte avait prévu de consacrer à la production des graines pour l’année d’après. Si les mots ont sens alors, l’antispécisme doit être questionné dans sa signification, surtout à l’aulne des propos de Whollenben

Une fois les questions de l’élevage réglées par les vegans, certains (pas tous) mettent en cause la place des animaux familiers dans la vie des humains. Il devient donc impossible de commercer un animal pas plus que l’on a le droit de commercer un esclave. C’est logique, aussi longtemps que les animaux n’organisent pas eux-mêmes, avec leurs nouveaux droits, leur place dans la société, cette démarche est cohérente avec celle de « l’éradication de l’élevage ». Ainsi il ne sera plus possible de « posséder » chat, chien, oiseau, cheval… ni de les utiliser. Les spectacles du théâtre Zingaro ont déjà faits l’objet de manifestations car la mise en spectacle des animaux n’est pas conforme avec le respect dû aux animaux.

Il en résulte néanmoins que la question des animaux de compagnie divise l’anti-élevage. D’un côté ceux qui pensent que c’est un élevage comme un autre et qu’il doit donc être prohibé, ce qui veut dire que plus d’animaux de compagnie ne doivent cohabiter avec l’homme, de l’autre ceux qui ne s’interrogent que sur le fait que la nourriture des chiens et des chats est composée pour une grande part de produits qui proviennent de l’élevage industriel et à ce titre le cautionne.

La seule solution serait de rendre les chiens et les chats vegans pour être cohérents avec l’idéologie qui sous-tend ce mouvement.

La lutte contre les courses de chevaux, de chiens, fait aussi partie des combats menés par les vegans. C’est là aussi selon eux une manifestation de mauvais traitements à animaux.

Certaines questions n’ont pas émergé : doit-on interdire les chiens d’aveugle car c’est aussi une manifestation de la volonté de l’homme d’asseoir sa domination sur un animal pour son propre bien-être ? Et les chiens policiers drogués pour ensuite rechercher la drogue ? Les chiens d’avalanche, j’en passe et d’autres tout aussi utiles dans la vie des humains. Si l’on admet des exceptions, c’est alors que le spécisme est légitime.

Bref dans ce domaine l’antispécisme pose des questions encore plus difficiles à résoudre pour que l’homme soit dans une position confortable. Il existe environ 1 million de chevaux en France dont l’essentiel est élevé pour le plus grand plaisir de catégories sociales favorisés de façon majoritaire. C’est historiquement un instrument d’affirmation de son statut. Ces animaux utilisent en France environ 1 million à 1 million et demi d’hectares uniquement pour le plaisir et curieusement cet élevage n’est jamais accusé de mettre à mal notre capacité à nourrir nos populations (La consommation de viande de cheval en France est assurée principalement par des animaux d’importation). N’y aurait-il pas chez certain vegans une capacité à l’indignation sélective ?

Et puis, doit-on lâcher tous ces animaux emprisonnés afin de mettre fin à leur univers carcéral ? Doit-on les stériliser afin de voir ces espèces domestiquées quitter définitivement notre environnement ? Ces questions légitimes ne sont visiblement pas posées par les vegans.

La proposition de supprimer l’élevage mérite que l’on se pose la question de sa mise en œuvre. Outre les mesures transitoires que les quelles nous ne nous étendrons guère, le résultat attendu sur les paysages va modifier nos regards sur le « rural ». Il existe 11 millions de surfaces en herbes en France sur les 27 millions de SAU.

L214 veut préserver le bocage : mais le bocage est un outil au service de l’élevage, pas de la céréaliculture !

Donc si comme l’on s’achemine vers la suppression de l’élevage ce qui est l’objectif majeur des vegans, alors il faudra replanter en forêt les 11 millions d’hectares de prairies française. L’alternative est de les cultiver mais les alpages dans lesquels paissent les brebis et les vaches, les zones humides dans lesquelles les paysans fauchent l’herbe, les zones de rochers et de sables abrasifs pour les outils ne s’y prêtent guère. Je laisse chacun imaginer ce qu’il adviendra sur les paysages diversifiés auxquels nous sommes habitués.

La pression sur le prix de revient des denrées alimentaires est une question aussi vieille que l’humanité. La promotion de la suppression de l’élevage fait partie des outils pour arriver à ces fins. Le Royaume Uni a supprimé les « corns laws » en 1848 afin de pouvoir baisser les salaires. Ces lois mises en place lors des Enclosures pour assurer le développement capitalistique de l’agriculture anglaise avaient pour inconvénient aux yeux des capitalistes de maintenir un prix encadré et garanti des céréales sur les Îles britanniques. Dans ces conditions, la baisse de l’alimentation des prolétaires ne pouvait se faire, tellement les conditions de leur vie et survie étaient déjà précaires. C’est à ce moment que le Royaume Uni peut se permettre de pouvoir assurer l’alimentation de sa population à moindre coût par la pression coloniale et la possibilité d’importer des vivres pour maintenir la paix sociale. La mondialisation du 19e siècle se développe massivement dans la seconde moitié du 19e, cette ouverture des marchés alimentaires n’est pas la seule cause mais elle y contribue, jetant dans la misère des millions de travailleurs.

Aujourd’hui la suppression de l’alimentation carnée peut jouer le même rôle dans nos sociétés. La lutte contre les salaires des travailleurs de nos sociétés, commencée avec la mondialisation de la dernière partie du XXe siècle, annoncée comme heureuse, montre ses limites aujourd’hui. Les échanges stagnent, les problèmes liés à ce commerce comme moyen d’approvisionnement est de plus en plus contesté, produit des réflexes « populistes ». Ben oui le peuple voit bien que c’est lui le sacrifié.…. Il reste à expliquer à ce peuple qu’ils doivent s’habituer à manger autrement. « Dites-moi ce dont vous avez envie et je vais vous expliquer comment s’en passer ».

Vous rajoutez pour la bonne recette une louche de changements climatiques, une bonne dose de compassion et voilà la prestidigitation réussie : Les pauvres mangeront des patates et des céréales, les riches auront une alimentation beaucoup plus sécurisée, complémentée par les ingrédients fournis par les labos qui assureront notamment à leurs enfants en bas âge un équilibre alimentaire dans une période qui est la plus difficile à réaliser sans carences ni malnutrition.

Il n’est qu’à contempler les rayons des supermarchés et pharmacie pour comprendre l’enjeu économique et social qui est derrière. Cette mutation se produit par la couche de la société la plus réceptive : les étudiants, de plus en plus nombreux, avec une injonction de réussite qui leur impose des sacrifices économique pour « la réussite de leurs études et la réussite professionnelle ». Ainsi avec des coûts de scolarité en explosion, des besoins sociaux indiscutables, la seule façon d’abaisser les besoins économiques de l’alimentation est de valoriser un mode de consommation moins coûteux. De toute façon, la santé à l’âge d’un étudiant est un concept peu prégnant.….même si les jeunes ne sont que des vieux en devenir.

La boucle est bouclée, le véganisme est un outil au service du capitalisme et non de la « cause animale ». Il faut une fois de plus faire céder les travailleurs des villes et des campagnes aux injonctions du capital.

Bien sûr, aucune des campagnes de propagande des associations « animalistes » n’aurait d’écho si tout était parfait.

La confusion entre la cruauté et la douleur, la souffrance et la mort, les bonnes conditions d’élevage, terme qui a infiniment plus de sens que le « bien-être animal », et l’industrialisation, génère une attention du grand public peu averti.

La compassion anthropomorphique aboutit à une conception de plus en plus « hors sol » de la place des animaux. Il est par exemple encore admis en France, avec une population qui met la liberté au centre de ses préoccupations théoriques, que des bonnes conditions d’élevage pour les vaches se traduisent par la possibilité pour celles-ci de pâturer de l’herbe directement au pré, de pouvoir patauger dans la terre, de courir, bref de vivre une vie d’animal. Pour d’autres notamment en Europe du Nord , de bonnes conditions d’élevage passent par la reproduction de ce que l’homme peut parfois souhaiter : un bâtiment clair et aéré dans lequel les animaux passent l’année entière sans avoir d’autre horizon qu’une aire bétonnée qui permet de sentir le soleil, d’avoir de la nourriture en permanence qui arrive de façon toujours identique, équilibrée, complémentée en minéraux, en adjuvants, passée sous la validation des nutritionnistes des animaux que sont les zootechniciens comme les humains qui ont fait de la question alimentaire le respect d’ordonnances prescrites par les spécialistes….

Le fait de nourrir les veaux directement par la tétée des vaches fait partie des combats majeurs des vegans permet d’ouvrir un débat : est-il aussi légitime d’imposer aux éleveurs de ne pas séparer les veaux à la naissance et de permettre aux mères et pères des bébés de donner du lait reconstitué à leurs enfants ? Le sevrage de la mère est-il une question technique, sociale, anthropologique ? Personnellement je n’ai pas plus de réponse mais c’est la seule que je peux faire face à cette injonction. La tétine des biberons des bébés est de même nature que celle qui permet aux veaux de s’alimenter.

Il sera donc indispensable que l’on s’accorde sur la définition de bonnes conditions d’élevage, la notion de « bien-être animal » dénie, elle, par définition, la relation à l’élevage. Ce sera toujours un compromis aussi longtemps que nous vivons dans un monde dans lequel l’argent est un élément d’échanges. Il n’existe pas de « bonheur absolu » pour les animaux pas plus que pour les humains, aussi nous sommes rendus à essayer d’imaginer ce qui visiblement ne provoque pas de souffrance.

Il reste quelques sujets plus épineux : les omnivores monogastriques redeviendront des animaux utilisant ce que les humains ne savent pas digérer ou pas manger (les os pour les porcs par exemple, les issues de l’élevage et de la transformation en aliments pour les humains). Il est aberrant d’avoir proscrit tous les déchets d’abattoir de l’alimentation des monogastriques en les ayant rendu vegan. C’est une des raisons de l’utilisation du soja pour les porcs et les volailles, puisque c’est le seul végétal qui contient de façon satisfaisante dans les conditions économiques actuelles les acides aminés indispensables au développement des animaux en croissance au moment du sevrage.

C’est l’industrie de la fabrication des aliments du bétail (et des chats et chiens) qui est en cause pas la « nature » de ce que doivent consommer les omnivores monogastriques.

L’arrivée de la maladie de la vache folle a été une catastrophe de santé publique et industrielle, fruit du libéralisme Thatchérien mais pas une erreur biologique. Il est stupide d’avoir supprimé des aliments riches protéines et énergie que sont les déchets d’abattoirs qui représentent 93 % des déchets de la consommation de viande pour les 7% de déchets provenant des industries d’équarrissage qui eux ont généré ce scandale et cette peur collective à la fin des années 90. Les mesures adoptées par l’Angleterre Thatchérienne ne l’ont été que pour assurer des profits plus juteux aux industriels de l’aliment du bétail.

J’ai abordé la question de l’hébergement des animaux. Il pourrait être envisageable de revenir à une époque dans laquelle la vache servirait de chauffage direct pour les éleveurs, mais je pense que notre société s’est éloignée de cette vie-là dès que le paysan l’a pu…pour ne pas la fixer à nouveau comme objectif.

Nous devons aborder l’alimentation. Nous devrons distinguer les ruminants des omnivores monogastriques. Les ruminants sont faits pour ruminer, ce qui veut dire transformer de la cellulose en énergie utilisable par ceux-ci. D’abord, au commencement, ils ne devraient boire uniquement que du lait de vaches pour les veaux alors qu’actuellement ils ne boivent qu’un liquide blanchâtre dans lequel les firmes ont retiré les matières grasses animales et remplacées par des matières grasses végétales….(cela est vrai pour les veaux des vaches laitières).

Nous pourrions tomber d’accord ensuite que toute autre alimentation que de l’herbe et du foin soit la base. Donc pas d’utilisation de céréales ou alors très encadrée, doit être un élément de réflexion. La combinaison des deux mesures limiterait sérieusement la production laitière disponible sur le marché.

Les paysans qui reproduisent du « Lait à Comté » ont déjà codifié la quantité maximum admissible de céréales pour obtenir l’appellation.

Si l’on considère que la domestication des ruminants s’est faite historiquement sur la base de l’utilité de l’animal, sur l’échange du don et du contre-don comme l’explique Jocelyne Porcher, nous devrons définir quels services sont rendus par les ruminants : -valorisation de surfaces incultivables (pentes, rochers, qualité de sols…)

 Fourniture d’aliments, de préférence renouvelables, donc plutôt sous forme de lait que de viande qui ne doit rester qu’une valorisation intervenant au terme d’une « vie bonne d’animal ». Certes, le monde est injuste et la place des mâles est plus difficile à trouver dans ce monde-là qui a supprimé sous nos climats l’usage de la traction animale. Nous pourrions redécouvrir quelques vertus à la traction animale mais je pense que cela posera et marginal quelques difficultés et quelque pertinence pour se développer rapidement, le coût de la traction mécanisée est faible. Il faudra des politiques incitatives comme l’usage dans certains types de productions.

 Fourniture de fertilisants, ce qui veut dire interdire l’usage des engrais chimiques et engrais de synthèse, origine de l’industrialisation de l’élevage comme rappelé ci-dessus.

 Usage de toutes les parties de l’animal. Si l’élevage et la détention des animaux de compagnie a pris autant d’importance en relation avec l’élevage industriel, c’est notamment lié au fait que le prix de « la viande » est tellement bas que chacun ne consomme que les « bons morceaux ». Ainsi a disparu une grande partie de la consommation d’abats, des « bas morceaux » et autres valorisations alimentaires qui auparavant étaient totalement intégrées dans les « services rendus » et qui maintenant servent à nourrir des millions de chats et de chiens. Donc avec un prix de la viande plus élevé, il sera indispensable de consommer et valoriser tous les morceaux.

La valorisation des cuirs est devenue difficile, concurrencée par les produits d’origine fossile. En plein débat sur les changements climatiques, il serait incohérent de ne pas examiner toutes ces questions. La survalorisation du coton par exemple comme substitut à la laine est une honte pour ceux qui revendiquent l’ambition de « protéger la planète » (la dite planète, elle-même, se moque de savoir si quelqu’un veut la sauver, c’est juste l’Homo Sapiens qui commence à s’interroger sur les conditions de sa survie sur cette Terre).

L’usage de la laine, qui correspond au cycle naturel pour le mouton est pertinent et si cela permet au paysan d’être mieux rémunéré, l’obligation de vendre des kilos de viande sera moindre. Mais qui est prêt à payer ?

Le coton exploité de façon moderne est un exemple des ravages perpétrés par la colonisation avec le sucre et les pierres précieuses. Aujourd’hui, encore, c’est une monnaie d’échange pour les pays occidentaux qui de ce fait empruntent aux pays en « développement » des surfaces pour produire les draps et chemises des occidentaux. Une partie significative de la surexploitation de cette fibre et de conditions de travail inimaginables est encore présente sans que cela n’émeuve trop lorsque ce sont mille Bengalis qui meurent sous le toit de leur usine qui s’effondre.

Donc la laine. Et les autres poils remplacés par les fibres synthétiques.

Je n’irai pas plus loin, ce sont juste quelques illustrations des services rendus potentiellement et qui ont disparu avec l’industrialisation. C’est une question de réglementation, de respect de conditions de production le plus renouvelable possible.

L’une des modifications indispensables est de modifier les pratiques d’élevage dans le domaine de la reproduction. Le « 1 veau par an » pour objectif d’un éleveur de vaches laitières produit trop de veaux pour nos besoins en viande. Le seul objectif poursuivi par l’éleveur est d’obtenir plus de lait sur la durée de vie de la vache. Pas de tuer des veaux. De même l’augmentation considérable de la production d’œufs par an des poules ou des agneaux par brebis a concentré la production, massifié la consommation de viande ou « d’ovoproduits ( !) » comme chacun sait.

Aussi, il doit être possible de codifier d’autres objectifs et d’autres règles pour construire un élevage satisfaisant aux objectifs de relations plus cohérentes entre les hommes et les animaux.

L’outil majeur qui permis de mettre en ordre la mécanisation de l’agriculture et sa « modernisation » » est la sélection. Animale et végétale qui ont évolué de pair, le débat sur les OGM étant une facette de ce qui a été en œuvre avec le développement des « races animales ».

Le produit de ces travaux, conduits par les institutions étatiques aboutit à des aberrations qui alimentent les « anti-élevage ». Fabriquer des vaches sans beaucoup de viande qui produisent 10000 l de lait avec force aliments concentrés d’une part et de l’autre avoir transformé des vaches en « races à viande » traduit cette industrialisation de l’agriculture. De la même manière, pour les « races » ovines et avicoles (je n’utilise ce terme qu’entre parenthèses tellement il est stupide d’avoir sélectionné sur des critères phénotypiques) Ce terme de race n’est toujours pas remis en cause alors que ce terme est enfin aujourd’hui heureusement banni pour les humains alors qu’il figurait en bonne place dans nos écoles lorsque j’y allais) la séparation en « races laitières et races bouchères » est aussi idiote que d’élever des poules qui pondent 280 œufs et plus par an et que d’autres congénères ne vivront que 30 jours pour produire un animal d’1.7 kg !

Et cela c’est le travail des scientifiques, des élites dirigeantes au service d’un projet démoniaque. L’Inra et les Instituts techniques (et leurs homologues dans le monde entier) ont œuvré pour arriver à ce résultat. 70 ans d’erreur qui aujourd’hui sanctionnent une nouvelle fois ceux qui n’ont fait que suivre les politiques imposées, les choix techniques obligatoires des « plans de développement » » des années 70 aux pour obtenir des subventions, des reconnaissances professionnelles et économiques. Les paysans n’ont pas inventé les hybrides ni les OGM. Ni la « race Charolaise » ni « la Holstein ». Ce sont les labos de recherche qui ont travaillé sur la reproduction animale avant de s’apercevoir qu’ils engendraient potentiellement des monstres comme Frankenstein (Jacques Testard était chercheur à l’Inra et travaillait sur la reproduction des vaches avant de mettre au monde le premier « bébé éprouvette » comme chercheur à l’Inserm. Il fait partie de ceux qui aujourd’hui contestent cette évolution scientifique sans conscience).

La remise en cause des races devrait permettre à nouveau d’avoir des « populations d’animaux » (terme plus pertinent) d’animaux dans certains terroirs (moins lourds dans les terres humides, plus poilus dans les zones froides, au cuir plus épais quand le problème des insectes piqueurs est un problème…). Bref, je vous propose de réinventer l’eau tiède en mélangeant de l’eau chaude et de l’eau froide mais cela me semble être la seule piste à poursuivre.

Il sera donc possible de réorienter les travaux vers la compréhension des systèmes. Beaucoup plus difficile et moins lucrative que la séparation des éléments et la brevetabilité des molécules ou des procédés. Il faut inventer une autre agriculture qui doit conjuguer ce que nous n’avons jamais su faire sous nos climats : la cohabitation de l’homme, de l’animal des végétaux annuels (afin d’assurer la sécurité alimentaire par la production de graines stockables) et des arbres. Ce sont les seules plantes susceptibles de stocker le carbone sur le moyen terme, donc d’assurer la lutte pour la fertilité des sols et du renouvellement énergétique. Pour cela, il faudra bien sûr que les animaux de rente soient moins nombreux (à condition que la place des animaux de compagnie évolue aussi) et que leurs fonctions soient redéfinies.

Il faudra repenser les façons de produire et de consommer les végétaux, le gaspillage actuel ne sert que la concentration industrielle.

La possibilité de produire des graines riches en hydrates de carbone aptes à assurer à nos sociétés la sécurité alimentaire est une conjonction de conditions naturelles rares. Le blé s’est imposé par exemple dans nos société européennes non pas parce qu’il avait la meilleure qualité objective pour l’alimentation humaine mais parce qu’il ne possédait pas comme le seigle la faculté d’être sujet à l’ergot, champignon générateur de la « danse de Saint Guy ». Cette céréale alimente aujourd’hui des porcs et des volailles alors que c’est une graine plutôt difficile à obtenir sous nos climats froids sans engrais et les béquilles chimiques fournies par les trusts agrochimiques. La recherche devra permettre de comprendre les interactions entre les éléments d’un milieu plutôt que d’essayer l’adapter le milieu comme nous le faisons depuis 150 ans.

Tout cela ne pourra se faire que si l’on évince les intérêts privés de ces réflexions et de ces découvertes puisque actuellement, le seul objectif des firmes est de privatiser tout ce qui peut permettre de maximiser le profit.

Cette nouvelle agriculture ne pourra se faire sans que ne se pose la part qui revient au paysan dans la chaîne de production. Historiquement les paysans ont été la variable d’ajustement de l’évolution des techniques. Il semble inconcevable que l’on imagine une agriculture que sera plus coûteuse en travail, parfois autant en capital si l’on inclut la plantation d’arbres dans les systèmes agraires, avec des parcelles plus petites, plus diversifiées, des rendements plus faibles surtout si l’on a d’une part une suppression de la fertilisation chimique et de la réduction des troupeaux d’animaux, et que tout cela ne se traduise par une augmentation significative des coûts d’accès à l’alimentation.

Les politiques agricoles ont toujours eu pour objet et effet de baisser le coût d’accès aux denrées alimentaires. Les standards de la composition ont changé au fil du temps, d’une alimentation riche en produits végétaux, puis animaux pour consommer les excédents des produits végétaux alors transformés en animaux. Du « gagner son pain quotidien » au « steak quotidien » il y a une continuité qui sacralise le marché comme élément de répartition et d’attribution de cette alimentation.

Nourrir les pauvres a toujours été le sujet de préoccupation de nos sociétés (du pain et des jeux disait déjà César). C’est un enjeu de paix sociale pour certains, un enjeu de justice pour d’autres mais c’est une préoccupation qui fait converger les opinions.

C’est juste sur les moyens d’y arriver que cela diverge.

La réduction des inégalités est un objectif qui devra obligatoirement être au centre d’une bonne politique agricole. L’accès pour tous les citoyens à des aliments de qualité est indissociable d’une autre façon de penser la production.

Néanmoins comme il risque fort d’y avoir besoin d’étapes et de transitions, la question de l’accès pour les plus pauvres ne peut être évacuée d’un revers de manche.

L’alimentation est toujours un élément d’identification sociale, que cela nous plaise ou pas, ce débat sur la place de l’élevage l’illustre. Le rejet de l’élevage est d’abord un phénomène de marginalisation et d’affirmation d’appartenance à une « élite éclairée ». C’est aussi un phénomène d’exclusion des autres catégories, justement celles qui ont le plus récemment adopté des habitudes des riches d’hier (la viande rend fort, l’accès au steak est l’identifiant de la réussite, et le fromage, et les poissons, etc., etc…). Ce débat sur l’alimentation est encore un support de marquage social, de la même manière que quand le pain blanc a remplacé le pain « bis » ou le pain de seigle consommé par les « gueux ».

Maintenant, manger cinq fruits par jour est le luxe des classes aisées éduquées qui peuvent s’offrir ces produits souvent importés. Concernant la consommation des légumes, leurs production industrielle ainsi que l’industrialisation de leur transformation a tellement éloigné le citoyen consommateur que ceux-ci ne savent plus les préparer ni même les apprécier.

La consommation des salades entières baisse quand celle des salades en sachets augmente. Le marché est-il un bon régulateur ? Assurément non..

Il faudra redonner aux mouvements d’éducation populaire leur rôle afin de permettre aux produits simples de retrouver leurs des lettres de noblesse.

Le prix de ces produits risque fort d’être pédagogique. En effet la production sans pesticides ni engrais de synthèse rendra leur coûts de production élevés, peu propices au gaspillage. La massification des produits bio ne doit pas se faire, au contraire avec un abaissement de prix. Les prix sont encore bien souvent insuffisants, même en bio pour assurer la reproduction des fermes encore trop souvent condamnées de s’agrandir.

Il sera urgent de mettre en place un système de socialisation du prix des produits les plus vertueux pour l’alimentation afin d’obtenir comme pour la santé un système que donne à chacun selon ses besoins (définis collectivement) et impose à chacun de contribuer selon ses moyens. Alors, une carte « Vitale » pour une alimentation de qualité ? Un système dans lequel les produits éligibles seraient les produits élaborés selon un cahier des charges précis. Un système dans lequel on ferait migrer les aides agricoles pour que chacun puisse consommer des produits de qualité, quelle que soit sa condition sociale. Un système dans lequel les produits « trop gras, trop industriels, trop sucrés, trop pesticidés » ne bénéficieraient plus d’aucun soutien public. Bref un système qui posera les questions politiques plus larges que de renvoyer l’évolution de nos sociétés qu’à la seule modification de nos comportements individuels. Comme si les politiques agricoles mises en place depuis des lustres n’avaient pas engendré ce monstre devenu aujourd’hui incompréhensible et donc insupportable.

C’est sur cet échec monstrueux des politiques de l’offre menées dans tous les pays depuis 100 ans que se greffe ce débat sur le véganisme.

L’injonction actuelle, issue des désillusions des citoyens vis-à-vis des solutions politiques est de plus en plus anxiogène : chacun avant de faire quoi que ce soit doit se poser la question de savoir si c’est « bon pour l’environnement », « suffisamment durable », « assez locavore » », « assez bon pour la lutte contre les changements climatiques »….

Bref, une injonction qui est perçue comme ayant une origine rationnelle. Néanmoins cela ne doit pas faire oublier que les politiques menées qui ont organisé la lutte de tous contre tous, l’abaissement permanent des protections sociales, économiques sont le fait générateur de cette marchandisation de tout ce qui vit.

Le véganisme est une impasse construite sur les décombres d’un système uniquement basé sur le profit de chacun au détriment d’une vie bonne pour tous, mais si l’humain d’abord peut avoir un sens, alors nous devons l’accorder avec un avenir possible pour toute la biodiversité.

Philippe Collin

[1] Débat sur France Culture « du Grain à moudre » 13 septembre 2017

[2] Source Ministère agriculture France, trouvé sur le site

[3] Vu sur le site de L214

[4] (269 Life conteste l’idée de chasse puisque les sangliers sont croisés avec des porcs et que ce n’est pas pour réguler les populationss) !!!!(Sic)

[5] Vu sur le site de 269 Life : Le bien-être animal est une escroquerie qui ne sert qu’à camoufler la réalité.
Il est ridicule de questionner la forme de l’oppression, sans remettre en cause l’oppression elle-même. Aurait-on eu l’idée malsaine de parler de bien-être juif ou de respect juif dans les chambres à gaz ?)