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Bernie Sanders le socialiste !

vendredi 28 février 2020, par Jacques COTTA

Extrait d’un discours en Caroline du Sud :
"The billionaire class and special interests may have the money, but we have the people. And that is much more powerful".
Traduction :
La classe milliardaire et les intérêts spéciaux ont peut-être l’argent, mais nous avons le peuple. Et c’est beaucoup plus puissant.

Les démocrates et républicains qui s’affrontent lors des élections américaines se rejoignent en général sur l’essentiel. Pour les uns et les autres le capitalisme, le rôle des USA dans le monde, la politique sociale et internationale ne sont pas l’objet d’opposition de fond. C’est avec bienveillance que le temple du capital, Wall Street, accueille l’un ou l’autre en fonction de l’humeur des électeurs qui ne se sont pas encore détournés des urnes. Car aux USA comme en France la désertion est massive tellement les oppositions sont factices.

Pour une des toutes premières fois, les jeux traditionnellement courus d’avance gardent leur mystère. Dans la primaire démocrate, là où un milliardaire comme les autres était attendu, ou à défaut un ancien vice-président dont les preuves de docilité ne sont plus à faire, c’est un socialiste, Bernie Sanders, qui arrive en tête des premiers tests et qui s’affirme comme le favori. Toute une partie de la jeunesse américaine se reconnaît dans son discours social, dans sa dénonciation des maux du capitalisme yankee, dans sa volonté de réformer une société gravement inégalitaire.

Là où le combat devait normalement opposer deux milliardaires aux visions identiques, voilà le trouble fête qui inquiète l’establishment avec son programme républicain social. Il inquiète aux USA, mais il inquiète à coup sur en Europe en général, et en France en particulier, tellement les mesures qu’il préconise sont à l’opposé de la politique macronienne qui nous est imposée.

Ainsi :

  • il promeut un système de santé universel, calqué sur les réalisations de notre système établi en 1945 lorsque Macron se propose de le démanteler.
  • il dénonce son challenger Bloomberg comme « la neuvième personne la plus riche du monde » avec une fortune évaluée à plus de 60 milliards de dollars, lorsque la pauvreté et la misère envahissent le pays. A travers lui il oppose la classe dominante des 1% les plus riches aux 99% de la population. Nous sommes loin des déclarations d’amour aux premiers de cordée…
  • Il propose une taxation des riches et un resserrement du contrôle des banques et du système financier au risque d’effrayer les barons des marchés new-yorkais, tels l’ex-PDG de Goldman Sachs Lloyd Blankfein ou encore le gestionnaire de fonds Leon Cooperman, qui a jugé que Bernie Sanders était plus dangereux que le coronavirus pour les marchés financiers. Nous sommes loin là aussi des déclarations d’amour au fonds BlackRock qui lorgne sur nos retraites et des décorations décernées par la Macronie à ses dirigeants.

Sanders annonce la couleur, proposant le démantèlement de ces établissements financiers "trop grands pour faire faillite" et de mettre fin à ce qu’il qualifie d’impunité pour leurs dirigeants. 

Aussi la campagne de dénigrement qu’il doit subir, au sein du parti démocrate comme de la part des républicains, est d’une violence inouïe. Tout y passe, preuve d’un affolement réel du capital qui pour la première fois craint de ne pas voir arriver au pouvoir un milliardaire dévoué à la défense des intérêts de sa classe.

  • Les résultats des primaires sont retardés pour tenter d’enrayer une dynamique. Mais la dynamique continue.
  • Puis la calomnie est répandue, jusqu’au soutien dont bénéficierait le candidat de la part de Poutine. Mais la ficelle est trop grosse et ça ne prend pas.
  • Les médias promeuvent comme adversaire démocrate un candidat dont l’oeuvre de gloire est son homosexualité et donc son attachement aux minorités… Là encore échec.
  • Alors il serait la garantie de la réélection de Trump tellement son programme effrayerait l’américain moyen. Pourtant, état après état, les résultats des primaires viennent démentir ces pronostics faits uniquement pour effrayer et démontrent que la défaite de Trump ne peut être assurée, précisément, que dans un affrontement classe contre classe et non dans la conciliation d’intérêts inconciliables.

S’il n’existe pas de sauveur suprême ni d’homme providentiel, il existe des combattants dont l’arme -la parole et le programme- permettent de se rassembler et d’avancer. Aux USA, Bernie Sanders le socialiste est de ceux-là. L’avenir qu’il propose concerne les américains mais pas seulement. Son succès aurait une importance incontestable pour le reste du monde et démontrerait qu’en son sein il est possible d’infliger une défaite majeur au capital.

Jacques Cotta
Le 29 janvier 2020

Messages

  • Merci Jacques pour cette excellente analyse. Amitiés.

  • Ce serait effectivement un point d’appui formidable pour tous les peuples du monde entier, au meme titre que lors de la guerre du Vietnam, cet impérialiste fut défait de l’intérieur.
    Pour autant, nous savons que l’oligarchie n’entend plus rien céder, meme pas via la social-démocratie dans le cadre parlementaire.
    Cette voie est une des façons d’essayer d’ôter une part importante du pouvoir des mains des capitalistes. A supposer que Bernie gagne la présidentielle, une fois que ses ennemis auraient épuisé toutes les manœuvres jusqu’à celles du sabotage économique, ils ont fait la preuve de leur possibilités dans celles qui sont létales.
    N’est-ce pas une raison encore plus impérieuse de se concerter sur la façon de mettre l’oligarchie financière hors d’état d’utiliser les instruments du pouvoir ?
    C’est à dire quelle stratégie en fonction de l’état des forces en place actuelles qui n’ont pas remplacé encore le mode de représentativité incarné par les anciennes directions des partis et syndicats - faire le bilan des limites atteintes par les mobilisations gilets jaunes et syndicats - la nasse parlementaire de la Veme république ....
    Comment combiner la démocratie participative dans les communes de moins de 1000 habitants avec celle des grandes villes, et au niveau de l’état ( démocratie horizontale et centralisation verticale sans perte de pouvoir) en échappant à la règle d’être ’’libre d’obéir’’ (voir J Chapoutot. etc....
    En résumé, quelle transition pour se donner les meilleurs moyens de prendre le pouvoir des mains de l’oligarchie et... le garder.

  • Bonjour,
    l’Oligarchie de là-bas,qui en plus du Parti "Républicain" possède également le Parti "Démocrate", saura trouver n’en doutons pas la parade pour empêcher Bernie Sanders d’être désigné comme candidat du Parti "Démocrate" à la présidentielle de novembre.
    Dans l’hypothèse peu probable où elle échouerait, je suis convaincu que les "démocrates" modérés (ces marionnettes de l’Oligarchie) et la grande presse appartenant aux milliardaires,sauront faire ensemble le nécessaire pour détourner la majorité des électeurs de ce brave Bernie Sanders afin de l’empêcher d’arriver jusqu’à la Maison Blanche où il pourrait mettre en danger leurs intérêts et encore à la condition qu’il puisse s’appuyer sur une majorité au Sénat pour pouvoir agir ! (hypothèse encore moins probable).
    Pas folles les guêpes et sans doute pas trop inquiètes !

    • Aucun doute à ce sujet. Le problème n’est pas ce que pourra faire Bernie Sanders - je ne m’engage pas pour lui - mais le signe politique insupportable que serait la présence d’un "socialiste" en position d’éligibilité.
      Il faudra aussi se poser la question jusqu’au bout. il y a déjà une scission dans le parti démocrate et la perspective d’un "labor party", un parti ouvrier indépendant est à nouveau ouverte.

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