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Etat d’urgence sanitaire prolongé, libertés amputées !

dimanche 3 mai 2020, par Jacques COTTA

Depuis plusieurs jours bruisse au sommet de l’état une petite musique insistante, amplifiée par les membres du gouvernement et largement diffusée par les médias. Dans la foulée du « plus rien ne sera plus comme avant », voilà qu’on nous assène qu’il va falloir « vivre autrement ».

Vivre autrement, mais comment ?

En prolongeant dans un premier temps l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 24 juillet, le président de la république, le premier ministre et le ministre de l’intérieur principalement, nous indiquent ce que doit devenir notre vie. Les mesures de l’état d’urgence qui reprennent et amplifient celles qui nous sont imposées depuis le 17 mars, date du début du confinement, sont pour le moins inquiétantes.

Ces mesures concernent explicitement :

  • La limitation des libertés individuelles, Parmi elles : "la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion". Concrètement, le Premier ministre peut prendre par décret des mesures listées par la loi : ordonner un confinement à domicile, interdire les rassemblements…
  • le renforcement des pouvoirs de police des préfets et du ministre de l’intérieur.
  • des amendes d’un montant de 135 euros pour une première violation des règles de déplacement, 375 euros en cas de non-paiement dans les 45 jours, 1 500 euros en cas de récidive et jusqu’à 3 750 euros d’amende et six mois de prison en cas de multi-récidive dans une période de 30 jours. La suspension du permis de conduire est également possible.
  • L’établissement d’un « fichier médical », c’est à dire la mise sur fiche de notre état de santé et de nos antécédents, auxquels auraient accès médecins, assurance maladie, et différentes parties intéressées, dont sans doute les représentants médicaux d’employeurs qui pourraient agir en conséquence.
  • L’établissement d’un « fichier contacts », permettant au nom de la chasse au virus de ficher l’ensemble des rencontres, des connaissances, et donc des habitudes, intégrant par exemple de fait les réunions syndicales, politiques, associatives…

Cet état d’urgence sanitaire prolongé fait donc peser une menace directe sur nos libertés les plus fondamentales.

Ainsi :

  • La police met en garde à vue une citoyenne qui affiche sur son balcon « Macronavirus, à quand la fin », au prétexte qu’il y aurait « atteinte au chef de l’état ».
  • La justice poursuit, inculpe, menace.

On pouvait croire à une bavure tellement la descente policière semblait incroyable. Mais non. Dans les jours qui ont suivi, des policiers ont montré un zèle identique en intervenant contre la présence de pancartes ou banderoles sur des balcons privés parisiens, marseillais ou nantais.

Il s’agit bien d’une consigne qui vient du sommet de l’état.

Le confinement entrave déjà le droit de se déplacer comme nous l’entendons. Il s’agit là de nous interdire le droit de penser et de nous exprimer.

Tout est mis en place pour nous soumettre collectivement. Les « autorisations de sortie » que nous avons été contraints jusque là de remplir n’ont servi en rien à pister le virus (les identités n’ont même pas été relevées) mais ont servi uniquement à conditionner les citoyens à l’obéissance, à l’autodiscipline, à la servilité face à l’autorité de l’état.

La prolongation de l’état d’urgence sanitaire prévoit d’autre part d’augmenter les forces de répression qui jusque là se limitaient à la police ou la gendarmerie. Verbaliser ne sera en effet plus la la prérogative unique des forces de l’ordre après le 11 mai. Plusieurs professions auront cette compétence. Ainsi, « les adjoints de sécurité, les gendarmes adjoints volontaires, les réservistes de la police et de la gendarmerie nationale ainsi que les agents de sécurité assermentés dans les transports mais aussi les agents des services de l’autorité de la concurrence pour les commerces pourront constater le non respect des règles de l’urgence sanitaire et le sanctionner", indique le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner. Cela évidemment au nom du déconfinement et de la sécurité sanitaire.

Vivre autrement, mais pourquoi ?

Avant le déclenchement de la pandémie, le pouvoir était confronté à un mouvement de révolte durable avec les « Gilets jaunes » et la mobilisation contre la retraite à points qu’il ne parvenait pas à mettre au pas.

De plus, les sondages indiquaient tous que « L’opinion publique avait pris fait et cause, malgré les images de violences largement diffusées, pour les professions mobilisées et le mouvement social ».

Le combat contre le virus permet donc l’instrumentalisation de mesures dites sanitaires mises au service d’objectifs politiques et sociaux.

La prolongation de l’état d’urgence comprend d’ailleurs sur ce plan la possibilité d’augmenter le temps de travail hebdomadaire ce 35 à 48 heures, de différer les périodes de congés, de modifier les RTT. Les mesures précédentes devraient permettre de vaincre toute réticence et de mettre au pas les réfractaires.

Déjà, à titre de rappel et d’exemple, la loi d’urgence prise après l’attentat du Bataclan, prolongée à plusieurs reprises, est devenue permanente par l’intégration de ses principales mesures dans la loi, avec la promulgation sous la présidence Macron de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

Les dispositions de l’état d’urgence avaient notamment servi plus à réprimer et criminaliser le mouvement social qu’à combattre les terroristes. On rappellera à ce titre les assignations à résidence des militants contre la Cop 21, ou des syndicalistes ou militants politiques lors des manifestations de « Gilets jaunes »

L’atteinte à nos libertés est donc en relation évidente avec la volonté de passer en force sur le plan social et de se maintenir sur le plan politique.

Vivre autrement mais quid de la démocratie et de la liberté

Les arguments officiels pour justifier cet arsenal de mesures font état de la situation sanitaire. N’étant ni virologue, ni médecin, il est impossible de se prononcer sur ce plan. Mais en tant que simple citoyen il est possible, voire urgent, de constater que tout cela concerne nos libertés, la vie en démocratie.

La suite n’est d’ailleurs pas triste. Un gigantesque fichage via les téléphones mobiles est en préparation, toujours évidemment au nom du combat contre le Covid 19.

La pire des choses dans la situation actuelle est l’isolement, notamment dans les réactions face à l’arbitraire et aux mesures liberticides.

Le confinement et l’état d’urgence sanitaire laissent chacun seul, atomisé face aux décisions qui sont à prendre, en l’absence de toute réaction cohérente collective qui devrait être du ressort des organisations ouvrières et démocratiques, associations, partis, syndicats.

Nous sortons du premier mai. Aucun responsable syndical national, ni Martinez, ni Verrier, ni nul autre, n’a appelé à le rejoindre dans la rue au nom des millions de travailleurs qu ! dans le monde sont exploités, pressurisés, au nom de la défense de nos libertés démocratique et du combat contre l’autoritarisme que nous subissons.

Force est de constater que cette inaction est complice d’un état d’urgence et d’un confinement qui sert la politique gouvernementale et les objectifs « sociaux » rappelés par le MEDEF.

Voila pourquoi la responsabilité des organisations politiques, syndicales, associatives est engagée pour que l’unité réalisée mette fin aux mesures répressives qui frappent toute opposition à la politique et aux décisions gouvernementales.

Jacques Cotta
Le 3 mai 2020

Messages

  • Cette période de confinement est privative de libertés... temporaires ? le déconfinement nous montrera si c’est vrai. Il y a à craindre que ces libertés "encadrées" ne soient reconduites pour des raisons purement politiciennes et sociétales. Depuis plusieurs années, je n’ai vraiment pas l’impression de vivre une vraie démocratie !

  • Bonjour,

    Merci, Jacques Cotta de rappeler à tout un chacun que si le peuple de notre pays a « pris la bastille » (symbole) en 1789 c’est pour de sujet, devenir citoyen.
    Et en tant que tel, tout ce « chacun » devrait, y compris dans des situations graves (la République en a connu d’autres) pouvoir décider collectivement de la marche à suivre et non d’être dans l’obligation de se soumettre au bon vouloir des gouvernants qui ont largement mis la santé publique à la portion congrue ; Macron ne faisait que ce qu’ont fait ses prédécesseurs : aggraver la politique d’austérité aussi dans cette matière.

    Il n’est nul besoin d’être un anarchiste (mais je crois qu’il est utile parfois de l’être) pour être révulsé qu’un citoyen n’ayant commis aucun délit soit obligé de rédiger un mot d’excuse pour une petite sortie sous peine de sanction policière. Le pompon dans ce domaine est un secrétaire d’État dont j’ai oublié le nom qui nous traite en éternels mineurs en agitant la carotte « les vacances d’été vont dépendre des efforts des Français » ; on se croirait au MEDEF !

    Et ce, d’autant plus qu’ils n’ont aucun titre, au regard de ce qu’il ont fait (pénurie par ex dans les hôpitaux) pour se prévaloir de ce que ces messieurs appellent « l’intérêt général » ?

    Voulons nous être des citoyens ou des majeurs sous tutelle ? Avons nous besoin de ces gens qui « pensent pour nous » ? Ne sommes nous pas capables de choisir après discussion éclairée, collectivement notre sort ? Ne ferions nous pas mieux si le citoyen, appelé comme tel, était appelé à décider de son sort (évidemment, il ne s’agit pas ici du point de vue indispensable scientifique des médecins dont le rôle est d’éclairer la décision).

  • Le monde d’après ? Quel monde d’après, puisque selon nos théories (en référence à Pierre (Piotr) Alexeïevitch Kropotkine (en russe : Пётр Алексеевич Кропоткин), puis George Orwell et la suite…) : « demain c’est hier, et aujourd’hui c’est demain… »
    Et selon *Emmanuel TODD :
    Nous saurons que le monde a changé quand ceux qui nous ont mis dans ce pétrin en supprimant les stocks de masques seront devant un tribunal – et je ne parle pas d’une simple commission parlementaire. On nous demande de croire que les gens qui ont péché sous les régimes précédents et qui sont toujours là ont fait leur examen de conscience. C’est trop facile ! Il faut en finir avec l’impunité.
    On doit faire des exemples, avec des peines de prison et des sanctions financières. La société française a besoin de morale, et il n’y a pas de morale sans punition. Mais ce n’est pas seulement une question de principe. Il existe maintenant un vrai risque d’explosion sociale, parce que les Français savent que leurs dirigeants sont incapables de les protéger. Si l’on accepte encore et toujours un pouvoir qui raconte n’importe quoi grâce à sa maîtrise des moyens de communication et qui s’entête à ne pas régler les problèmes économiques, l’étape suivante ne sera pas une lutte des classes civilisée, mais la guerre civile.
    Remember : Conclusion (très) provisoire : Cours camarade le vieux monde est derrière-toi et si tu n’y prends pas garde il sera aussi devant-toi… Y ! Les temps changent, les gens changent, sauf pour les… (C’est aussi à ça qu’on les reconnait !)
    *avec un faible très prononcé pour son grand-père, mais c’est une autre histoire…

  • Bonjour,
    dans le même ordre d’idées voilà que le "think tank" patronal nommé Institut Montaigne (le même Institut Montaigne dont le directeur,M. Laurent Bigorgne, avait généreusement hébergé à son domicile particulier le mouvement... En Marche ! et ce dès sa création) propose diverses mesures à prendre d’urgence au prétexte de "rebondir face au Covid-19" (cf. le quotidien de révérence Le Monde daté de ce jour).
    Je vous rassure immédiatement cet Institut très macrono-patronal ne propose pas la fin du CICE ou le rétablissement de l’ISF mais, ô surprise, une panoplie de mesures anti-sociales qui auraient plu à cette brave et regrettée Mme Thatcher.

  • PS : je distribue à "tour de bras" (et sur mes propres deniers) le « Discours de la servitude volontaire » de *Etienne de la Boétie, et dont je ne me lasserai jamais…
    *Qu’un ami très proche accompagna lors de son agonie (qui dura plusieurs jours) et qui en fit le récit (à lire sans tarder !)

  • En complément aux observations pertinentes de Jacques Cotta sur la régression sociopolitique engendrée par l’état d’urgence sanitaire, je souhaiterais apporter quelques compléments sur la régression de l’état de droit, qui est préoccupante et inquiète même les juristes les plus « rangés » sur ce plan sociopolitique.

    La loi d’urgence sanitaire du 23 mars 2020 a engendré des monstres par voie d’ordonnances (sortes de décrets provisoires en matière législative destinés à être ratifiés par une majorité parlementaire aux ordres) concernant les procédures ordinaires, notamment le « principe du contradictoire » : une audience est prévue devant une juridiction X, on y va ou on s’y fait représenter par un avocat pour faire valoir ses arguments, qui font par ailleurs l’objet d’écritures, et l’on a accès aux écritures adverses pour y répondre. Mais une ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 permet de déroger à cela, pour la justice administrative. Ainsi, j’ai intenté deux recours en référé (procédure d’urgence) devant le Conseil d’Etat, pour contester deux aspects du décret de confinement n° 2020-293 du 23 mars 2020, et ils ont été tous les deux rejetés avec des argumentations délirantes sans que j’aie été convoqué à une audience pour faire valoir mon point de vue face aux juristes de l’Etat, devant le juge. Je ne suis pas sûr au demeurant que cela ait pu changer le résultat final, mais j’aurais augmenté mes chances de convaincre, donc de l’emporter.

    Le premier recours concernait l’absence, dans ce décret et dans le modèle d’attestation bien connu qui en est l’application, du droit de se déplacer pour aller récolter en forêt du bois de chauffe sur des parcelles m’appartenant et situées au demeurant tout près de mon lieu de confinement. Le juge a accepté l’argumentation gouvernementale comme quoi le décret n’avait « ni pour objet ni même pour effet » de m’empêcher de faire cela, pourvu que j’aie bien une attestation et une pièce d’identité avec moi (CE, n° 44095). Je cherche encore aujourd’hui sur le modèle d’attestation quelle case cocher, et pour cause : il n’y en a pas, parce que le décret ne prévoit absolument rien là-dessus. Donc c’est n’importe quoi : pour objet, peut-être pas, mais pour effet, certainement ! Pas grave, j’y suis allé quand même sans attestation, car, comme le dit un personnage de la BD « L’enquête corse » de Pétillon , « je connais tous les chemins de mon pays », et suis en mesure d’éviter un contrôle ennuyeux...

    Le même problème a pu se poser pour des gens qui ont été verbalisés pour être allés faire du jardinage en un lieu qui n’était pas attenant à leur résidence de confinement : ni le décret ni par conséquent l’attestation ne prévoient rien là-dessus. Il est clair que tout cela a été conçu par des gens des villes pour des gens des villes. Le préfet de l’Aisne - département qui me concerne - avait pensé à cela en assouplissant par voie de communiqué de presse du 15 avril un arrêté très strict qu’il avait pris le 20 mars sur la fréquentation des milieux naturels, autorisant ainsi le jardinage à distance, et il a aussi assoupli sa position sur cette fréquentation (donc celle de la la forêt) pour la promenade, exception faite des rives de cours d’eau et plans d’eau. Dans mon affaire, le juge a accepté l’argumentation étatique constitutive d’un extraordinaire embrouillamini comme quoi « mon » préfet m’autorisait à aller récolter du bois de chauffe en forêt, ce qui est absolument faux, textes à l’appui, et alors même que j’avais introduit le recours avant le 15 avril. Par un miracle jurisprudentiel, le bois de chauffe récolté en forêt était assimilé à des légumes récoltés dans un jardin : nous avons donc affaire aussi à un état d’urgence conceptuel et terminologique.

    Le second recours (CE n° 440264) portait sur le « détail qui tue » dans le modèle d’attestation officiel : l’obligation d’indiquer dans tous les cas l’heure de départ du lieu de confinement, alors qu’il résulte clairement du décret en question que cela ne vaut que pour le motif d’exercice physique, promenade familiale et des animaux de compagnie, limités à une heure. On ne voit pas au demeurant comment il serait possible dans tous les cas de faire ses courses en moins d’une heure, trajets et queue compris. Cette fois-ci, ce n’était pas un référé-liberté autonome, mais un référé- suspension adossé à un recours classique pour excès de pouvoir : je demandais l’annulation de la mention sur l’heure en bas du modèle d’attestation, ou plutôt un complément de rédaction « si vous cochez la case X » , et je demandais en attendant le jugement sur le fond la suspension des effets de l’attestation-modèle (y compris sous sa forme numérique, notez bien...) au vu de l’urgence qu’il y a à ne pas se prendre une prune pour rien.

    Le même juge que dans le premier recours explique sans rire que « M. Plavinet soutient que ce document est illégal en ce qu’il implique que l’heure de départ de la résidence de confinement doit y être mentionné dans tous les cas de dérogation, est susceptible de générer une verbalisation pénale abusive et méconnaît le principe d’interprétation stricte du droit pénal. (alinéa) Ces moyens ne sont manifestement pas propres à créer un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées. (Suit la décision de rejet du recours) ». On en déduit donc l’existence d’un « état d’urgence juridique » permettant d’inventer des infractions non prévues par les textes, probablement pour renflouer par des « amendes spéciales » ainsi perçues les caisses d’un Etat qui va être financièrement très à la peine pour renflouer des pans entiers dévastés de l’économie dévastés par la crise. On est dans « Ubu Roi », quand le Père Ubu parcourt les campagnes polonaises pour extorquer une seconde fois de la phynance aux paysans, en plus des impôts fixés et déjà versés.

    Pour terminer, deux autres affaires méritent d’être mentionnées.

    D’abord, il s’est produit un séisme de grande ampleur en droit constitutionnel, passé inaperçu du grand public : le 26 mars 2020, le Conseil constitutionnel a rendu une décision (n° 2020-799 DC) qui provoqué un certain chambard dans l’univers policé des professeurs de droit public : saisi par le Premier ministre, il a estimé conforme à la constitution la loi organique d’urgence sanitaire du 30 mars 2020, qui portait sur la suspension du mécanisme des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), au nom d’une théorie des « circonstances exceptionnelles » surgie du néant textuel et jurisprudentiel. Dans la revue hebdomadaire AJDA n° 15-2020, le professeur Jeanneney, de l’Université de Strasbourg, a écrit un article critique à la limite de l’insolence, avec le chapeau suivant : « Saisi d’une loi organique adoptée en méconnaissance d’une contrainte procédurale imposée par la Constitution, le Conseil constitutionnel la déclare conforme à cette dernière. L’intérêt de sa décision tient à sa portée « contra constitutionem », au mobile qui paraît la sous-tendre – le sentiment diffus d’un état de nécessité - et à sa motivation lapidaire, symptomatique d’une manière singulière de rendre la justice constitutionnelle en France ». Ces qualificatifs valent pour les deux décisions de rejet de justice administrative me concernant, dans lesquelles le même conseiller d’Etat m’explique tranquillement que la terre est plate et immobile, et que le soleil tourne autour en se levant à l’ouest et en se couchant à l’est, le tout en deux ou trois mots.

    Ensuite, il y a eu la parution du décret n° 2020-412 du 28 avril 2020, non lié officiellement à la crise sanitaire, mais qui l’est en fait, avec un effet potentiel aussi dévastateur que les mécanismes exposés par Jacques Cotta. Selon sa notice de présentation, « le décret pérennise, suite à une expérimentation menée pendant près de deux années, la faculté donnée aux préfets de région et de département, en métropole et outre-mer, de déroger aux normes arrêtées par l’administration de l’Etat pour un motif d’intérêt général. A cet effet, il autorise le représentant de l’Etat dans la région ou le département à prendre des décisions dérogeant à la réglementation dans certains domaines, afin de tenir compte, sous certaines conditions, des circonstances locales. » Sont notamment concernés les domaines de l’emploi, de l’environnement, l’agriculture et la forêt, de la construction, du logement, et de l’urbanisme, etc.. Le texte prévoit un certains nombres de gardes-fous de façade, mais personne n’est dupe : la régression est là encore à l’oeuvre.

    Voilà où nous en sommes sur le plan de l’état de droit. Victime du coronavirus ou plutôt de sa gestion erratique sur tous les plans, il est « en réa », et le pronostic vital est naturellement réservé.

  • Il est en effet symptomatique qu’aucun syndicat ni organisation n’ait appelé à manifester dans la rue le 1er mai. En outre laisser Macron parler de fête du travail, et non des travailleurs, reflète encore un peu plus le niveau où nous sommes descendus, et à ce rythme-là le Talon de fer a encore de beaux jours...

    Concernant la mise en garde à vue de la personne de Toulouse, pour une banderolle, je signale que le même slogan a été accroché sur les portails ou clôtures dans d’autres communes sans que cela ait provoqué l’intervention des autorités (mais il y avait des rumeurs de fourches et de frondes à proximité....).
    On a même vu quelques personnes sortir et dénoncer l’ouverture d’une grande surface le 1er Mai, ou encore défiler avec pancartes en faisant le tour des commerçants ouverts (mais fermés pour le 8 mai ...)

    Prenez le masque et le maquis !

  • De l’état de droit, de ses zombies, monstres de Frankenstein et autres golems. Promo à saisir : 1000 km pour le prix de 100 km !

    J’avais écrit, il y a quelques jours, que l’état de droit était « en réa » et que le pronostic vital était réservé. Aujourd’hui, un patient juridique est décédé : le décret n° 2020-293 modifié du 23 mars 2020 sur le confinement, auquel je me suis vainement affronté par deux fois devant un juge de référés du Conseil d’Etat resté inflexible, aveugle à la lettre des textes applicables et sourds à mes arguments pourtant détaillés et plausibles. A sa place naît, toujours en « réa » - la médecine moderne fait des miracles - un nouveau patient assez étrange : le décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales pour faire face à l’épidémie de covid19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Il s’agit du décret de « déconfinement progressif », paru au JO de ce jour, ce qui est inhabituel : il n’y a pas de JO les lundis parce qu’aucun texte n’est adopté le dimanche, mais, aujourd’hui, c’est le cas, et ce décret occupe le JO du jour à lui tout seul. Cela étant, on n’est pas dans l’étable de Bethléem pour autant, et le « divin enfant » a une drôle de gueule.
    J’ai d’abord pensé que c’était un véritable zombie qui était apparu dans l’état de droit. Mais le zombie apparaissant « post mortem », alors qu’on est plutôt dans l’hypothèse inverse du « ante nationem », comme on va le voir, je choisirais plutôt l’image du golem, de la tradition juive ésotérique pour caractériser la créature, ou encore le « monstre » de Frankenstein. Dans tous les cas, il y a un créateur et une créature, et celle-ci est bizarre.

    Je m’explique. En gros, de façon hallucinante, le décret d’application est paru avant la loi, parce que les génies qui nous gouvernent se sont pris les pieds dans le tapis du « timing » de la sortie des nouveaux textes : d’abord une nouvelle loi d’urgence sanitaire, puis le décret d’application, comme en mars dernier. Mais ils ont oublié au sujet de l’adoption de la loi le délai nécessaire à la saisine du Conseil constitutionnel par l’exécutif, destiné à éviter une saisine par l’opposition, qui ferait désordre. Toutefois, comme il fallait absolument abroger le décret ancien pour mettre fin à la bouffonnerie vexatoire des attestations auto-décernées et prévoir la foultitude de modalités techniques de réouverture de nombreux lieux fermés auparavant, un décret « provisoire » a été publié. Simultanément, les médias insistent sur le côté « cool » et pédagogique du cours nouveau, on ne verbalisera pas tout de suite, etc. Et pour cause : la règle des 100 km n’y figure pas, ni la moindre sanction pénale, car la loi est nécessaire pour restreindre la nouvelle liberté de circulation. Elle sera donc adoptée demain ou mercredi 13, au plus tard, et le « vrai » décret, qui pourrait simplement compléter celui-ci sera publié dans la foulée, avec les sanctions à la clé.

    Finalement, l’impuissance juridique due à l’impéritie gouvernementale est déguisée en indulgence, le Père Edouard n’est pas un Père Fouettard, il est pédagogue, il « fait appel au bon sens des citoyens », etc. Tu parles ! Pas moyen de faire autrement...

    Mais il faut voir le bon côté des choses. Donc, si vous avez un long voyage à faire, de plus de 100 km, profitez-en, en toute légalité, sans attestation aucune ni aucun risque de PV, mais faites vite : ça ne durera pas aussi longtemps que les contributions. Et les uniformes réapparaîtront vite avec le carnet de PV entre les dents. Allez, le golem est sympa, finalement...

  • De l’état de droit, de ses zombies, monstres de Frankenstein et autres golems. Promo à saisir : 1000 km pour le prix de 100 km !

    J’avais écrit, il y a quelques jours, que l’état de droit était « en réa » et que le pronostic vital était réservé. Aujourd’hui, un patient juridique est décédé : le décret n° 2020-293 modifié du 23 mars 2020 sur le confinement, auquel je me suis vainement affronté par deux fois devant un juge de référés du Conseil d’Etat resté inflexible, aveugle à la lettre des textes applicables et sourds à mes arguments pourtant détaillés et plausibles. A sa place naît, toujours en « réa » - la médecine moderne fait des miracles - un nouveau patient assez étrange : le décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales pour faire face à l’épidémie de covid19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Il s’agit du décret de « déconfinement progressif », paru au JO de ce jour, ce qui est inhabituel : il n’y a pas de JO les lundis parce qu’aucun texte n’est adopté le dimanche, mais, aujourd’hui, c’est le cas, et ce décret occupe le JO du jour à lui tout seul. Cela étant, on n’est pas dans l’étable de Bethléem pour autant, et le « divin enfant » a une drôle de gueule.
    J’ai d’abord pensé que c’était un véritable zombie qui était apparu dans l’état de droit. Mais le zombie apparaissant « post mortem », alors qu’on est plutôt dans l’hypothèse inverse du « ante nationem », comme on va le voir, je choisirais plutôt l’image du golem, de la tradition juive ésotérique pour caractériser la créature, ou encore le « monstre » de Frankenstein. Dans tous les cas, il y a un créateur et une créature, et celle-ci est bizarre.

    Je m’explique. En gros, de façon hallucinante, le décret d’application est paru avant la loi, parce que les génies qui nous gouvernent se sont pris les pieds dans le tapis du « timing » de la sortie des nouveaux textes : d’abord une nouvelle loi d’urgence sanitaire, puis le décret d’application, comme en mars dernier. Mais ils ont oublié au sujet de l’adoption de la loi le délai nécessaire à la saisine du Conseil constitutionnel par l’exécutif, destiné à éviter une saisine par l’opposition, qui ferait désordre. Toutefois, comme il fallait absolument abroger le décret ancien pour mettre fin à la bouffonnerie vexatoire des attestations auto-décernées et prévoir la foultitude de modalités techniques de réouverture de nombreux lieux fermés auparavant, un décret « provisoire » a été publié. Simultanément, les médias insistent sur le côté « cool » et pédagogique du cours nouveau, on ne verbalisera pas tout de suite, etc. Et pour cause : la règle des 100 km n’y figure pas, ni la moindre sanction pénale, car la loi est nécessaire pour restreindre la nouvelle liberté de circulation. Elle sera donc adoptée demain ou mercredi 13, au plus tard, et le « vrai » décret, qui pourrait simplement compléter celui-ci sera publié dans la foulée, avec les sanctions à la clé.

    Finalement, l’impuissance juridique due à l’impéritie gouvernementale est déguisée en indulgence, le Père Edouard n’est pas un Père Fouettard, il est pédagogue, il « fait appel au bon sens des citoyens », etc. Tu parles ! Pas moyen de faire autrement...

    Mais il faut voir le bon côté des choses. Donc, si vous avez un long voyage à faire, de plus de 100 km, profitez-en, en toute légalité, sans attestation aucune ni aucun risque de PV, mais faites vite : ça ne durera pas aussi longtemps que les contributions. Et les uniformes réapparaîtront vite avec le carnet de PV entre les dents. Allez, le golem est sympa, finalement...

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