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2022 : droite, gauche, des étiquettes dénuées de sens

jeudi 4 novembre 2021, par Denis COLLIN

Les sondages se succèdent à un rythme soutenu. Les magazines et émissions de télévision font leur « une » sur Eric Zemmour et la gauche est en pleine déconfiture. Il paraît même que les différents partis ont déjà fait une croix sur la présidentielle et se battent comme des chiffonniers pour les circonscriptions législatives. Ici et là, des voix s’élèvent encore pour demander un « candidat unique » de la gauche, mais le cœur n’y est pas. Paradoxalement, derrière les rideaux de fumée des médias, les inquiétudes des Français sont à cent lieues du spectacle politique. L’hôpital traverse une crise profonde : les lits ferment en cascade en raison de la politique gouvernementale, des suspensions d’infirmiers et de médecins hostiles ou « passe sanitaire », des démissions de personnels soignants. Des services entiers sont au bord de la rupture. La flambée des prix de l’énergie et la reprise de l’inflation rabotent le pouvoir d’achat des travailleurs, pendant que les profits du capital continuent leur montée vers le ciel ! Interrogés par les sondeurs, les Français mettent en tête de leurs priorités la défense du pouvoir d’achat et de l’emploi et le système de santé. Plus que jamais, ils sont pour la défense de notre système de protection sociale et s’inquiètent de la réforme des retraites projetées par les principaux candidats et qui risque d’être saignante. Logiquement, la gauche devrait avoir un « boulevard » pour les élections prochaines. Mais il n’en est rien.

Il n’en est rien parce que la gauche n’existe plus. Ou plus exactement , ce que l’on appelle « gauche » aujourd’hui n’a plus de rapport avec ce que l’on désignait par ce terme jusque dans les années 1980. La gauche était l’alliance plus ou moins conflictuelle entre les partis du mouvement ouvrier (socialistes ou communistes) et la fraction laïque, anticléricale de la bourgeoisie qui avait formé la colonne vertébrale du radicalisme. Cette alliance s’est nouée au moment de l’affaire Dreyfus. Le « programme commun de la gauche » signé entre Georges Marchais et François Mitterrand a été à la fois le projet le plus ambitieux de cette gauche et son dernier chant.
La colonisation du Parti socialiste par la « deuxième gauche », rocardienne et CFDTiste, a préparé la suite : les années 1980 ont été le théâtre d’une transmutation du PS qui a abandonné progressivement toute référence au socialisme pour faire de l’Europe des européistes sont horizon historique. Pendant ce temps le déclin du PCF a laissé sans contrepoids la « deuxième gauche » qui, sous l’égide de Delors et d’une partie des mitterrandistes (de Fabius à Bérégovoy), a démantelé tout ce qui protégeait encore la France de la « concurrence libre et non faussée ». Sur le dernier sursaut que fut « la gauche plurielle », je ne peux que renvoyer au livre coécrit avec Jacques Cotta, L’illusion plurielle. Pourquoi la gauche n’est plus la gauche (éditions JC Lattès 2001). Je ne compte déjà plus Hollande dans les « expériences de gauche ». Jacques Cotta a très bien montré ce qu’il en était dans L’imposteur (Balland, 2014).

Faisons l’état de forces « de gauche ». Le PS reste un réseau d’élus mais n’est plus un parti, parti qu’il est pour rejoindre les radicaux de gauche dans la marginalisation. Le choix de Hidalgo, archétype de la gauche « bobo » parisianiste qui peut dire et faire à peu près n’importe quoi et de préférence le pire, vient couronner cette autodestruction qui a commencé sous la présidence de Macron et a trouvé une première explosion lors des primaires de 2017. Après avoir assisté à la désignation de Hamon, tous les barons socialistes ou presque se sont ralliés à Macron, un transfuge du gouvernement Hollande promis au sort que l’on sait. Exit donc le PS.
Les Verts n’ont pratiquement aucun rapport avec ce qu’était traditionnellement la gauche. Ils rassemblent une fraction des classes éduquées, assez aisées pour faire ses courses dans les boutiques « bio » et bien décidées à remplacer le vieux capitalisme qui pue par le capitalisme vert. En chemin, ils cherchent à agglomérer tous les cinglés du mouvement « woke » et dingues dans le genre de la malheureuse rivale de Jadot, madame Rousseau. Les Verts sont en réalité un courant du macronisme. Macron en a déjà absorbé une partie et Jadot est candidat pour entrer au gouvernement avec quelques-uns de ses potes après l’élection de 2022.
Le PCF : on pouvait penser que le nouveau ton adopté par Fabien Roussel était de bon augure. Plus de laïcité, moins de concessions à la « gauche sociétale », un retour aux préoccupations des travailleurs, y compris sur la sécurité et sur l’immigration. Mais Roussel n’est pas seul. Une partie du PCF (les Ian Brossat et tutti quanti) est ralliée la « gauche sociétale », à laquelle Roussel doit aussi faire des concessions. Et surtout sa candidature ne peut être qu’une affirmation solitaire, sans volonté de rassemblement, un ultime sursaut pour sauver ce qui reste des bijoux de famille du PCF.
Je laisse de côté LO et le NPA. LO est malgré tout plus sympathique que le NPA parce que plus ouvriériste et plus laïque. Mais ces groupes comptent pour des prunes et feront comme toujours de la figuration – ce n’est même pas sûr pour le NPA parce qu’il lui faudra franchir l’obstacle des 500 signatures.
Reste Mélenchon et ses troupes gazeuses, hier sous la bannière de « la France insoumise » aujourd’hui rebaptisée « Union populaire ». Mélenchon est la grande occasion perdue. Il a fait une belle campagne en 2017, dépassant le traditionnel discours et les traditionnels codes de la gauche pour s’adresser à la nation. Il avait sorti les drapeaux tricolores et la Marseillaise, exalté la patrie et la défense des acquis sociaux. Les études d’opinion montrent qu’il avait su faire basculer en sa faveur une masse importante de l’électorat de gauche, une partie de l’électorat populaire FN-RN et pas mal d’abstentionnistes. Au soir du premier tour, la voie était tracée : avec 19 %, il avait remporté une victoire éclatante, non contre Macron, mais contre le défaitisme et la décomposition politique et morale de la gauche. À partir de là pouvait se constituer un puissant parti du peuple travailleur, un parti large, pluraliste, démocratique qui pouvait prendre le relai de la défunte gauche. Malheureusement, Mélenchon est bon pour faire des discours mais possède un art qui n’est qu’à lui de saboter ses propres constructions. La structuration de LFI en « groupes de base » aussi éparpillés que possibles (même une fédération locale était interdite !) afin d’assurer le caractère « gazeux » de ce mouvement et l’impossibilité que s’y mène quelque discussion politique que ce soit. La police politique interne, assurée par Manuel Bompart a eu tôt fait d’éliminer les éventuelles paroles discordantes. Le responsable de la commission « agriculture », un fidèle mélenchoniste, fut tout simplement « licencié » par un tweet pour avoir signé un rapport qui défendait l’élevage au moment où l’abruti animaliste Bastien Lachaud menait sa croisade… Semaine après semaine s’égrenaient les exclusions, les ruptures, les dissolutions de groupes indociles : Kuzmanovic, Cocq, Girard, Liem Hoang Ngoc, etc., vieux mélenchonistes et socialistes frondeurs étaient tous « mis en dehors » de LFI. La ligne gauchiste l’emportait à l’automne 2017 ainsi que le ralliement aux islamistes, culminant dans la manifestation du CCIF du 10 novembre 2019. Les résultats de LFI aux Européennes furent le prix du ralliement au GUE (comprenant Tsipras). Manon Aubry, la tête de liste est typiquement une « européiste de gauche » et n’a plus grand-chose de commun avec les discours de Mélenchon pendant la campagne 2017. Persuadé qu’il a perdu en 2017 parce qu’il lui manquait 600.000 voix qui pouvaient venir des « quartiers », Mélenchon crache sur tout son passé pour conquérir ces très douteux électeurs tout en perdant la grande masse de ceux qu’il avait ralliés à sa cause en 2017. Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre, disait-on.

La gauche, c’est fini. Tout simplement. Et du même coup l’opposition droite-gauche comme axe de la vie politique française. La droite classique est en pleine déconfiture et peine à trouver un candidat. Ni Bertrand, ni Pécresse ne feront l’affaire. La droite aussi risque de se retrouver réduite à un réseau d’élus locaux. Zemmour s’affirme en avalant l’électorat de Fillon et la partie la plus bourgeoise de l’électorat lepéniste. L’opération en cours vise à faire apparaître le seul clivage politique qui plaise aux dominants : Macron contre Zemmour, « libéraux » contre « bonapartistes », pseudo affrontement au sein de la classe dominante, avec des candidats qui partagent les mêmes positions sur le plan social et divergent sur les questions « sociétales ».
L’opposition à Zemmour va devenir l’axe du ralliement de la gauche à Macron. C’est pourquoi la presse mainstream offre à l’éditocrate Zemmour une couverture digne de celle qu’a offerte en 2017 au candidat de la banque et des groupes de médias. Penser qu’on sortira de cette situation en réclamant un candidat unique de la gauche c’est rêver debout. Il faut sortir du spectacle politicien et s’adresser à tous ceux qui, quelles que soient leurs opinions sur l’un ou l’autre des pantins du spectacle médiatique, se trouvent confrontés aux fins de mois qui commencent le 10, à la crise des hôpitaux, aux fermetures d’usine, à tous ceux aussi qui se désolent de l’affaiblissement global du pays et qui en ont assez d’avoir des gouvernements qui ne sont que les petits « toutous » des États-Unis.
En parlant d’un nouveau Conseil National de la Résistance, Montebourg dit juste. Mais à la grande majorité des Français, le CNR, ça ne dit pas grand-chose ! La campagne « TER », c’est très bien, mais il faut aussi faire le « clash », taper fort sur l’UE et les traités qui nous enchaînent, ne pas hésiter à franchir les lignes jaunes établies par la caste. Comme disait le camarade Danton, il faut de l’audace, encore de l’audace et toujours de l’audace. Et il en faut vraiment beaucoup pour sortir de la nasse.

Messages

  • Bonjour. Je partage toute cette analyse, mais je m’étonne que la chute soit en faveur de Montebourg ! Lequel est aussi issu du"PS", ne veut pas quitter l’UE ni l’euro, ni l’OTAN probablement, et qui n’a aucune critique contre le capitalisme ! Il n’est qu’une nouvelle créature de la social-démocratie faillie ! Une nouvelle "couille molle" du réformisme ! Il serait temps de passer à autre chose ! La seule issue est de boycotter tout ce cirque électoral(présidentielles ) !- L’abstention aux présidentielles sera d’ailleurs massive !- et de travailler à la mise en place de COMITES LOCAUX trans-partis pour une Constituante avec des candidats aux législatives qui auront ce mandat ! jm Toulouse

  • Bonjour,
    les notions "Droite" et "Gauche" ne sont plus suffisamment pertinentes depuis que "Droite" et "Gauche" dites de gouvernement ont définitivement renoncé dans les faits à tous les aspects de notre Souveraineté (Nationale,Populaire, monétaire, etc.) au profit de diverses instances supranationales : UE, Banque Centrale, CJUE, CEDH,OTAN.
    La Démocratie est un vain mot quand les citoyens ne peuvent plus faire les lois par l’intermédiaire de leurs représentants élus car ceux-ci sont sous la tutelle d’un droit "européen" réputé supérieur au droit national.
    Sans sortie de l’UE, les gouvernements de "Droite" et surtout de "Gauche", ne pourront donc mener que des politiques sociales et économiques "libérales" ressemblantes donc contre les intérêts des classes populaires.

  • Le site « La Sociale » est pluraliste mais l’étymologie du mot choisi ne souffre pas d’ambiguïté.
    Or, quand Montebourg soutient l’implantation en France d’Amazon, prétextant que cette multinationale ne traite pas ses salariés plus mal que les autres entreprises, j’ai du mal à classer ce raisonnement de « social » Il oublie que cette multinationale s’affranchit allègrement de l’impôt ! Drôle de partage des richesses !
    Sur l’Union Européenne et l’Etat/Nation, un jour il se déclare souverainiste sur un plateau de télévision et 10 jours plus tard il affirme qu’il n’est pas souverainiste !
    Bien évidemment, chacun est libre de ses engagements personnels, mais appeler à trois reprises en quelques semaines, sous la même signature, au soutien de Montebourg n’est pas anodin, à 5 mois de l’échéance.
    Si Montebourg a besoin de bras et de cerveaux pour sa campagne, libre à chacun, cependant je ne vois pas le lien entre Marx et Montebourg, mais la politique c’est comme la religion « les voies sont impénétrables »
    Pour ce qui me concerne, je ne vois aucune candidate, aucun candidat susceptible de faire prendre une direction sociale à notre Pays.
    Cela fait bien longtemps que je ne crois plus « au sauveur »
    Je considère que le retour à un modèle proche du CNR passe par une éducation du peuple pour lui permettre d’accéder à l’émancipation dans ce monde tourmenté du 21ème siècle.
    J’ai proposé cette voie, il y a quelques mois, j’ai été poliment éconduit.
    Attention aux opportunismes, les dernières échéances ont conduit à une abstention massive. Gare aux prises de pouvoir du populisme raciste et xénophobe.
    Nous n’en sommes pas à l’abri et alors il serait trop tard de le regretter.

  • Contrairement à Jean-Michel je considère que le choix Montebourg est dans la logique du billet de Denis Collins et c’est aussi mon choix. Je crains pourtant, cette foi encore, d’être parmi les perdants des prochaines élections présidentielles... Mais la droite a, selon moi, encore une carte à jouer si elle fait le choix du candidat Barnier. C’est le seul qui, à mon avis, est susceptible de séduire la classe bourgeoise nostalgique du gaullisme et ainsi de redonner le pouvoir à la droite qui n’est pas celle du "en même temps" !

  • Pour ma part tout candidat qui ne se prononcera pas pour l’abandon pur et simple des Traités européens, abandon de l’état qui ne se prononcera pas pour la RENATIONALISATION MAIS DEMOCRATIQUE (où la voix des travailleurs sera prépondérance) de tous les SERVICES PUBLICS (Santé, Éducation Nationale,Transports,Énergie......)qui ne se prononcera pas pour la remise entre les mains des travailleurs la gestion de la SECURITE SOCIALE (Retour à la Sécurité telle que l’avait construite CROIZAT ),Qui ne se prononcera pas pour l’abandon INTEGRAL de toutes les mesures sanitaires liberticides par le remplacement du protocole RAOULT,IVERMECTINE...... (RETOUR à la liberté de soins des médecins ),qui ne se PRONONCERA pour la mise en justice de tous ces CRIMINELS (GOUVERNANTS , SANTE )qui ont laisse mourir des dizaines de milliers de patients dont le génocide des VIEUX Qui ne se prononcera pas pour l’abandon de la FEODALITE dans L’Entreprise,pour la refonte TOTALE DES MOYENS D’INFORMATION EXCLUANT LE TOTALITARISME DE L’OLIGARCHIE,ETC , ETC CE candidat n’aura pas ma voix , Car jusqu’à présent SEULS PHILIPPOT ET ASSOULINEAU ont des points communs avec mes pensées,car la pseudo gauche a TRAHI ET CONTINUE DE TRAHIR LE PEUPLE en utilisant le torchon rouge de l’extrême Droite pour se dédouaner de ses trahisons.Quand le peuple s ’abstient massivement,ce n’est pas par bêtise ou irresponsabilité mais il se rend compte QU’IL S’EST FAIT SODOMISER !!!!

  • J’avais oublié de mentionner mes coordonnées dans le texte envoyé à l’instant

  • Bonjour,

    Ce qui manque à tous ces gens de gauche bien entendu, mais aussi de droite comme Zemmour qui se complait dans un passé par définition révolu, c’est un modèle de société. Un objectif à atteindre. Vous savez quelque chose comme le Capitalisme, le Socialisme ou le Communisme.
    Macron en a un : Le tout marché, tout ouvert.
    Sauf que son modèle nous mène à la Barbarie. Le Covid en étant une des instances.
    Je n’évoque par Marine Le Pen qui n’a jamais trop su où elle habitait.

    Alors quoi ?
    Hé bien, sans vouloir faire ici part trop de publicité pour le mouvement que j’ai initié, nous avons un tel modèle. A la différence de bien d’autres, en commençant par Marx, nous posons et définissons un modèle de société nouveau (quoique) et réaliste.
    Ce modèle que j’appelle la 4ème Voie est exposé dans cette vidéo https://youtu.be/SwB14xKxAEU
    Un modèle reposant sur 2 pieds « Petite et moyenne bourgeoisie » d’un côté (typiquement de Droite) et « Salariat » (typiquement de Gauche) de l’autre. Un modèle tout à fait en adéquation avec la mort de la droite et de la gauche pointé par cet article en somme, quand bien même on pourrait y voir un paradoxe (qui n’est qu’apparent).

    Cordialement.
    Luc Laforets
    www.1P6R.org

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