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Macron, prêt à faire bouger les lignes... ?

jeudi 30 septembre 2021, par Robert POLLARD

MACRON, PRÊT À FAIRE BOUGER LES LIGNES (Les Échos.fr 7/09/2021)
Les lignes ou les tables ? Les lignes de la retraite qu’ils appellent « les régimes spéciaux », les travailleurs du métro abandonnent leurs postes autour de 56 ans (Les Échos), or, même si elle n’a plus d’oreilles, la France a besoin de bras, un employé du métro enterré et cerné par le bruit — j’en ai connu qui étaient devenus aussi sourds que des canonniers — doit prendre sur lui et pour un salaire très “raisonnable“ qui n’amputera pas les profits, continuer de marner, bosser, travailler : très spécial ce régime en effet. La SNCF, ce qu’il en restera d’ici peu, subit les mêmes contraintes, choisit la même solution etc… Surtout qu’il s’agit de privatiser tout ou partie de ces entreprises publiques il serait donc pertinent de prendre ces décisions de suppression des régimes dits spéciaux pour ne pas gêner les repreneurs éventuels.

Ce qui n’a apparemment rien à voir avec la stratégie des banquiers… faisons pourtant ce qui pourrait relever du tête-à-queue raisonné, et jetons en pâture ce titre dans Le Monde du 7 septembre : « Économie : les banques sont accros aux paradis fiscaux » : « Une étude publiée le lundi 6 septembre par l’Observatoire européen de la fiscalité révèle que les banques de l’UE profitent des paradis fiscaux pour réduire considérablement leurs impôts  » ce qui grève la budget de 3 à 5 milliards d’euros par an, s’ensuit un bavardage pour la transparence, tout simplement parce qu’il se trouve que neuf banques ne touchent pas à ces pratiques. Encore que, sur les neuf, la Société générale, par exemple, s’adonne à quelques joyeuses combines avec ses filiales tchèques, de quoi faire se retourner Vaclav Havel dans sa tombe… Qui plus est « Le secteur bancaire européen continue les financements polluants » mais promet que tout cela finira en 2050. J’aurais aimé voir ça mais, hélas, je ne crois pas “aux forces de l’Esprit“ !

A la suppression des « Régimes spéciaux » devrait répondre la suppression du régime (très) spécial de la propriété privée des moyens de production, seule conclusion raisonnée, ultime, à laquelle adhérer… au moins en ce qui me concerne. Je ne crois pas être le seul, tant s’en faut, mais l’affirmation est peu usitée sur le forum : on y pense toujours sans oser y croire vraiment ; pourtant ce silence, ce dogme inversé du capitalisme est en soi, absolument, la seule issue possible pour pouvoir enfin passer à autre chose. D’en parler clairement, sans détour permettrait probablement d’en apercevoir le sentier et de comment s’y prendre pour y cheminer, sans jamais de garantie sur l’issue néanmoins… Ce n’est pas faute de tourner autour, de minauder dans le fossé à propos du “Système“ qui serait déréglé, ou même inadéquat, beaucoup s’en plaindront parmi les plus en vue à la télé, qui demandent purement et simplement son éradication sans que pour autant rien ne se fasse. On finit toujours par deviner que l’injonction, le reproche ne sont qu’un décorum, une facilité électoraliste dans le meilleur des cas, une profonde duplicité dans la grande majorité des interventions publiques. Il se pourrait, en politique, que ne sachant plus quoi faire de vrai, les élus et leurs accompagnants soient occupés à y faire leur danse, n’être plus que des joueurs entraînés aux joutes oratoires de tristes et poussiéreux gladiateurs. L’abstention pourrait témoigner d’un désintérêt du citoyen qui penserait à autre chose quand on lui demande de choisir entre les beaux parleurs — non sans le menacer du pire dont il serait justement responsable — alors, me semble-t-il, que le “Citoyen“ cherche la réponse à ses questions : il ne détourne pas son regard, il le porte ailleurs…

L’abstentionniste que voit-il, qu’entend-il ? Michel Barnier, perdu de vue depuis ses aventure européennes et procédurières d’avec l’Anglais, revient sur le devant de la scène française avec ses propositions tout ce qu’il y a de plus conforme à la doxa de la droite concernant notamment le sort des exilés venus du Moyen Orient ravagés, fracassés, invivable pour tout dire : on les renvoie et, pour ce faire, la France doit retrouver sa souveraineté. L’immigration, cheval de bataille pour l’élection présidentielle pour laquelle il sera candidat. Mais aussi Cheval de Troie potentiellement déposé devant le siège de l’Éducation nationale : « Faisons de l’éducation la grande cause nationale du prochain quinquennat  », c’est trop d’honneur ça, Sieur Barnier. En l’occurrence, pour tout ce qui concerne la jeunesse et les enseignements qu’elle mérite, Barnier n’avance pas dans le désert. Il y a du répondant au Medef, les grandes personnes du CAC40 ont leur petite grande idée derrière la tête. François Xavier Bellamy, philosophe, député européen sur la liste LR, qui eut quelques déboires politiques sans grande signification, pourra lui apporter des réponses circonstanciées du genre de celle-ci : « Il (Bellamy) prône aussi une augmentation du salaire des enseignants à hauteur de 20% en moyenne. Pour cela, Bellamy propose de réduire significativement la part du personnel administratif  » (Valeurs actuelles 09/09/2021). Peut-être y aurait-il matière à réveiller les abstentionnistes des catégories menacées ? Ou bien s’agit-il d’une grossière provocation, manœuvre jubilatoire de la part d’un personnage amère depuis sa défaite aux européennes, si défaite il y a ?

Peu nous importe, Barnier est là qui reprend le flambeau et repart à l’attaque avec le charabia chantourné très particulier, d’un tacticien qui a blanchi sous le harnais. Il écrit dans Le Monde du 14 septembre, à propos de ces fameuses rémunérations, qu’elles « devront être alignées sur le niveau observé dans les autres grands pays. Le financement en sera possible en redéployant les ressources accaparées par les fonctions support et l’administration plus lourdes chez nous que partout ailleurs. » évidemment quand Bellamy joue de la grosse caisse, le Barnier premier violon lui donne une leçon de pipo tout en douceur. Il se permet de préciser l’orientation réelle de ces mesures gratifiantes en ces termes, « …valoriser les filières professionnelles qui donnent accès à des emplois utiles  » sorte de palimpseste dans lequel la prose recouverte dit : développer un maximum l’apprentissage sous toutes ses formes dès « 14 ans », libérez les lycées de leurs élèves surnuméraires issus de classes sociales non éduquées, ou mal éduquées, les autres, les plus favorisés d’entre eux étant promus au niveau d’emplois… inutiles

À moins qu’il ne s’agisse d’emplois utiles à ces jeunes crétins qui autrement se perdent en vaines rêveries excitées par les drogues et l’alcool, les caser là où ils seront plus facilement contrôlables, tenant compte d’une échelle des valeurs de la crétinerie en faisant remonter les moins atteints à des postes de responsabilité subalternes, quand se manifeste le besoin de situer les limites à ne pas dépasser et que la chiourme est disposée le long de ces frontières, ceux qu’autrefois on nommait “Contremaîtres“, ceux qui sont à côté du Maître en lui étant inférieurs mais fidèles. Ceux qu’on aura affublés de noms d’emprunt comme Agent de maîtrise, Chefs d’équipe… Point n’est besoin d’études très supérieures pour en arriver là au contraire, on s’en convainc facilement. Économiquement parlant — puisque c’est ainsi qu’est représentée la pensée des penseurs actuels, qui surfent sur trois aspects de la vie : l’économique, le politique, le social-sociétal — économiquement donc l’emploi utile est aussi, et surtout aux yeux du patronat, la meilleure façon de “générer“ des emplois peu rémunérés tout en exigeant une rentabilité maximum.

L’enseignement en général, au moins jusqu’à la fin des études secondaires, avec un bac démonétisé s’entend, est donc la pierre angulaire de la stratégie de la Bourgeoisie au pouvoir, les hommes et femmes au pouvoir, triés sur le volet, chargés de trouver les modes d’applications les plus efficaces et les plus rapides pour mettre en mouvement ces stratégie à moyen terme. Ils ont et auront de plus en plus recours à l’enseignement privé, le plus souvent confessionnel, qui chaque jour gagne en autonomie et prend ses aises. Le secrétaire général de l’Enseignement catholique dans une conférence de presse du 23 septembre déclarait, histoire de bien fixer les bornes de l’action catholique, « « Nos personnels ne peuvent pas suivre la formation sur la laïcité proposée aux enseignants du public simplement car nous avons une manière différente de vivre la laïcité dans nos établissements. » (UFAL FLASH 29/09/2021) et, en ce domaine, Barnier est très précis, minutieux même : Nous devons donner une véritable liberté aux chefs d’établissement, notamment pour recruter les équipes éducatives les mieux adaptées à leurs élèves et pour nouer des partenariats avec les collectivités territoriales et les acteurs privés. (Le Monde 14/09/2021) Il est presque seul à le dire avec autant de clarté aujourd’hui, mais on se doute qu’il n’est certainement pas le seul du sérail et même un peu au-delà, à le penser très fortement. La réforme marche sur ses deux jambes , laïcité démantelée et statut des enseignants pulvérisé. Formation de la jeunesse à la botte, la cravache n’est pas si loin que ça…

On peut le constater, les lignes bougent, ondulent, se brisent avant même que Macron — pas forcément en odeur de sainteté dans les sphères du pouvoir — ait pris le futur entre ses mains. Serait-il déjà inscrit par pertes et profits dans la comptabilité patronale ? Ils seraient ingrats mais c’est bien là leur nature. Dans ce contexte qui a envoyé Z comme Zemmour au casse-pipe ? Pour y faire quoi ? Bonne question en effet, surtout dans une perspective aussi sombre ou aussi “technique“ qui réclame une connaissance approfondie du “Système“ dans son ensemble, à en croire Pierre-Yves Gauthier président d’Alpha Value (voir internet) cité par Les Échos du 28 septembre : Il ne peut pas y avoir de croissance tout en protégeant la planète. Le coût de cette protection promet d’être exorbitant pour les actionnaires, ceux-là même soucieux de mieux faire et pressant les dirigeants d’agir.

C’est l’évidence, si l’Actionnaire, avec un grand A, demande encore plus de bénéfices… Il va falloir beaucoup, beaucoup de lucidité à celles et ceux qui auront décidé d’aller voter pour élire un président alors même que ne sont même pas pris en compte les votes blancs, par exemple. La Vème “république“ (ici le mot écorche la réalité) arrive au bout de sa fonction anti républicaine et autant dire de son profil bonapartiste elle se prépare à sauter le pas vers l’aventure autoritaire structurée et clairement annoncée. Seule réponse possible et urgente, le remplacement par une autre Constitution issue d’une Assemblée élue à cette fin. Discuter sur les modalités de cette élection suppose que la question soit déjà ouvertement posée.

Robert