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La crise au sommet

lundi 13 avril 2020, par Jacques COTTA

La crise politique au sommet de l’état transparait dans chaque déclaration publique qui nous est assénée. Alors que la crise sanitaire demanderait dans sa gestion sobriété, clarté, franchise, honnêteté, c’est tout le contraire qui nous est délivré. En réalité des positions tantôt incohérentes, souvent contradictoires, ne cessent de s’affronter.

  • Emmanuel Macron annonce le 11 mai comme fin envisagée du déconfinement, Christophe Castaner se précipite pour démentir : « le 11 mai, rien n’est sûr ».
  • Emmanuel Macron déclare que le confinement devra être renforcé, Olivier Veran le ministre de la santé déclare que « le confinement renforce le virus ».

Nous pourrions avoir tendance à n’y voir qu’une répétition d’incompétences et de clowneries dans lesquelles la porte parole Sibeth Ndiaye excelle. Nous pourrions aussi y voir une tentative machiavélique pour nous faire perdre la tête et nous contraindre toujours un peu plus à un asservissement dont une des premières marques sont les ausweis à présenter à la police, sous peine d’amendes très élevées. Tout cela est partiellement vrai, mais évacue l’essentiel.

L’essentiel : les positions divergent sur la situation post confinement que tout le monde redoute comme explosive. Plusieurs exemples sont révélateurs.

  • Lorsque Geoffroy Roux de Bézieux réclame du sang et des larmes aux français « pour surmonter la crise » une fois le confinement terminé, il exprime la position d’une partie de patronat français qui est bien évidemment partisan de reconstituer ses « marges » au plus vite, mais il indique la volonté d’en découdre avec les travailleurs pour tenter d’emporter une victoire à la Thatcher ou Reagan rendant impossible toute résistance des salariés pour de longues années.

C’est bien une partie de la bourgeoisie qui pense ainsi.

Au sein du gouvernement, dans la foulée d’Edouard Philippe, le ministre de l’économie Bruno Le Maire et sa secrétaire d’état Agnès Pannier-Ruancher apportent un soutien à cette orientation au nom de « la nécessité de se retrousser les manches pour surmonter la crise économique ».

  • Mais curieusement, c’est l’ami d’Emmanuel Macron, son représentant syndical, patron de la CFDT et président de la Confédération européenne des syndicats, Laurent Berger, qui monte au créneau pour trouver « indignes », « indécentes » et « provocatrices » les suggestions du patronat.

Il ne s’agit évidemment pas d’être dupe sur la sincérité de la condamnation. Sans doute Laurent Berger veut-il préserver un semblant d’indépendance pour jouer dans le futur la partition qui lui est régulièrement dévolue. Mais justement, il est intéressant que ce soit lui qui vienne contredire De Bézieux. Il exprime une orientation opposée au premier, craignant au lendemain du confinement un règlement de comptes généralisé qui menacerait, plus que quelques responsables, l’édifice social tout entier.

Le patron de la CFDT dont on connait l’attachement aux réformes gouvernementales va d’ailleurs plus loin. Après la prise de position du responsable des députés LREM, Gilles Le Gendre, à la question concernant la réforme des retraites pour laquelle il a tant donné, contre laquelle des millions se sont mobilisés, il répond :

  • On aura bien d’autres chats à fouetter que de se mettre sur la figure sur ce sujet. Oui je crois que ce n’est plus un sujet d’actualité. Dont acte, on verra dans les années à venir mais pour l’instant on aura d’autres problèmes à traiter…
  • Et l’assurance chômage, cette réforme doit-elle être aussi retirée définitivement selon vous ? lui demande le présentateur du journal du 20h de france 2, le 12 avril.
  • Oui bien sur. Elle est injuste (…) et maintenant totalement décalée…

Cette ligne là est claire. Il s’agit d’éviter l’affrontement demain, de céder sur quelques points pour ne pas avoir à tout perdre.

D’autres exemples existent. Celui qui concerne la question hospitalière, dans le contexte de crise sanitaire, vaut le détour. Alors qu’il est à Mulhouse, Emmanuel Macron annonce qu’une expertise est demandée à la caisse des dépôts pour l’avenir de notre système hospitalier. Le verdict tombe quelques jours plus tard. Il s’agirait de fermer encore des lits, des structures hospitalières publiques, de faire la part belle à l’hôpital privé au nom d’un partenariat qui se voudrait efficace. Le directeur de l’ARS du grand Est qui se veut sur la ligne dure annonce immédiatement la fermeture de 600 postes et 174 lits à Nancy, alors que la valse des malades du Covid 19 se poursuit pour trouver un lit. Au sommet ça flotte… Finalement la décision sera annulée.

La crise politique qui se mène au sommet de l’état nous concerne au premier titre.
Si en haut ils se mettent à jouer du violon, en bas on va pouvoir commencer à danser…

Jacques Cotta
Le 15 avril 2020

Messages

  • Je ne sais pas danser, c’ grave ? Par contre j’ai Les plans pour la fabrication d’une guillotinée

  • On retrouve ici, cette fois à l’intérieur du gvt (ou sa mouvance), la pièce qui nous a été jouée pendant des dizaines d’années, notamment depuis Maastricht. Soit le détricotage des droits avance à la hussarde, cad dans un climat de bataille sociale, c’était la version UMP, devenue LR ; soit il avance de manière cauteleuse, dans une stratégie associant le gvt et tout ou partie des syndicats (leurs directions, pour être plus précis, parce qu’en bas ça renaude plus ou moins), c’était la version PS (les satellites électoraux jouant leurs rôles respectifs dans cette comédie). Que cette pièce soit maintenant intégrée dans le giron gouvernemental est une conséquence de l’élection de 2017, et ça n’a donc rien de surprenant. Reste qu’il s’agit d’une représentation, dont l’issue est connue : sauf intervention du public sur la scène, ce qui ne s’est pas encore produit, il se fait plumer à la fin.

  • révolution, REVOLUTION ! désobéissance civile

  • et malgré les nombreuses mises en garde, nous n’avons rien vu !

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