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Idées d’extrême droite, fascisme imaginaire et autres calembredaines

lundi 14 juin 2021, par Denis COLLIN

Ainsi le samedi 12 juin nous eûmes droit à des manifestations contre « les idées d’extrême droite », manifestations bon enfant, dit la Pravda (pardon, « Le Monde ») qui se félicite de leur bonne tenue. La police n’a pas jugé bon de « nasser » et de gazer les manifestants. Les « black blocks » sont restés à la niche. À une semaine du premier tour des régionales et des départementales, le ban et l’arrière-ban de la gauche et de l’extrême gauche se sont égayés dans les rues de France pour faire entendre le message subliminal « tous et tout contre le RN ». Muselier aurait pu en être…

Mais au-delà de cet aspect très cuisine électorale, on devrait essayer de faire un peu de ménage dans la confusion intellectuelle qui règne chez tous ces gens. Il sont tous unis contre les « idées d’extrême droite ». Mais que sont donc les « idées d’extrême droite » contre lesquelles il faut d’urgence s’unir ? S’agit-il des atteintes à la laïcité de la part de ceux qui veulent imposer leurs mœurs dans l’espace public ? S’agit de l’atteinte aux droits de la femme de la part de ceux qui voilent les femmes et propagent une idéologie qui fait de la femme une mineure et la moité d’un homme dans le droit civil ? S’agit-il de ceux qui bafouent la liberté d’expression jusqu’à organiser l’assassinat de toute la rédaction d’un journal satirique ? S’agit-il de ceux qui approuvent la pendaison des homosexuels dans ces sympathiques pays que sont l’Iran ou l’Arabie Saoudite ? Vous n’y êtes pas ! « Extrême droite » se dit de toutes les idées qui déplaisent aux hallucinés qui se prétendent éveillés, aux « indigènes de la république », aux LGBTQ et à tous les amis de Coquerel, Obono, Autain, Mélenchon et autres Taha Bouhafs – le célèbre chasseur de têtes dans les universités d’été de LFI. Fabien Roussel doit maintenant faire partie de ces idées d’extrême droite au même titre que ceux qui objectent à la PMA « pour tou.te.s » ou refusent de censurer les pièces d’Eschyle. Le terme « extrême droite » est ainsi à peu près vidé de sens : est d’extrême droite quiconque ne se plie pas aux injonctions des commissaires politiques de la gauche « correcte ».

Ceux à qui on fait remarquer que plutôt que défiler contre les « idées d’extrême droite », il eût été préférable de défiler contre la politique concrète du gouvernement de Macron, santé, réduction des prestations sociales, retour de la réforme des retraites, etc., répondent immanquablement : « c’est la même chose, Macron, c’est l’extrême droite. » Voici la mise en œuvre du principe « tout ce que je déteste s’appelle extrême droite ». Dans le cas d’espèce, nous avons une idée des sommets de bêtise auxquels la gauche est désormais capable de se hisser. Car Macron est certes un fondé de pouvoir des banques et des opérateurs des médias, mais il n’est pas un homme d’extrême droite. Pour tout dire, Macron est de gauche. Il vient de la gauche, a été ministre d’un président de gauche, et a été élu grâce à la gauche. Si l’appareil du PS, contre son propre candidat, n’avait pas basculé dès le premier tour vers Macron, celui-ci serait arrivé derrière Fillon ! Si Hamon avait retiré sa candidature pour Mélenchon, c’est ce dernier qui serait allé au second tour ! Bref sans les complicités directes ou indirectes des socialistes, même « de gauche », Macron n’existerait pas. Macron est un produit parfait de ce qu’est la gauche depuis trois ou quatre décennies, un rassemblement de bourgeois, défenseurs du profit capitaliste, du marché, de l’UE… et des libertés des libertins ! Du reste, l’équipe rapprochée de Macron est composée en bonne partie des « bébés DSK », c’est-à-dire de tous ceux qui attendaient l’arrivée de l’ex-président du FMI pour prendre leur envol. Mais sur le plan des idées rien d’extrême droite chez tous ces gens. Ils ont défendu le mariage homosexuel, ils aiment les « trans » et détestent la famille, ne sont pas racistes pour un sou – le président aime se faire palper en public par des voyous noirs – et, par-dessus tout n’ont aucun souci de la nation. Tous ces marqueurs des idées d’extrême droite, on les retrouve chez les amis islamistes (CCIF et autres Frères musulmans) de Mélenchon et Obono, mais pas chez les macronistes. Les macronistes eux se concentrent sur l’essentiel : défendre les profits des profiteurs et pour cela il n’est pas nécessaire d’être d’extrême droite, bien au contraire. Le capital, aujourd’hui, n’a vraiment plus rien à faire des « valeurs » traditionalistes héritées du passé. Il est révolutionnaire et ultramoderne. Comme les manifestants de samedi dernier. La lutte contre les « idées d’extrême droite » n’est donc qu’un leurre imaginé par l’extrême gauche du capital pour protéger Macron et préparer un « tous contre MLP » lors des prochaines échéances.

Ceci se produit alors que les mêmes répandent une petite musique de fond bien connue, histoire de rejouer le coup des « heures sombres » : nous serions face à une montée du fascisme. Le fascisme en question est un fascisme imaginaire. Quelques bandes d’allumés identitaires – qui ont toujours existé et parfois bien plus violemment qu’aujourd’hui – ne font pas un danger fasciste. Ils ne sont qu’un épouvantail à moineaux. Le capital n’a nul besoin de la solution coûteuse du fascisme pour la bonne raison qu’il n’est absolument pas menacé par un mouvement ouvrier puissant montant à l’assaut. Nous ne sommes ni en Italie ni en Allemagne dans les années 1920. Nulle mobilisation du « lumpen » contre les organisations ouvrières ! Les seules mobilisations de « lumpen » furent celles qu’encouragea la gauche décérébrée en soutien au clan Traoré ! Le « lumpen » des cités contrôle le trafic de came et le trafic d’opium du peuple et l’ordre règne ainsi. Le vrai danger n’est pas fasciste : il réside dans le totalitarisme sournois qui se développe à partir du centre des institutions étatiques, avec les multiplications des lois liberticides, le développement sans limite du contrôle des corps et des âmes avec tous les moyens de la technique moderne et, sur ce plan, les petits Torquemada de l’extrême gauche apportent sans barguigner leur contribution en réclament toujours plus lois et plus de sanctions pour museler les paroles qui leur déplaisent.

Donc la mise en scène du 12 juin 2021 n’est bien qu’une des innombrables variations que nous offre (gratuitement) la société du spectacle dont la gauche est l’acteur principal. Ce 12 juin confirme la déliquescence absolue de ce mouvement que fut la gauche et qui n’a plus aucun rapport avec la « gauche » d’antan. L’anti-Le Pen, grosse ficelle inventée par Mitterrand, est le seul programme de ces apparatchiks qui, s’ils voulaient vraiment lutter contre le RN, devraient se tourner vers les ouvriers et les employés et défendre leurs revendications, chose dont ils se gardent bien.

Denis Collin – le 14 juin 2021.