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Les leçons des élections à Madrid

mercredi 5 mai 2021, par Jean-Paul DAMAGGIO

Dès l’annonce de la décision de la présidente de la Communauté de Madrid de provoquer des élections partielles, le moment m’est apparu crucial bien au-delà de Madrid.

Depuis la mort de Franco l’Andalousie a toujours été à « gauche » et Madrid à droite. Que pouvait-il se passer après un peu plus d’un mois de gestion commune du pays par l’union de la gauche ?

Pour Podemos, Pablo Iglesias a aussitôt décidé de quitter le gouvernement pour se lancer dans la bataille qui s’annonçait difficile. Il voulait unir la gauche comme seul moyen d’arrêter la montée de la droite et, à Madrid, unir la gauche c’est d’abord unir son parti et la branche issue de son parti, Mas Madrid.

La campagne fut très dure est les résultats sont là.

Mas Madrid 24 (un de plus que prévu et quatre de plus que la dernière fois), Vox 13 (ce qui avait été prévu avec 1 de plus que la dernière fois) et Unidad Podemos 10 (ce qui avait été prévu et 3 de plus que la dernière fois). La disparition de Ciudadanos.

Globalement sur ce point nous sommes dans les prévisions.

La surprise vient surtout des deux grands partis : le PP 65 sièges (35 de plus en récupérant les 26 de Ciudadanos, et même 6 de plus que les sondages), et le PSOE perd 12 sièges et même six par rapport aux derniers sondages.

Certains pensaient que les sondages favorisaient la droite et c’est l’inverse. Il ne faut pas oublier que la proportionnelle amplifie « le vote utile » : pour éviter que le PP ne gouverne avec l’extrême-droite, le PP a bénéficié de nouveaux soutiens ! Il lui manque 4 députés pour gouverner seul.

A gauche c’est Mas Madrid qui tire les marrons du feu en tant que gauche qui ne participe pas au gouvernement. Sauf que Mas Madrid est seulement présent à Madrid sans influence nationale.

Comme Jospin en 2002, Pablo Iglesias décide de quitter la politique, alors que le résultat de son parti n’est pas mauvais.

Pendant la campagne, il a décidé de quitter le plateau télé quand la dirigeante de Vox a déclaré que les menaces de mort qu’il a reçues étaient douteuses. Par la suite les autres forces de gauche ont décidé de refuser aussi de débattre avec Vox.

Donc premier étage de l’analyse : que penser de l’extrême-droite c’est-à-dire pour Pablo Iglesias, le fascisme ? Nos sommes encore dans la configuration française de 2002 avec l’arrivée au second tour de Le Pen. Sauf que le système électoral est différent. La proportionnelle fait que la droite à besoin de s’unir avec Vox pour gérer. Auparavant la droite s’unissait avec le centre représenté par Ciudadanos mais dans la configuration actuelle de fortes tensions, le centre disparaît. Et il n’est pas surprenant que la décision de Iglesias de quitter la politique ait été salué par le PP.

Deuxième étage de l’analyse : au gouvernement, même si Podemos a obtenu quelques avancées, il a fallu avaler des couleuvres. Et là encore nous sommes comme en France en 2002 avec le gouvernement de la gauche plurielle qui coûta beaucoup au PCF.

Faut-il dans un tel contexte refuser l’union avec les socialistes et laisser en conséquence la droite gouverner ?

A Madrid comme dans beaucoup de pays la pandémie a joué un rôle défavorable aux pouvoirs en place. La défaite de Trump est aussi liée à la pandémie. Mais au-delà des circonstances, il apparaît qu’un mouvement de fond ancien existe : l’incapacité de la gauche à s’emparer des évolutions, à son avantage, avec pour conséquence les développements de l’extrême-droite qui pèsent ensuite sur toute la vie politique même sans avoir le pouvoir. Avec le cas de Madrid nous assistons à la généralisation du processus. Est-ce que la solution de Mas Madrid est la bonne ? Rappelons que le différent s’est produit avec Podemos quand ce parti a repris une stratégie d’union de la gauche refusée par le bras droit de Iglesias Íñigo Errejón. Mais aux élections générales il ne passa pas la barre de 2% ! Le futur bilan du PSOE et de Podemos va-t-il lui ouvrir un boulevard ou va-t-on vers une réunification avec Podemos ?

L’histoire française devrait les alerter.

Est-ce qu’en Espagne aussi la société vire à droite ? Plutôt que de pointer leurs responsabilités les partis de gauche font porter la cause du mal sur les électeurs et les électrices.

La gauche avait su s’emparer de la sécurité avec la « sécurité sociale ».

Face aux besoins nouveaux de sécurité, elle laisse la question à l’extrême-droite.

La gauche avait su s’emparer de la laïcité.

Face aux besoins nouveaux de laïcité, elle laisse la question à l’extrême-droite.

La gauche avait su s’emparer de la nation.

Face aux besoins nouveaux de souveraineté nationale, elle laisse la question à l’extrême-droite. Etc.

Alors l’avenir de Podemos ?

Il est entre les mains de la ministre du travail Yolanda Díaz. Va-t-elle relancer le mouvement maintenant que Pablo Iglesias n’est plus là ? La mutation ne peut pas se réduire en un seul changement de tête et surtout quand il s’agit d’une ministre. J-P Damaggio