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Le jour d’après ? Socialisme ou Barbarie !

mardi 7 avril 2020, par Jacques COTTA

Dans le cadre de la discussion posée par Jean-François Collin concernant "le jour d’après", voici quelques réflexions. Comme Jean-François je pense que la véritable discussion permettant d’appréhender l’avenir ne peut porter sur des spéculations qui ne pourraient convaincre que les convaincus, mais sur la situation actuelle, ses causes, les leçons immédiates qui devraient être tirées. Sur les sujets qui s’imposent, nous n’avons évidemment pas toutes les réponses. Mais poser les questions, c’est déjà faire le pas essentiel vers la solution. Cette discussion que Jean-François Collin a le mérite d’ouvrir pose à mon avis la question centrale du capitalisme et de mesures transitoires pour en sortir, donc de l’affrontement de classes inévitable, affrontement notamment avec le gouvernement qui fait preuve chaque jour de son incompétence, et qui est chargé au quotidien de veiller sur les intérêts du capital...

Le Président de la république est le premier à avoir utilisé la formule : « plus rien ne sera plus comme avant » . Certains ont voulu y voir une volonté. Celle de modifier la réalité au lendemain de la crise, pour les uns en revenant sur des choix contestés, pour les autres en allant plus loin et plus vite dans une direction identique. C’est par exemple ce que le directeur de l’ARS du grand Est laisse largement penser, quinze jours après le début de la mise en quarantaine des français et de la mise sous tension des hôpitaux, lorsqu’il déclare qu’il « ne voit pas de raison de ralentir la restructuration hospitalière et la fermeture de lits ». Bruno Lemaire, gêné aux entournures, confirme, en précisant que « pour le moment, cela est suspendu ». « Pour le moment » a toute son importance.

La question du lendemain ne peut donc s’envisager qu’en partant de la situation actuelle, et plus, de ce qui nous a conduit à cette situation. Contrairement à tout film catastrophe hollywoodien qui se termine bien, un virus étant passé par là, la conscience individuelle et collective aidant, les hommes de l’ancien monde ne s’engageront pas dans la construction euphorique d’un monde nouveau. La situation sera d’abord marquée par une incertitude générale. La crise sanitaire sera-t-elle réellement vaincue ? Jusqu’à quand ses retombées éventuelles, ses rechutes ? Dans sa foulée, la crise économique sera sans doute d’un niveau jusque-là inégalée avec son corollaire, la crise sociale et ses millions de chômeurs. Des « désordres » sporadiques, type émeutes telles celles qui ont eu lieu dans le sud de l’Italie, risquent d’éclater ici ou là, ramenant à un simple plan anecdotique les palettes de papier hygiéniques arrachées dans les grandes surfaces.

C’est l’incertitude qui domine sur les réponses à apporter concernant des sujets qui pourtant eux sont bien prévisibles. Donc en effet, partons de ce qui est pour éviter toute digression idéologique qui ne peut que conforter celui qui est croyant et qui ne présente donc que peu d’intérêt. Et partant de ce qui est, constatons que toute issue réfléchie pose la question de la mondialisation, du capitalisme qui mène inexorablement la société à la barbarie.

  • 1/ La pandémie a mis en relief le caractère des politiques menées jusque-là dans le domaine de la santé.

Le capitalisme a détruit ou sérieusement amputé au nom de la rationalité des dépenses et au nom des profits à réaliser notre système de santé depuis les années 82 : fermeture de lits, suppression de postes, destruction de la production des moyens nécessaires, délocalisation pour l’essentiel, jusqu’au Paracétamol… Cela pose la question des moyens pour la santé, mais plus largement la place et l’attente que l’on peut avoir des services publics en général. Il y a là une question de société, de valeurs. Évidemment les services publics doivent être évalués, mais leur fonction doit être réaffirmée et les moyens dégagés pour les financer. Une autre répartition des richesses ne permettrait-elle pas de financer ce qui doit l’être au compte de la collectivité ? Pardon de sembler terre-à-terre, mais les dizaines de milliards redistribués aux actionnaires ne pourraient-ils pas être mis à contribution ? Evidemment cela nécessiterait de porter le fer dans la propriété privée. Ce qui pose le problème de l’organisation générale, d’une révolution au sens profond du terme.

  • 2/ La pandémie a posé le problème de la confiance dans la parole publique.

Les injonctions contradictoires de nos responsables politiques mais aussi des sommités scientifiques a largement mis à mal la prise au sérieux des recommandations, l’adhésion aux conseils ou consignes données. Elle a donc éclairé l’inefficacité pour ne pas dire la nocivité d’une représentation politique élue pour des années dont le propre est de se cacher derrière des comités d’experts pour ne pas avoir à s’engager et surtout ne pas avoir d’explications à donner, de doutes à exprimer, de comptes à rendre. C’était vrai hier pour les « réformes », avec sur les retraites par exemple une série d’affirmations d’économistes plus contradictoires ou incompréhensibles les unes que les autres, et ça le demeure de façon plus visible aujourd’hui encore pour la gestion de la pandémie. Cela pose la question des institutions de la 5ème république et du fonctionnement démocratique. Ce qui excède les citoyens, c’est le sentiment de grand gâchis de l’Etat qu’ils demandent comme protecteur, et non comme hâbleur.

  • 3/ Sur la considération des français de la part du pouvoir, nous avons aussi assisté à un prolongement de ce qui se passait avant la pandémie, qui semble d’autant plus choquant en période de catastrophe généralisée.

Les propos du préfet de police ou ceux de Christophe Castaner visant à l’infantilisation du peuple procèdent du choix autoritaire contre l’appel à la compréhension et à l’intelligence, seul à pouvoir susciter l’adhésion.
Nous sommes là confrontés à la question qui risque fortement de nous occuper pour les jours de sortie de la pandémie, la tentation autoritaire d’un pouvoir à la Orban qui sentant le sol se dérober sous ses pieds tentera d’utiliser tous les moyens pour demeurer en place. Il a montré dans les mois écoulés avec les GJ et les mobilisations retraites qu’il sait instrumentaliser police et justice dans ce but.

  • 4/ Le fonctionnement des différents ministres et leurs déclarations ne sont pas le produit de tares individuelles, mais le reflet de la pensée générale qui anime l’élite au pouvoir.

La morgue, le mépris, la distance de Macron transparait dans les reproches faits aux médecins de « prendre le virus dans la rue », ou aux malades de « ne pas se confiner et donc d’être responsables de leur maladie » alors que les masques et toute une série de protections nécessaires sont absents des rayons. Derrière cela surgit « un pouvoir » inamovible qui ne redoute rien. Si nos élus étaient par exemple révocables selon des modalités responsables et maitrisées, sans doute se comporteraient-ils autrement, par crainte d’une révocation qui tomberait comme une sanction. Là le mensonge, la mauvaise foi apparente, et le mépris une fois encore sont au centre du débat.

  • 5/ Le débat démocratique n’existe à aucun niveau.

L’affaire des ordonnances pour la loi de « sécurité sanitaire » constitue la cerise sur le gâteau. Négation du parlement, négation des syndicats, négation même des français qui découvrent une fois les ordonnances passées que cela concerne entre autres leurs congés et la durée de la semaine de travail, sans limitation dans le temps. Cela devrait pour l’avenir pousser à développer tous moyens exigés par la démocratie : Parlementarisme, proportionnelle, révocabilité, nécessité de faire le point des engagements pris et respectés ou pas à mis mandat, reconnaissance des communes et départements, de leurs élus….
Comment ne pas évoquer non pour demain, mais pour tout de suite , la question des médias ? Sans développer, le programme du CNR les concernant demeure d’une réelle actualité. La question de leur possession, mais aussi de leur contrôle est posée. Place reconnue des personnels, journalistes et techniciens dans leur gestion, leur respect des règles déontologiques, revoir la formation, etc…

  • 6/ Les Gilets jaunes dont le mouvement a tout de même accompagné la présidence Macron depuis le début de son élection (ou presque) a préconisé « le RIC en toute matière et toute circonstance ».

La formule qui vient d’Etienne Chouard est à la fois confuse et pompeuse. Pour parler clair, il s’agit du référendum selon des modalités à définir pour éviter la foire, permettant aux citoyens de dire ce qu’ils pensent des affaires qui les concernent. Cela devrait être une façon de permettre aux citoyens d’intervenir directement dans le débat, dans l’élaboration, et aussi dans la mise en pratique des décisions.

  • 7/ Sur le plan industriel, les « suceurs de pangolins » mettent de façon urgente à l’ordre du jour la re-localisation de productions essentielles pour la Nation.

Il en est ainsi des bonbonnes d’oxygène, des productions de médicaments, mais aussi de toutes les productions urgentes pour la Nation qui aujourd’hui ont été au nom des couts et des profits à en tirer délocalisées dans les pays à faibles salaires ou coûts environnementaux pratiquement nuls. La souveraineté alimentaire ne peut s’attirer aucune hostilité. Il doit en être de même des souverainetés industrielles, culturelles, et autres… Un protectionnisme réfléchi et discuté devrait être lié à la question des frontières. Leur rétablissement pour toute une série de raisons -sanitaires, économiques, industrielles, commerciales,…- semble mesure de bon sens. Une liste devrait être établie et un plan mis en place pour engager les mesures nécessaires à la remise en route d’une production nationale, ou inter-nationale, avec les nations européennes qui sous la forme Airbus seraient prêtes à coopérer et s’engager.

  • 8/ La mondialisation capitaliste a ses outils, dont l’union européenne qui a montré son incapacité à répondre aux nations et aux peuples en détresse.

« UE fan culo » ont clamé les italiens à la une de leurs quotidiens, ce qui exprime une pensée sans équivoque. L’UE n’est-elle pas morte dans cette affaire ? L’UE avec autorisation d’un déficit public supérieur à 3% du PIB et une dette publique dépassant les 100% du PIB peut-elle encore avoir le moindre sens, du seul point de vue des capitalistes et de la finance dont elle est le bras armé ? Et quelle autre solution qu’une Europe des nations libres, débattant librement et décidant de coopérer pour leur intérêt réciproque, pour s’y substituer ? En fait sous le coup des évènements, c’est la question du Frexit qui est posée dans la pire des situations, celle d’une implosion et non d’une sortie réfléchie et mesurée. Question annexe mais fondamentale liée à l’existence et la mort de l’UE : la dislocation de la confédération européenne des syndicats dont la fonction est l’intégration des syndicats aux décisions prises par les représentants du capital, leur perte de toute indépendance. Un retour sur le dernier conflit des retraites donne une image assez précise de la réalité de la CES et de la division du travail qui en découle.

  • 9/ Contrairement aux apparences, la question écologique est aussi révélée par l’apparition du coronavirus.

La déforestation au niveau mondial bouleverse le cadre de vie des humains, mais aussi des animaux. Elle a pour effet de pousser à manger n’importe quoi, jusqu’à sucer le pangolin porteur et transmetteur du Covid. Les politiques menées en Chine, mais aussi au Brésil par exemple, mettent en danger la planète. Quels moyens d’action pour remédier à une situation sur laquelle nous n’avons pas de prise directe mais qui nous concerne directement… Des décisions internationales sous l’égide d’un organisme type ONU devraient pouvoir s’imposer à tout état dés lors que ses décisions souveraines mettent en cause la sécurité et l’équilibre général.

  • 10/ Enfin la question des libertés qui se pose de façon aigüe dans les textes et de façon croissante dans la vie depuis la loi d’urgence promulguée sous Hollande et renforcée sous Macron, va sans doute être un des points d’achoppement direct au sortir de la crise sanitaire.

Cette crise vient s’ajouter à la crise sociale et politique qui dominaient avant l’apparition du coronavirus. Sa gestion a renforcé la défiance et la haine pour un pouvoir coupé des réalités, dont les incohérences et incompétences relèvent sans doute plus du pénal que de la discussion de salon. La question qui va être posée, comme une des premières concernant le monde d’après, est celle d’une transition démocratique permettant de limoger Macron et ses incompétents, sans quoi nul changement réel ne sera engagé. Bien au contraire, les éléments qui ont produit toutes les crises risqueront de se trouver renforcés. Pourquoi par exemple dans ce cadre ne pas envisager « un million aux champs Elysées » pour fêter nos soignants ? Par exemple un 14 juillet en blouses blanches et gilets jaunes….

Pour conclure, la période qui s’ouvre sera à n’en pas douter douloureuse. La souveraineté, le rétablissement de frontières, un protectionnisme ciblé et nécessaire, la ré-industrialisation, pousseront à des affrontements intérieurs et des tensions internationales. Les prix monteront. Les besoins à satisfaire ne pourront être les mêmes. Cela ne se pourra qu’avec l’assentiment du peuple. Il doit le décider pour mener à bien cette révolution profonde. Il faudra donc durant une période dire clairement ce que nous sommes prêts à limiter de nos habitudes, à sacrifier. Cela le temps de nous donner les moyens d’ordonner la société sur une nouvelle voie. Nous voila au pied du mur. Rosa Luxembourg l’avait prédit. L’heure à « Socialisme ou Barbarie ».

Jacques Cotta
Le 7 avril 2020

Messages

  • Jacques
    Je souscris entièrement à ton analyse mais je voudrais rappeler que le 15 mars les électeurs ont accordé 47 % de leur suffrage à E.Philippe au Havre et à C.Estrosi à Nice pour ne citer que 2 exemples éloquents de politiciens médiocres entièrement corrompus par le néolibéralisme et prêts à toutes les compromissions pour maintenir leur pouvoir nocif.
    Et je pense que leurs électeurs se sont déterminés en pleine conscience de la réalité du pouvoir qu’ils incarnent.
    Nous devons admettre qu’une partie du peuple ne veut pas de l’autonomie ni du progrès social et désire être soumis à l’ordre policier.
    La lutte contre les pouvoirs financiers et politiques responsables de notre situation actuelle devra aussi s’accompagner d’une dénonciation de la complicité d’une partie d’entre nous.
    La société est désorientée par la violence du pouvoir et du virus et ne parvient pas à tirer les leçons de ses choix politiques désastreux.
    Comme tu l’as noté, le pouvoir use de tous ses moyens pour infantiliser les citoyens.
    Je pense que nous devons trouver des moyens pour agir de manière radicalement opposée et mettre chaque citoyen devant sa responsabilité d’adulte au risque de déplaire à certains.
    Bonne journée
    Luc

  • Des réflexions pertinentes, comme c’est généralement le cas. Une remarque à propos du "besoin de frontières" : il convient de rappeler, ne serait-ce qu’à destination de certains trotskystes, au matérialiste marxiste un peu bridé mais pourtant fervents défenseurs de la "démocratie", que frontières et population concernée sont fondamentalement nécessaires à toute expression démocratique, autre que seulement apparente et de façade décrépie. Il n’est pas nécessaire d’être un puissant philosophe pour saisir que l’installation d’un lampadaire sur la place du village de Ventabren (Bouches du Rhône) n’a pas à être décidée par les électeurs d’Arras ou par un vote national. Par contre, le système fournissant l’électricité peut lui, dans bien des cas, relever de décisions nationales.
    Quelques réflexions aussi pour "l’après". Quelle que soient les perspectives plus ou moins transformatrices que l’on pourrait envisager il me semble que le rôle de la monnaie se révèlera décisif. D’abord, bien sûr, en cessant de vendre en viager aux banques les nations et les peuples, mais également pour en définir son rôle dans les rapports sociaux et de propriété. L’argent permettant à chacun de vivre dignement n’a rien de comparable à l’argent "des affaires". Depuis bien des années déjà on peut constater que la valeur des monnaies est très largement virtuelle et se détermine surtout dans un rapport de soumission ou d’opposition au dollar (d’où le fait que certains pays voulant s’en émanciper soient pris pour cibles). De même, pourrait-on ne pas s’interroger sur ce que signifie et contient le fameux PIB ?
    Comme vous le soulignez, et comme il m’arrive de le faire, les références au programme du CNR trouvent "naturellement" toute leur place, au point de se demander réellement s’il n’est pas temps de trouver les moyens d’en constituer un nouveau, au programme actualisé et plus radical ? Quelles forces pourraient le porter ? Quelques assemblées issues des gilets jaunes ? Peut-être ?...
    Méc-créant.
    (Blog : "Immondialisation : peuples en solde !"http://Immondialistion-peuples-en-s... )

  • luc Buasso écrit : « … La société est désorientée par la violence du pouvoir et du virus et ne parvient pas à tirer les leçons de ses choix politiques désastreux. … »
    réponse : je ne crois pas un seul instant que la société soit désorientée par la violence du pouvoir macronien, et encore moins par celle du virus, je ne suis pas médecin, et à choisir entre coronavirus ou coronaminus ?, au fait pourquoi devrai-je choisir entre une vérité intransigeante et sans concession sur ses effets dévastateurs sur la population française, et *un simple élément de langage imposé au peuple français par la macronie ?, **auxquelles la macronie ne croit d’ailleurs pas et n’a jamais vraiment cru, et pour cause !… ils savent parfaitement ce qu’ils font, et savent quels avantages ils pourront tirer de la situation actuelle, alors sans hésiter, qu’ils dégagent et deux fois plutôt qu’une !
    *car c’est bien de cela qu’il s’agit, comme dans le roman 1984 de Georges Orwell, non seulement Big Brother nous regarde, mais les macroniens nous testent tant qu’ils peuvent, et les éléments de langage son une énième variante de la novlangue, et qui depuis une bonne trentaine d’année, maintient le peuple dans la peur, toutes sortes de peur, et l’essentiel pour eux c’est que le peuple français meurt de trouille…
    **dans ces deux cas, il s’agit d’une grossière manipulation

  • PS : il s’agit bien entendu « d’effets dévastateurs sur la population française » en opposition à leurs grossières manipulations

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