Rafael Correa en est persuadé, s’il avait été dans son pays, son candidat aurait gagné. Quand tout tient dans un leader, le leader détient toutes les explications ! Or en 2017 il a soutenu Lenin Moreno qui a gagné mais le corréisme a perdu puisque Moreno a trahi !
En 2017 il a gagné-perdu, et en 2021 il a perdu-perdu mais son propos est triomphaliste quand on lit les réponses aux questions de la BBC Mundo. Si bien que la prochaine fois, il gagnera !
Le score qu’il retient c’est celui du second tour d’Andrés Arauz 47,5% sauf qu’il y a une anomalie que le journaliste pourtant peu complaisant évite : au premier tour les trois candidats de gauche totalisaient 67%.
En fait Andrés Arauz s’est pris au piège : au premier tour il a fait référence à Correa pour rassembler les corréistes qui en effet pèsent autour de 30%, puis au second il a tenté de s’en distancer mais pas assez car Correa n’enthousiasme plus au-delà de 30%. C’est ce qu’avait réussi en 2017 Lenin Moreno qui savait que l’ombre de l’ancien président est source d’échec.
Le long entretien de BBC Mundo reste à la superficie des questions en centrant le propos sur la corruption. J’ai noté que Mélenchon faisant sa revue de la semaine fait de même pourtant à la fin il évoque, sans être précis, le « sectarisme » (c’est son mot) de cette gauche qui a fat battre Arauz. Pour comprendre il faut écouter Yaku Pérez le candidat de la gauche rurale, la gauche paysanne et souvent indigène :
« Le corréisme tient un discours anti-impérialiste mais s’agenouille devant l’impérialisme chinois [1], il prône l’écologie mais ensanglante la Pachamama, il se dit socialiste et il privatise les ports, la compagnie de téléphone, les zones pétrolières et les mines. »
Andrés Arauz n’ayant pas de véritable projet propre s’est contenté de répéter au second tour que son adversaire était un banquier ce que toute le monde savait depuis très longtemps puisque c’est sa troisième présence au second tour !
Alors oui Andrés Arauz a subi les coups des adversaires car telle est la guerre politique, mais à l’heure du bilan il ne suffit pas de dire comme le fait Mélenchon, qu’autrefois au second tour la gauche savait s’unir, et qu’il est triste de constater que ce n’est plus le cas. Il ne s’agit pas de tirer des leçons générales à partir du cas de l’Equateur, un pays avec lequel j’ai un lien physique, mais de bien mesurer les réalités. La gauche qui ne veut pas s’unir avec Correa s’était unie à lui, au départ, mais après dix ans de règne, elle juge les faits, et non plus les intentions. A un moment de son propos sur sa chaine Youtube Mélenchon rappelle les liens historiques entre des forces démocratiques d’Equateur et la révolution française or justement cette gauche là, que j’ai envie de dire élitiste, bourgeoise, a toujours craché sur les paysans indigènes et leurs luttes, au nom de la suprématie de l’urbain et de la classe ouvrière.
Le mouvement indigène qui a appelé fortement au vote blanc (16%), bien que classé à gauche, a considéré que ses mobilisations seraient plus écoutées par Guillermo Lasso que par Andrés Arauz. Cette expérience a pu être vérifiée avec Lenin Moreno qui a cédé devant les manifestations populaires, quand Correa ne cédait jamais.
Et voilà que Mélenchon note lui aussi, que Guillermo Lasso est peut-être de nature à calmer la conflictualité dans le pays.
Mais Rafael Correa est-il capable de tirer les leçons de l’élection ?
Il est prêt à faire une autocritique : il n’aurait pas dû choisir Lenin Moreno comme son successeur, puisque c’est lui qui a organisé la mort du corréisme en refusant que Correa soit candidat au poste de président comme au poste de vice-président. Et comme Mélenchon, il espère que le nouveau président, bien que de droite, saura être plus indulgent avec lui puisque son conseiller Jaime Durán Barba a affirmé que « Correa a été poursuivi par Moreno de manière absurde ». Jaime Durán Barba a aidé Macri à gagner en Argentine et son propos n’a qu’une fonction électoraliste, Correa devrait le savoir. En fait Lasso va faire ce que tout président de droite sait faire : accroître le fossé entre les forces d’émancipation pour qu’une telle division empêche la naissance d’une alternative. Et en face, s’il y en a un qui est incapable de réduire la fracture c’est bien Correa. J-P Damaggio
Sources :