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Du Brexit au Frexit

vendredi 25 octobre 2019, par Denis COLLIN

Indépendamment de la pusillanimité de la classe dirigeante britannique (Labour party de Corbyn inclus), ce que montre l’imbroglio du « BREXIT », c’est l’extrême difficulté qu’il y a pour défaire les liens de l’UE. Et encore, le Royaume-Uni a sa propre monnaie et n’a jamais fait partie de la zone euro ! L’UE a tissé une toile qui enferme les nations et les prive progressivement de toute possibilité d’agir souverainement.

Alors que la déclaration de 1789 affirme que « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. » (Article III), l’adhésion à l’UE est la liquidation de cet article et donc depuis Maastricht (1992) et peut-être même depuis le traité de Rome (1957), ce sont les droits de l’homme et du citoyen qui sont bafoués. L’article III n’est pas le seul à être bafoué. La déclaration de 1789 stipule encore : « Article XIV – Chaque citoyen a le droit, par lui-même ou par ses représentants, de constater la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. Article XV – La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Ces droits fondamentaux n’existent plus depuis Maastricht et les « critères de convergence ».

Quelle que soit la perspective que l’on adopte, on ne peut être libre en restant dans l’UE. On ne peut être libre que dans une république libre ! Il faut choisir : l’UE ou la liberté ! Mais qu’est-ce donc que l’UE ? Quelle est sa force et comment peut-elle faire valoir ses lois ? L’UE n’a aucune force propre. Sa bureaucratie (nombreuse et bien payée) est loin d’avoir l’étendue et la puissance des bureaucraties nationales. Le budget de l’UE (908 milliards d’euros pour la période 2014-2020) représente une petite partie du budget des États. L’UE n’existe pas militairement et elle n’a pas même une politique étrangère commune (toutes choses évidemment impossibles du moment que la véritable UE s’appelle OTAN, sous direction américaine). La force de l’UE n’est rien d’autre que la force coalisée des classes dirigeantes des 28 pays d’Europe. Non que ces gens n’aient entre eux des divergences – on se souvient que, pendant la guerre civile en Yougoslavie, Allemands et Français penchaient pour deux camps opposés – mais ces divergences s’effacent devant leur point commun : défendre la pérennité du mode de production capitaliste et les profits des profiteurs. Chaque nation se trouve ainsi soumise à un collectif tyrannique dont son propre gouvernement fait partie. Comme dans les alliances entre organisations mafieuses, il y a des tensions et si l’un veut reprendre sa liberté on va lui faire payer le plus cher possible sa défection.

Remarquons que dans l’affaire du BREXIT, les Hongrois, les Polonais ou les Slovaques classés parmi les « démocraties illibérales » soutiennent sans barguigner la position commune contre les Britanniques. Quant au soi-disant fasciste ou néofasciste Salvini, il a rappelé que pour lui il est hors de question que l’Italie sorte de l’euro ou de l’UE. Désolé de briser ainsi les grilles de lecture de nos éditorialistes préférés : l’UE, ce n’est pas « les progressistes contre les nationalistes », ce n’est pas « les ouverts contre les fermés », « les Blancs contre les Noirs », ni « les Gibelins contre les Guelfes », c’est seulement classes dominantes contre classes dominées.

En Grande-Bretagne, le BREXIT se heurte à la coalition des classes dominantes européennes, y compris la classe dominante britannique. Voilà les forces immenses que nous aurons à affronter si nous voulons sortir de cette « prison des peuples ». C’est pleinement lucides que nous devons nous préparer à un FREXIT qui deviendra un jour ou l’autre inévitable, sauf à renoncer à ce que nous sommes.