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Lorsque la gauche et la Macronie offrent le monopole de la laïcité au RN

jeudi 17 octobre 2019, par Jacques COTTA

Sommaire :

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Les faits

Les faits se sont déroulés au sein du conseil régional de Bourgogne-Franche Comté pour ressurgir quelques jours plus tard en pleine séance parlementaire au Palais Bourbon. Le 11 octobre, une accompagnatrice scolaire, couverte d’un Hijab noir, pénètre dans le conseil régional où un conseiller, Julien Odoul, membre du RN, demande à la présidente socialiste d’intervenir pour obtenir que celle-ci ôte son foulard. L’élu argumente dans un brouhaha assourdissant :

« madame a tout le loisir de garder son voile chez elle, dans la rue, mais pas ici, pas aujourd’hui… nous sommes dans un bâtiment public … nous sommes dans une enceinte démocratique… au nom des principes républicains, au nom de toutes les femmes qui luttent dans le monde pour s’extirper de la dictature islamique, je vous demande de demander à cette personne de retirer son voile, c’est la république, c’est la laïcité. C’est la loi de la république, pas de signe ostentatoire ».

La présidente socialiste s’insurge de la prise de position du représenant du RN et autorise le port du Hijab avec l’approbation des autres conseillers présents, rassemblant dans un même mouvement tous les partis représentés. L’élu RN, qualifié de perturbateur, quitte la séance.

La laïcité en question

Assez curieusement, c’est au nom de la laïcité que les voix se sont levées pour condamner la prise de position de l’élu RN. Cela n’est pas nouveau. Dans chaque affaire qui depuis une trentaine d’années défraye la chronique autour du voile islamique ou autre manifestation religieuse, c’est la liberté qui est mise en exergue pour tenter de justifier des comportements qui mettent en évidence des signes d’appartenance religieuse.

L’affaire de Bourgogne-Franche Comté semble pourtant assez simple. La religion est affaire privée. Les croyances concernent l’individu, libre dans l’intimité de pratiquer sa foi comme il l’entend. Mais avec la loi instaurant la laïcité, il est admis que la religion n’a pas à intervenir dans la sphère publique. Il en va du combat pour vivre ensemble quelles que soient les croyances, quelles que soient les églises. La loi de 1905 visait notamment les signes ostentatoires chrétiens dans l’espace public. Aujourd’hui, il ne s’agit de rien d’autre, dans le respect de la loi, d’appliquer ces principes à toute autre religion, notamment à celles qui comme hier la religion catholique ont aujourd’hui une visée politique et expansionniste affirmée. Le conseil régional est-il un lieu comme les autres ? Il s’agit bien d’une institution démocratique de la république. En ce sens, les règles qui devraient s’y appliquer pour tout signe d’appartenance religieuse ostentatoire, pour le voile en l’occurence, sont celles que rappelle le conseiller du RN.

Mais la laïcité a bon dos.

Il s’agit en réalité d’une bataille politique engagée non par les musulmans qui dans leur immense majorité n’ont rien à voir avec ce type de provocation, mais par l’islam politique, la frange organisée dont les desseins sont affirmés, précisément en contradiction avec les règles de la laïcité. L’Islam politique a une visée sur le terrain du pouvoir. C’est cela qui ordonne et permet de comprendre ce genre de manifestations dont la liste est déjà longue.

Les précédents sont légion

Parmi les plus célèbres, les précédentes provocations remontent aux années 90.

En 1989 par exemple, l’offensive est lancée par les frères musulmans à Creil avec l’affaire des lycéennes voilées, interdites d’entrer en classe parce qu’elles refusent d’ôter leur voile, et baptisées dés lors « victimes de l’intransigeance laïque ».

L’affaire de la crèche Baby Loup qui débute en 2010 transpose le sujet sur le terrain d’un lieu professionnel pour imposer là encore au nom de la liberté vestimentaire et de la liberté de la femme le foulard islamique.

Puis en 2013 survient l’affaire de Trappes qui terrorise en fait les pouvoir publics lorsque à l’issue d’un contrôle controversé d’une femme portant le voile intégral éclate une véritable émeute urbaine.

Les exemples s’accumulent. Car à chaque occasion l’islam politique pousse ses pions, au sens propre comme au figuré. Il trouve ses martyrs médiatiques pour tenter de s’imposer dans la société. Lorsque ce n’est pas le voile, c’est la mixité des piscines qui est mise en cause, ou encore le burkini, toujours au nom de la liberté vestimentaire, qui est exhibé, à Nice par exemple au lendemain de l’attentat meurtrier de la promenade des anglais. L’uniforme islamiste est assimilé à une simple tenue de bain par des commentateurs complaisants. Provocation encore et toujours. L’affaire de Bourgogne-Franche Comté est à nouveau un cas d’école. Les médias ont pris l’habitude de dénommer les femmes couvertes du foulard de « maman d’élève », terme sans doute plus compatissant que de mère tout simplement. La mère en question dans un premier temps est tout sourire. Elle laisse évidemment l’altercation monter. Puis ayant gain de cause, elle est présentée comme une pauvre maman en larmes choquée, à qui « on a brisé la vie ». Enfin, elle pose devant les appareils photos, son enfant dans les bras. Le scénario victimaire se veut émouvant. Il rappelle la crucifixion en place publique.

Dés lors, les islamistes qui marquent des points sur le terrain médiatique pour gagner l’opinion, cherchent à chaque occasion à avancer sur le terrain juridique et comptent pour cela sur les reculades répétées des pouvoirs publics.

La loi

La loi s’est prononcée à plusieurs reprises. Ainsi, concernant les élèves dans les écoles, collèges et lycées, il est établi en 2004 que :

« le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève ».

La circulaire du 18 mai 2004 mentionne expressément que :

« les agents contribuant au service public de l’éducation, quels que soient leur fonction et leur statut, sont soumis à un devoir strict de neutralité qui leur interdit le port de tout signe d’appartenance religieuse. »

Concernant les sorties scolaires, il est indiqué en 2006, assez logiquement, que :

« le parent encadrant une activité périscolaire est assimilé à un collaborateur occasionnel du service public, ce qui l’oblige au respect du principe de neutralité ».

En septembre 2006 toujours, un groupe de travail sur « la laïcité dans les services publics » présidé par André Rossinot indique que :

« l’obligation de neutralité concernerait également les collaborateurs du service public, y compris bénévoles, intervenant en milieu hospitalier, en milieu scolaire, dans le secteur social ou encore sportif ».

Bref, jusque là, la loi qui interdit tout prosélytisme religieux dans les établissements scolaires de la part des élèves l’interdit tout autant de la part d’adultes, parents ou pas, qui seraient amenés à y intervenir de façon officielle. Une position somme toute logique.

Le ver dans le fruit

Il aurait été naïf de penser que désarmeraient pour autant les tenants du communautarisme et de l’islam politique.

C’est l’union européenne qui va peser de tout son poids pour renverser la tendance. L’article 9 de la convention européenne des droits de l’homme indique en effet que :

« toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites ».

Evidemment c’est sur cette fin de phrase que les lobbies vont agir pour obtenir gain de cause et mettre à mal la laïcité, sans même que bon nombre de laïcs ne s’en rendent compte.

Les lobbies sont actifs et efficaces.
La Halde -La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité- s’appuie sur cet article 9 de la convention européenne des droits de l’homme pour affirmer que l’interdiction faite aux parents d’élèves portant des signes religieux d’accompagner les enfants lors de sorties scolaires porte atteinte à la liberté religieuse.

A l’époque, un semblant de protestation contre cette position se fait jour.

« Qu’ils soient ou non rémunérés ne change rien. Cautionner la présence d’accompagnateurs se discriminant eux-mêmes par le port de signes distinctifs indiquant un choix politique et (ou) religieux, c’est oublier la valeur d’exemplarité de l’adulte aux yeux de l’élève »,

indiquent alors fort justement la LICRA, Ni putes ni soumises, SOS Racisme, le Syndicat national du personnel de direction (SNPDEN-Unsa éducation) ou encore l’Union des familles laïques, l’UFAL. Mais les temps ont changé…

L’islamisme politique progresse

En 2011, le tribunal administratif de Montreuil estime que le règlement intérieur d’une école peut légalement exiger « des parents volontaires pour accompagner les sorties scolaires qu’ils respectent dans leur tenue et propos la neutralité de l’école laïque. » La laïcité dans son acception la plus simple est encore défendue.

Vincent Peillon ministre de l’Éducation nationale rappelle en 2013 la validité de la circulaire Chatel de mars 2012 qui prévoit :

« il est recommandé de rappeler dans le règlement intérieur que les principes de laïcité de l’enseignement et de neutralité du service public sont pleinement applicables au sein des établissements scolaires publics. Ces principes permettent notamment d’empêcher que les parents d’élèves ou tout autre intervenant manifestent, par leur tenue ou leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques lorsqu’ils accompagnent les élèves lors des sorties et voyages scolaires »

Il ne s’agit pas d’un débat philosophique, mais d’une véritable bataille politique. Force est de constater qu’à l’époque, comme le représentant RN du conseil régional de Bourgogne-Franche Comté aujourd’hui, le socialiste Peillon ou l’UMP Chatel sont du bon côté du manche. Mais en mai 2013, une manifestation est organisée contre l’exclusion des mères voilées des sorties scolaires.

Il ne faudra attendre que 7 mois pour que le conseil d’État saisi tranche, confirmant que les parents accompagnateurs de sorties scolaires ne sont pas soumis au principe de neutralité :

« l’emploi par diverses sources et pour des finalités diverses, de la notion de "collaborateur", "collaborateur occasionnel" ou "participant" ne dessine pas une catégorie juridique dont les membres seraient, entre autres, soumis à l’exigence de neutralité religieuse ».

Et les élèves dans tout ça, confrontés à des parents qui ont fait intrusion au sein des enceintes scolaires pour les activités périscolaires, ou qui participent à l’encadrement des sorties ? S’il est toujours interdit que parmi eux les signes ostentatoires soient de mise, ils deviennent vulnérables par ceux que des « mamans » décideraient de porter au nom de leur foi. Tout dépend de la tête qui porte le voile. Mais en attendant le voile via quelques mères d’élèves fait son entrée dans l’enceinte scolaire. L’islamisme politique remporte une victoire sur laquelle il pousse son avantage par de nouvelles provocations.

Mais au fait, l’islamisme politique c’est quoi ?

Si le voile n’était qu’expression religieuse, il ne serait assimilable qu’à la croix par exemple que des « mamans » d’élèves pourraient exhiber au nom de leur foi lors des activités périscolaires qu’elles encadreraient. Soit dit en passant, l’autorisation du voile ouvre la porte au crucifix, soit à la période précédent la séparation de l’église et de l’état. Mais de cela pour le moment personne ne pipe mot, surtout pas les défenseurs du Hijab qui sans doute réagiraient avec véhémence si la croix refaisait son apparition dans les lieux publics.

Mais le voile défendu et promu par les islamistes incarne tout autre chose que la simple foi religieuse. Comme on le voit à toute occasion, l’idéologie que recoupe l’islamisme politique n’a rien à voir avec les préceptes républicains. L’idéologie qu’il véhicule fait du mécréant l’ennemi irréductible, prône l’intolérance, la loi de Dieu. Il est synonyme d’intransigeance et de violence. Les femmes comme on le sait ne sont pas l’égal de l’homme et le voile d’ailleurs est là pour tenter d’en occulter les impuretés. Au coeur de cette idéologie, la différence des droits selon le sexe, le travail, la couleur, la religion.

L’Education nationale ne dit mot au nom de la « paix scolaire », mais les cas s’additionnent d’injonctions faites aux profs dans de nombreux établissements contre les cours professés, notamment dans les matières qui mettent en doute le dogme religieux. L’islamisme politique progresse. Et cela aucun de nos bien pensants, défenseurs du voile au nom de la liberté des femmes (un comble !) ne veut le voir. « Charlie Hebdo » attaqué avec les conséquences dramatiques que l’on connait, « coupable d’avoir caricaturé le prophète », n’était que le prélude idéologique à un mouvement d’ensemble qui pénètre la société.

Les prêches guerriers de certains imams ne sont pas exception. Ce sont les valeurs démocratiques, les valeurs qui nous fondent et permettent la vie commune, les valeurs républicaines qui sont directement menacées. L’islamisme politique est porteur d’une vision politique totalitaire dont certaines sourates du Coran donnent le contenu sur la démocratie, le totalitarisme, la violence, l’intolérance, le machisme, le racisme… La démission des pouvoirs publics sur les principes républicains, la démission dans les quartiers qui se vident des services publics et qui sont livrés aux « frères musulmans » ou quelques Imams d’occasion comme « facteur d’ordre » est un encouragement à cette idéologie mortifère.

De la Macronie au PS en passant par la FI…

Voila le tableau. Voila où nous sommes rendus à force de renoncements répétés et partagés du pouvoir et des différentes forces politiques. La Macronie, en ce domaine comme en général dans les autres, reprend à son compte les politiques passées pour en accentuer les traits les plus nocifs. Sur la question laïque, Emmanuel Macron, et Edouard Philippe qui dirige son gouvernement de gauche et de droite, ne font pas exception.

Comme Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre de l’éducation nationale de François Hollande, qui rappelait en 2014 que « l’autorisation est la règle et l’interdiction l’exception », Jean-Michel Blanquer aujourd’hui se contente d’affirmer que « le voile n’est pas souhaitable dans notre société » —il nous rassure et les femmes spécialement— et refuse de prendre une circulaire pour interdire aux femmes voilées d’accompagner les sorties scolaires, les laissant libres si elles le souhaitent pour accompagner les enfants d’ôter le voile.

Au coeur de l’Hémicycle, le premier ministre Edouard Philippe délivrait la position gouvernementale en affirmant : "On peut porter un voile quand on accompagne une sortie scolaire », avant d’ajouter "je ne pense pas que l’enjeu aujourd’hui ce soit de faire une loi sur les accompagnants scolaires ! C’est de combattre efficacement les dérives communautaires. » Réthorique absurde qui légitime en fait un des drapeaux du communautarisme qu’il dit vouloir combattre.

Les abandons de principes visent tout le monde, sans exception. Henri Pena-Ruiz en sait quelque chose, après avoir été calomnié et condamné de « racisme » à l’issue des journées d’étude de la FI, pour avoir déclaré « on a le droit d’être athéophobe comme on a le droit d’être islamophobe. En revanche, on n’a pas le droit de rejeter des hommes ou des femmes parce qu’ils sont musulmans ».

Toutes les forces politiques qui aspirent à être élues, notamment dans des départements à fort taux d’immigration, visent les voix des musulmans et donc cherchent les bonnes grâces des islamistes pour les consignes qu’ils pourraient donner. Là est peut-être une des explications de l’attitude de la frange gauchiste de la FI, du silence de sa direction, et des mésaventures survenues aux journées de la FI subies par Pena-Ruiz.

Toute l’argumentation en cours qui tente de légitimer le voile s’appuie sur l’amalgame entre islamistes et musulmans. Ainsi, 99 « personnalités », artistes, sportifs, intellectuels, ont publié dans « Le Monde », après l’affaire de Bourgogne-Franche Comté, une tribune intitulée « Jusqu’où laisserons nous passer la haine des musulmans » ? Et les mêmes demandent à Emmanuel Macron « de condamner l’agression d’une accompagnatrice scolaire voilée ».

Si nous n’y prenons garde, c’est bien l’islamisme politique qui sortira vainqueur à l’issue de cette nouvelle provocation et nos libertés qui s’en trouveront un peu plus affectées. Emmanuel Macron ne manquera sans doute pas de condamner l’élu RN et de soutenir le voile, en adressant, pourquoi pas, les excuses de la République à la « maman dont la vie a été brisée ». Et notre président, cet ami du Roi d’Arabie Saoudite ou de l’Emir du Qatar, prendra soin surement pour contrebalancer le propos de réaffirmer son attachement à la laïcité, mot dont les faits montrent qu’il est souvent vidé de sens.