Une fois passés les traditionnels vœux de fin d’années souvent longs et ennuyeux, les déclarations politiques de "rentrée" indiquent, qui plus est lorsqu’il s’agit de la parole présidentielle ou de celle des principaux ministres du gouvernement, la trajectoire que le pouvoir compte emprunter et la cohérence politique sur laquelle il va s’appuyer.
Emmanuel Macron a décidé de présenter une loi visant à réprimer les « Fake News », qui dans la bouche du président français, s’il respectait un minimum la langue de Molière, devrait être baptisée « loi pour réprimer les fausses nouvelles ». Le président de la République doit sans doute nous mépriser tout autant que la langue française, puisqu’il nous considère incapables de faire la part du vrai et du faux grossier qui parfois circule sur internet ou les « réseaux sociaux ». C’est de plus durant les périodes électorales qu’il compte autoriser les foudres de la loi, indiquant par là-même que ce qui compte pour lui, c’est exclusivement sa propre protection et celle de ses semblables. La défense de la caste au pouvoir, tel est l’objectif, les fausses nouvelles étant réprimées lorsqu’elles mettent en cause les serviteurs du système.
Mais que dire lorsque les mêmes se rendent coupables du délit dont ils devraient être protégés ? Les exemples ne manquent pas de mensonges à répétition dont le seul objectif est de tromper le peuple pour mieux le manipuler, l’étouffer.
« Fake news » N°1 : La loi travail passée par ordonnances « doit permettre de simplifier les mécanismes et d’améliorer l’emploi » disaient-ils.
Peugeot avec les licenciements par « rupture conventionnelle collective » vient donner un éclairage particulier à « l’emploi amélioré ». Plus de 1000 licenciements prévus qui seraient compensés selon la direction par l’embauche d’intérimaires en CDI. Donc à en croire patrons et ministres, les comptes seraient bons. Fausse nouvelle ! Depuis la loi travail de Macron passée dans le sillage de Hollande, les CDI n’ont plus de valeur puisqu’une direction peut s’en défaire sans difficulté. Fausse nouvelle de la part de Peugeot, de la part des ministres, de la part du gouvernement qui a mis le dispositif en place. Les travailleurs dont le statut et l’ancienneté donnent quelques droits vont être virés, remplacés par des jeunes sans ancienneté qui malgré un soi-disant CDI seront également virables à moindre coût du jour au lendemain.
« Fake News » N°2 : Avec la baisse et la suppression de la TH, les impôts des français vont baisser.
Il ne s’agit pas là d’entrer dans le détail de la politique fiscale. Mais juste de souligner la fausse nouvelle gouvernementale ! Alors que le gouvernement se risque à annoncer une baisse de 5,5 milliards d’euros, l’INSEE table sur une hausse en 2018 de 4,5 milliards. De plus une ministre se voit contrainte d’admettre que dans les cartons se trouve le projet d’un nouvel impôt venant contrebalancer la baisse ou la suppression de la taxe d’habitation. Double « fausse nouvelle » donc. Triple même si on se penche par exemple sur le sort réservé aux retraités avec la hausse de la CSG…
« Fake News » N°3 : La sécurité sociale et l’assurance maladie seront « traitées » pour préserver l’accès aux soins des français.
A nouveau mensonge, lorsqu’on se penche sur les projets qui au nom de l’équilibre prévoient par exemple de réduire toujours plus les personnels hospitaliers, qui annoncent une succession de non-remboursements, une augmentation des restes à charge, une aggravation sans commune mesure des capacités pour la plupart des français de pouvoir se soigner…
« Fake News » N°4 : La question migratoire placée en tête des « préoccupations » gouvernementales, sans doute pour substituer l’humanitaire au politique et donc pour diviser et semer confusion dans tous les camps.
Après le président de la République qui de l’étranger décide de vilipender Jean-Marie Gustave Le Clézio, prix nobel de littérature, pour son appel à porter secours aux migrants, le ministre Christophe Castaner, délégué général de LREM, ex porte-parole du gouvernement Macron Philippe, se permet sur France Info d’expliquer que « les juges français n’ont jamais condamné les personnes qui ont aidé les migrants par humanité ». Mensonge à nouveau, les condamnations étant monnaie courante dans le sud de la France dès lors que de simples citoyens décident de secourir des migrants en perdition, souvent des mineurs isolés auxquels pourtant l’état devrait porter assistance. Il ne s’agit pas là de revenir sur la politique migratoire. Tout en étant opposé à l’ouverture des frontières et à la négation de notre souveraineté pour déterminer l’accueil sur le territoire national, force est de constater que les « Fake News » qui émanent des ministres d’Emmanuel Macron n’ont d’autre objet que de se défausser de leurs responsabilités pour bafouer la loi et les valeurs de la république.
Les exemples de « Fake News » qui proviennent du plus haut sommet de l’état ne manquent pas. Ils pourraient paraître folkloriques, expression d’un double discours classique dans les sphères de politiques professionnels au service du néo-libéralisme et de l’Union Européenne. Mais à regarder de plus près, l’affaire pourrait se révéler plus inquiétante.
En même temps donc que le président de la république évoque un projet de loi pour réduire la liberté d’expression dès lors qu’elle permet de critiquer les responsables de l’état, lui au premier titre, une étude parue dans un hebdomadaire en vue nous annonce que « les français sont complotistes ». Quel sens a donc la juxtaposition des efforts gouvernementaux pour limiter l’expression et cette accusation, sinon que d’entériner le fait que toute critique de l’action gouvernementale, toute mise en garde seraient disqualifiées d’office au nom de la fameuse théorie du complot. Plus aucune critique autorisée, plus aucune mise en cause légitime, plus aucune opposition crédible puisque relevant d’une théorie absurde, comme l’est l’idée que la terre n’est pas ronde mais plate, évidemment. Et pour boucler la boucle, le gouvernement se propose de faire passer un autre projet de loi qui arrangerait les affaires de LREM au détriment notamment de la FI pour la répartition du temps de parole dans la prochaine campagne des élections européennes.
Tout cela pourrait relever du simple hasard. Mais l’un dans l’autre, les libertés ne sont-elles pas concernées ? Avec le passage il y a quelques mois de « l’état d’urgence » dans la loi, avec l’atteinte à la liberté d’expression pour tous sauf pour les tenants du pouvoir au nom des « Fake News », avec la théorie du complot, avec la limitation du temps de parole pour l’opposition, n’y a-t ‘il pas une cohérence que Georges Orwell appelait « la police de la pensée » avant d’évoquer « la dictature de Big Brother » ?