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2021, le Roi Soleil, Macron et la Commune

mercredi 5 mai 2021, par Jean-Paul DAMAGGIO

La France est connue comme pays centralisé, centralisateur et centraliste.

Voilà pourquoi les adeptes de l’histoire longue disent que du Roi Soleil à Emmanuel Macron nous avons toujours des monarques.

Une façon astucieuse de nier le rôle de la Grande révolution qui a mis en marche l’autre face du pays, celle des communes, du communal qui n’est pas le communautaire.

A 150 ans du massacre de la Commune nous devons rappeler que la France républicaine s’est consolidée par les communes (telle est la revanche majeure des Communards), par la base, aboutissant au face à face global entre une France du nord plutôt à droite, et une France du sud plutôt à gauche.

L’atomisation communale, par l’intermédiaire des partis politiques, a fait que ce duo commune/centre a permis au centre de se renouveler.

Voilà pourquoi le centre, pour redevenir le maître, a toujours voulu la mort des partis politiques.

Voilà pourquoi la droite, pendant des décennies, ne s’est jamais constituée en parti politique, cherchant plutôt l’homme providentiel.

Puis De Gaulle a compris qu’il lui fallait aussi un parti même si ensuite les partis l’ont trahi.

Pour la gauche, les partis ont joué le rôle de fédérateur, de formateur, en clair un rôle politique pour que la vie locale ne se transforme pas en localisme, pour que clochemerle ne masque pas la guerre des classes.

Pour le pouvoir central il est apparu clairement qu’il fallait en finir en même temps avec les communes et les partis pour que l’atomisation locale devienne un émiettement, et c’est bien connu avec des miettes on ne fait pas de pain.

Voilà que la victoire de la gauche en 1981 fruit de cette histoire communale mais pas communautaire, va signer l’assassinat, en sa grande largeur, de ce qui fut la sève des trois partis. Elle s’est d’abord diluée dans les couloirs des ministères, donc dans le centre, lui faisant négliger sa base, à savoir le creuset de son histoire. Elle a donc mis en marche la marginalisation des partis politiques (par le financement public), et du rôle des communes (par les premiers pas de l’intercommunalité).

Attention je ne conteste pas le bien fondé de ce financement et de cette intercommunalité mais leur forme. Le financement public est totalement donné à la direction des partis sans condition de redistribution à la base, et l’intercommunalité est constituée comme assemblage apolitique.

Un exemple sur ce dernier point : dans une intercommunalité un maire d’une grosse commune est RN, et inévitablement il participe à l’exécutif, je veux dire il obtient la caution des autres maires pour être dans l’exécutif. Si l’élection des membres de l’intercommunalité était construite sur un territoire en tant que tel, alors la construction du politique serait différente. Je pourrais donner des dizaines d’exemples qui montrent comment l’intercommunalité est une victoire de l’apolitisme, un apolitisme qui s’harmonise à merveille avec l’affaiblissement des partis.

Pour aggraver son cas le PS a vu d’un bon œil de développement du FN comme moyen de diviser la droite, sans imaginer peut-être, qu’il mettait en œuvre un long processus de repolitisation contraire à ses principes.

Je prétends que depuis 1984 le FN est devenu petit à petit le parti politique par excellence ! Une politique que je combats, certes, mais une politique ! Depuis le début, la gauche annonce soit qu’il est un parti fasciste, soit qu’il est prêt à s’allier avec la droite. Et en trente ans ces deux hypothèses ont été globalement détrompées. Nous allons le vérifier avec les prochaines élections locales où le RN sera fortement présent second tour. Il ne se désiste pour personne et si son maintien fait élire « la gauche » peu importe.

Ce positionnement politique du RN est visible de plusieurs manières :

  • L’électorat se soucie peu du nom du candidat (il y a d’ailleurs un turn over considérable)
  • Une nouvelle France est dessinée : l’est plutôt RN, face à l’ouest moins RN.
  • Aucune des scissions n’a eu de suites.
    Chaque pays a ses particularités politiques, mais la France se distingue ce qui fait, par exemple, que les gilets jaunes ont eu aussitôt des émules dans des dizaines de pays. Dans ce contexte, le RN est un parti à part dans l’histoire de l’extrême-droite. Il est lié à d’autres en Europe mais même en Autriche où l’extrême-droite est puissante depuis longtemps, il n’y a pas d’équivalent.

Certains pensent que s’il exerçait le pouvoir, il s’userait vite comme les autres partis, sauf que là aussi les rares municipalités où il est au pouvoir qui hier étaient sans suite, ont passé l’épreuve des dernières municipales et parfois brillamment comme à Béziers.

Dernier élément : dès 1985 le FN a fait un effort énorme pour être présent dans les élections cantonales sous sa propre étiquette, et il n’a jamais négligé cet effort, ne se contentant pas de l’élection présidentielle.

La naissance de LFI par une élection présidentielle trouve aussitôt ses limites quand on constate sa large absence aux élections départementales comme si ses soutiens visaient surtout l’élection… qu’ils contestent le plus !

Pour sortir d’une logique dramatique bien ancrée à présent dans le pays, pour reconstruire une dialogue politique réel entre base et sommet (je ne dis pas peuple et élite) la tâche semble démesurée, or la vie l’imposera à un moment ou à un autre.
J-P Damaggio