En vue des prochaines élections au parlement européen, toutes les formations qui veulent présenter une posture responsable cherchent des alliances européennes pour afficher un front « cohérent », même si parfois les blocs sont faits de bric et de broc… Le « parti de la gauche européenne » est un bon exemple. Dans un projet de manifeste, il se présente comme « la seule alternative » face aux conservateurs et à l’extrême droite. En réalité, la gauche européenne est aujourd’hui préoccupée par les moyens à mettre en oeuvre pour tenter de sauver l’UE que les peuples, à chaque occasion, rejettent massivement.
De la crise à son traitement
La langue de bois dont les effets dévastateurs ne sont pourtant pas à démontrer a toujours libre cours. Le projet de manifeste de la gauche européenne dénonce « les politiques d’austérité, trop liées au dogme néolibéral qui impose des mesures criminelles […] au cœur des problèmes que nous rencontrons ». La Gauche européenne estime que l’UE « est encore empêtrée dans une crise économique, sociale et politique profonde », qui a généré une hausse de popularité de l’extrême droite et une crise de la social-démocratie partout en Europe.
Comment ne pas mieux dédouaner l’UE et ses supporters en faisant porter la responsabilité sur « la crise » qui viendrait d’on ne sait où, alors que l’union européenne en est la cause première, génératrice, coupable par les services rendus au capital financier au détriment du travail et des travailleurs, jeunes, retraités ou salariés dans chaque pays. Assez logiquement donc, le manifeste de la gauche indique que « la gauche doit devenir un équivalent fort et une alternative politique au nationalisme et au racisme de l’extrême droite, ainsi qu’aux politiques néolibérales », ce qui en d’autres termes est la politique suivie depuis des années par la gauche française qui sur tous les tons a voulu promouvoir la transformation de l’UE pour une « Europe sociale », une « Europe plus juste » , une « Europe plus solidaire », autant de formules n’ayant d’autre objectif et d’autre effet que de maintenir l’UE ébranlée par la volonté et le mouvement des peuples.
La politique menée par le PS a été sanctionnée par les électeurs. Après l’effondrement de Hollande, après la déroute de Hamon, la politique du PS a permis l’élection de Macron dés le premier tour puisque la partie était jouée avec Marine Le Pen au second.
En Italie, Mateo Renzi le pro européen a été défait par la coalition Liga-5 étoiles, baptisée « populiste », « nationaliste », voire « fasciste », alors que sur le fond social elle s’affirme mille fois plus à gauche que la gauche officielle. Les dernières mesures du gouvernement actuel en témoignent. Alors qu’il laisse courir les déficits pour satisfaire les intérêts du peuple italien, c’est la social démocratie, Renzi en tête, qui condamne cette politique pour « défaut de rigueur »… La gauche s’affirme ainsi partisane de l’austérité lorsque le gouvernement italien -sous l’impulsion principale du M5S- défie Bruxelles sur son budget…
« L’absence d’une réponse humanitaire et solidaire à la crise des réfugiés a favorisé l’émergence d’une UE plus raciste et xénophobe », soulignent les auteurs du manifeste qui emboitent le pas d’Emmanuel Macron en instrumentalisant les migrants pour définir d’une part les « progressistes » , d’autre part les « populistes », cela indépendamment des politiques mises en oeuvre. La question des migrants, la substitution d’apparents « bons sentiments » à toute politique permettant de comprendre et de répondre au phénomène migratoire, dans l’intérêt des migrants eux-mêmes, des peuples d’Europe et des différentes nations, sert de maitre étalon de la politique dite « de gauche ».
Gauche européenne et Macron
Emmanuel Macron et la gauche européenne sont engagés sur la même ligne. D’un côté les « progressistes », les « démocrates »… De l’autre les « populistes », « l’extrême droite », les « fascistes ».
Ainsi, Dimitris Papadimoulis, eurodéputé Syriza, estime nécessaire d’établir une alliance très large, « de Macron à Tsipras », afin de contrer l’émergence de l’extrémisme de droite. Quelle évolution ! Et quelle leçon ! Syriza qui a représenté un temps la résistance à la politique de l’UE, qui ensuite a capitulé devant la troïka et mis en musique la partition dictée par la BCE, le FMI et la Commission Européenne, prend l’initiative de l’union la plus large, jusqu’à Macron, non pour s’opposer à la prétendue menace d’extrême droite, mais pour tenter tout simplement de sauver l’union européenne mise à mal par les peuples qui à chaque occasion, dans tous les pays, la rejettent massivement.
Si les élus de gauche et socialistes ne sont pas contre cette idée en ce qui concerne la protection des valeurs européennes, ils se disent « sceptiques » quant aux projets sociaux du président français. Ainsi surfent-ils sur la perpétuelle escroquerie qui voudrait séparer les politiques nationales des directives et décisions prises au niveau européen. Pour l’essentiel, les unes procèdent des autres. La politique européenne de Macron et de ses partenaires détermine celle qui est mise en pratique au niveau national. N’est-ce pas une fausse pudeur que de vouloir l’une et de s’inquiéter de l’autre ?
Tsipras en fer de lance et Mélenchon en coeur de cible
Tsipras, en chef de la gauche européenne -ce qui en soi est déjà tout un programme- affirme que le scrutin des européennes « ne sera pas seulement une élection de plus, ça sera un combat de principes et de valeurs ». Comble de l’ironie, c’est celui qui dans un premier temps avait proposé à son peuple de voter pour rompre avec l’UE, qui ensuite avait bafoué la décision du peuple grec, qui aujourd’hui appelle toutes les forces progressistes, démocratiques et pro-européennes à s’unir et à combattre « le néolibéralisme extrême et le populisme d’extrême droite » pour ne « pas laisser l’Europe glisser vers le passé. »
La gauche européenne veut resserrer ses rangs pour que l’alliance des « progressistes » contre les « populistes », donc l’alliance avec Macron et compagnie pour sauver l’UE, soit sans faille. Du coup, pour « la gauche européenne » et donc pour ses représentants en France, Jean Luc Mélenchon et la FI deviennent « l’ennemi » à atteindre. Alors qu’ils viennent d’être la cible des attaques politico-judiciaires de la part du gouvernement, les Hamon, Laurent, Faure, Brossat et compagnie ont assuré le service minimum dans la solidarité lorsqu’ils n’ont pas donné le baiser qui tue ou encore simplement gardé le silence. L’attitude de Mélenchon le jour des perquisitions, quoi qu’on pense de son aspect opportun, a été plus proche de la colère réelle du peuple contre la politique macronienne que des préoccupations d’une « gauche » qu’il ne sert à rien de vouloir rallier, puisque par définition elle se range sur le fond dans le camps présidentiel des « progressistes » contre les « populistes », c’est à dire contre le peuple.
Gabriele Zimmer qui dirige le groupe du parti de la gauche européenne, cible Jean Luc Mélenchon directement, après la création du mouvement « Maintenant le peuple » en vue des élections de 2019. « Il doit comprendre que ses choix nuisent aux autres acteurs de gauche et que c’est problématique » dit Zimmer avant de poursuivre « J’attends de lui qu’il en fasse plus avec les autres dirigeants de gauche et qu’il n’attaque pas les autres simplement parce qu’il n’est pas d’accord. »
Outre le « simplement » qui a quelque chose de succulent, du point de vue de « la gauche » dont le programme est conditionné par la défense de l’UE, la position de Zimmer est cohérente.
Mais du point de vue des peuples, de la désobéissance aux traités, de la rupture avec l’UE avant qu’elle ne se disloque dans les pires conditions, prise dans ses contradictions internes, il en est tout autrement. Que valent les références à la « Gauche », dont le programme impose la soumission au capital financier, qui redouble d’efforts pour tenter de sauver l’UE ? Que valent les appels à faire barrage à l’extrême droite lorsque celle-ci n’est que le produit de la politique de l’UE, lorsqu’en Italie le gouvernement décide de désobéir dans les faits aux diktats de l’UE en matière budgétaire, décide d’engager une épreuve de force avec Bruxelles au nom des intérêts du peuple italien ? Là encore, « gauche » et « gauche de la gauche » font de Mélenchon une cible pour sa position sur l’Italie, conforme au combat déclaré contre l’UE et sa politique austéritaire et aux intérêts du peuple italien…