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Triple constat, sans désespérer pour autant...

lundi 30 mars 2020, par René MERLE

Ça ne pouvait manquer… Des Belles Âmes aux microphages et autres affamés de reconnaissance, tous se bousculent aux portillons du commentaire, pour nous aider à traverser l’épreuve et en tirer les conséquences.
Je n’aurai pas cette prétention. Mais un mot quand même.
Bon, je passe rapidement sur ce que beaucoup d’entre nous savaient, mais sur ce que beaucoup aussi voulaient ignorer, à savoir une triple responsabilité dans ce qui est en train d’advenir
— Depuis des années, avec le déchaînement du néo-capitalisme mondialisé et informatisé et les modes de vie qu’il induit, les conditions ont plus que jamais été crées pour un retour en force du risque infectieux à l’échelle de la planète
— En France, depuis plusieurs mandats présidentiels une logique comptable et entrepreneuriale a été résolument menée qui a abouti à la situation que l’on sait : manque de personnels, manque de lits, stocks non renouvelés, etc.
— Depuis l’annonce de l’épidémie en Chine, la réaction de notre gouvernement a été celle de la surprise, puis de la sous estimation, et enfin de l’improvisation.

Si ces évidences commencent à devenir des banalités, il n’en reste pas moins que, pour l’heure, elles ont peu de rapports avec ce que ressentent nos concitoyens et peu de prise sur leur angoisse.
L’heure est à l’urgence, et au salut commun.
Mais revenons quand même sur ces trois points.

— À propos du premier d’abord. Je viens de lire dans l’Obs le topo d’un éminent spécialiste de la résilience, qui met en cause le rythme trop rapide et l’immédiateté de notre mode de vie, pour en tirer la leçon que de la crise naîtront de nouvelles manières de penser l’existence. Sans doute. Mais voilà une belle illustration de l’intelligence observatrice qui se garde bien (ou n’en a pas idée) d’appeler le capitalisme par son nom et de le mettre directement en cause…
— Sur le second point, il n’est pas inutile de rappeler une fois de plus que la décision de faire de l’hôpital une entreprise court depuis les années 1980 (Mitterand-Rocard-Evin) en passant par Chirac-Jospin, Sarkozy et sa la loi Hôpital, Patient, Santé, Territoire de 2009, puis Hollande-Touraine qui se sont bien gardés d’y mettre le hola [1]Tous les partis dits de gouvernement, PS (dont Mélenchon ministre) et ses alliés occasionnels PC, droite classique ont accompagné cette régression. Bien difficile aujourd’hui de jouer aux vertueux critiques de notre gouvernement. Et pourtant, tous, dirigeants et électeurs attitrés, semblent découvrir ce dont ils ont été responsables [2].
— Ce qui me fait passer au troisième point. Notre gouvernement pare de lauriers héroïques celles et ceux qui manifestaient en blouse blanche depuis plus d’un an, et qui recevaient dans le meilleur des cas l’indifférence, et dans le pire les CRS. Il se défausse sur les responsabilités des législatures précédentes alors que jusqu’à la crise il les a poursuivies. Si son impéritie se confirmait, comment ne pas dire à ceux [3] qui, de gré ou e force l’ont élu : « Tu l’as voulu, Perrin Dandin ». Tu as choisi de te jeter dans les bras d’un inconnu et d’une équipe d’inconnus, sur la foi de belles promesses. C’est bien beau d’acclamer tous les 20 h nos Héros, mais il aurait été mieux que dans sa masse notre peuple accompagne la lutte passée des personnels soignants pour l’hôpital et les services publics.
Mais on ne refait pas le match.
Simplement, pour envisager la suite, s’il faut bien prendre la mesure des responsabilités collectives des politiques (hormis le FN, pardon RN, qui se présente en chevalier blanc), il convient aussi de prendre la mesure de la faiblesse (pour ne pas dire l’incapacité) de réaction de l’immense classe dite « moyenne », aux oreilles desquelles les Cassandre n’ont pourtant pas manqué. On râle vaguement, on atermoie, mais on n’agit guère. Quiconque met le nez hors du ghetto amical de la contestation ne peut que le remarquer.

Dire cela n’est pas désespérer, me semble-t-il. Simplement être lucide, et mesurer combien sont difficiles les chemins de l’hégémonie culturelle dont rêvait un certain Gramsci, il y a déjà cent ans…


[1Sur tout cela, voir par exemple des textes déjà anciens : Hôpital mis à mal,2012, et Système hospitalier(à lire en particulier à partir du point 2), 2015.

[2À noter des trajectoires significatives, comme celle du docteur Kouchner passant sans état d’âmes de Jospin à Sarkozy, et revenant en force aujourd’hui sur le petit écran.

[3J’en excepte bien sûr les abstentionnistes et ceux qui ont voté blanc, c’est à dire la majorité

Messages

  • Oui, pas mal, un coup de gueule de plus.
    Il manque juste une petite chose que font les dirigeants des syndicats des salariés ?
    Ne sont-ils pas allés comme un seul homme vendredi donner un coup de pouce et valider les 25 ordonnances du gouvernement dont certaines remettent en cause 200 ans de conquêtes sociales.
    Bien sûr, ils déplorent la situation... et moi aussi dans mon coin.

  • Merci pour votre lecture. N’appartenant à aucun de ces syndicats, je dois dire quand même que, question FO, CGT, Sud, on n’a pas dû lire les mêmes dépêches d’agence.
    Par exemple, et je pourrais en accrocher vingt autres :
    "Le gouvernement a pris ce mercredi 25 mars 25 ordonnances pour limiter les conséquences économiques de la crise du nouveau coronavirus Covid-19. Elles permettent notamment, jusqu’au 31 décembre 2020, de faire travailler les salariés des secteurs cruciaux jusqu’à 12 heures par jour et 60 heures par semaine. Invité de RTL, le secrétaire général de la Confédération général du travail (CGT) Philippe Martinez a jugé cela "absolument scandaleux."
    Ordonnances

  • Tant que les Confédérations CGT et CGT FO resteront dans le cocon européiste de la Confédération Européenne des Syndicats, rien ne changera.
    Je plaide pour un alignement revendicatif commun de ces 2 organisations.
    A circonstances exceptionnelles (globalisation financière) mesures exceptionnelles.
    Aujourd’hui, la grève générale est une utopie, personne n’en a les moyens.
    Par ailleurs, on ne manque pas d’analyses, de commentaires, mais de volonté pragmatique pour combattre concrètement le système qui nous paralyse. Les hommes liges passent, mais le système demeure.
    Les grandes théories n’ont d’intérêt que si elles conduisent à l’organisation concrète d’un rapport de force.
    Dans un premier temps, quelques grandes valeurs servant de guide seraient déjà une belle avancée en passant par l’éducation populaire. Mais pour cela, il ne faut pas avoir peur du constat. Le monde ouvrier est en plein désarroi, il est piégé par le système.
    On ne peut à la fois considérer que le coronavirus est le résultat de la mondialisation des échanges de toute nature et ne pas avertir que pour remédier à ce fléau il faudra modifier les modes de vie, notamment avertir que nous utilisons de plus en plus d’appareils pourvus de métaux rares dont la Chine dispose du monopole !
    Le choix est à la fois simple et cornélien.

  • Je partage votre lucide analyse, tant sur l’Europe que sur l’état de la classe ouvrière et les syndicats. Mais je ne sais si leurs dirigeants seront à la hauteur de leur tâche historique immédiate...

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