Guerre et Paix
Il est une chose particulièrement étonnante dans la campagne qui s’est engagée pour les élections législatives des 12 et 19 juin prochains, c’est l’absence presque totale de toute discussion sur la question la plus importante aujourd’hui, la question de la guerre en Ukraine, commencée en 2014 à « bas bruit » au Donbass et qui a franchi un pas décisif avec la décision de Vladimir Poutine de faire entrer l’armée russe sur le territoire ukrainien. Tous les chefs des partis politiques en course pour l’élection seraient donc tellement d’accord sur l’attitude à observer qu’il ne serait même pas nécessaire d’en parler ! Rappelons simplement que le prochain gouvernement, quel qu’il soit, sera chargé au titre de l’article de déterminer et conduire la politique de la nation et dispose ainsi de la force armée (art. 20). L’idée que la politique étrangère est le « domaine réservé » de la présidence est une des âneries que vont répétant les médias et les ultras bonapartistes, mais qui est totalement dépourvue de fondement légal. Ajoutons que si la France entre guerre, un vote du Parlement est nécessaire. On aimerait bien connaître les positions des uns et des autres sur cette affaire.
Pour l’heure, sur le plan légal, nous ne sommes pas en guerre et l’Ukraine n’étant pas membre de l’OTAN, nous ne sommes pas tenus d’intervenir militairement pour soutenir son gouvernement face à la Russie. Comme il n’y a pas de résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU qui donnerait légitimité à une intervention militaire, la France est donc en paix avec la Russie. Elle peut seulement apporter une aide humanitaire. Elle peut aussi réclamer un cessez-le-feu — c’est toujours ainsi qu’on arrête une guerre, par un cessez-le feu. Ensuite on pourrait ouvrir des négociations avec quelques pays neutres, prêts à offrir leurs bons offices. Tout cela est assez simple. Ajoutons que personne ne peut vouloir l’escalade avec la Russie. On le sait, Poutine a perdu et avec lui la Russie, même s’il cherche encore à faire peur avec ses prototypes « Satan ». Mais la tentation du pire pourrait s’imposer. Il faut donc ménager à la Russie une reculade honorable, car une Troisième Guerre mondiale sur le théâtre européen serait évidemment une catastrophe absolue. Si une telle guerre éclatait, les survivants envieraient les morts.
Que cette question cruciale, reléguant très loin beaucoup d’autres, soit absente de la campagne électorale, voilà qui laisse pantois. L’attitude vis-à-vis de la guerre en Ukraine a d’évidentes implications. Pourquoi sommes-nous encore dans l’OTAN ? Pourquoi rester dans cette alliance qui ne sert que les intérêts des USA ? Pourquoi restons-nous de fidèles toutous d’un « Union européenne » qui n’est rien d’autre la continuation de l’OTAN sous d’autres formes ? On peut n’être pas d’accord du tout avec ce que je dis ici, mais ce sont les questions réelles, les questions déterminantes pour l’avenir de notre pays et de l’Europe. Même si la perspective de la guerre en Europe s’éloigne ou du moins reste cantonnée aux rives du Don, la crise économique qui a commencé risque de faire boule de neige. Que disent, que pensent nos politiciens ? Que font-ils pour alerter nos concitoyens ? Rien. Ils sont tout à leurs petites manœuvres pour sauver les postes des uns et des autres. Tout cela est pitoyable. Comment peut-on encore accorder un soupçon de confiance à ces tristes pitres employés dans un théâtre minable pour tenter de distraire les citoyens en attendant la catastrophe.
Denis Collin, le 5 mai 2022.