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Politique, politicaillerie, ou petits arrangements à "gauche"

lundi 16 mai 2022, par Jacques COTTA

Lorsqu’il a quitté le parti socialiste en 2008, Jean Luc Mélenchon a suscité un réel espoir chez des centaines de milliers de Français. Il affirmait par cette rupture son opposition au cours libéral qui s’était emparé du Parti socialiste depuis déjà quelques décennies, et son refus de continuer à participer à cette politicaillerie sans principes dont les fins de congrès du PS, marquées par des synthèses improbables, étaient devenues l’illustration parfaite.

Aujourd’hui, le leader de la France insoumise se retrouve à la tête des quelques 20% des suffrages qui se sont portés sur la France insoumises, des 25 à 30% regroupés par la « gauche » dans son ensemble. Ce score signifie sans nul doute une victoire pour le leader de la F.I., victoire acquise dans les faits sur les décombres de la gauche, toutes tendances confondues, mais victoire en réalité bien illusoire. Sur le plan électoral, la France insoumise a réalisé ses scores dans les quartiers communautarisés, notamment où l’islamisme est développé, et dans les centres-ville auprès d’une petite bourgeoisie aisée bien plus sensible à « l’anti-fascisme » clamé à hue et à dia qu’à la question sociale qui concerne les ouvriers et les salariés.

Dans ces conditions, il est probable que le mirage « Mélenchon premier ministre » une fois passé, il ne reste pas grand-chose de cette élection pour aider les couches populaires. En effet, hors d’une situation électorale, cela ne constitue pas un parti, ni même un rassemblement, ni même un "rassemblement gazeux", permettant d’intervenir efficacement dans la vie.

Une semaine seulement après les déchirements qui ont conduit à une pléiade de candidats se réclamant de la gauche pour l’élection présidentielle, après des relations tendues à l’extrême, voilà que l’unité serait retrouvée dans la perspective des législatives.

Certains se risquent à vouloir comparer 2022 à 1936, le « bloc populaire » au Front populaire. Pourtant, les deux situations n’ont strictement rien à voir.

 > En 1936, c’est sur la base d’un parti communiste et d’une SFIO très forts que se réalise l’unité, et surtout la base d’une mobilisation populaire qui loin d’être défiante à l’égard de ces partis les pousse à réaliser le nécessaire.

 > En 2022, les PS et PCF connaissent leurs derniers soubresauts avant de tomber dans la frange groupusculaire des organisations destinées à faire de la figuration.

Le bloc qui en découle est sans principes et illustre assez bien la politicaillerie que Mélenchon disait vouloir fuir en 2008. Certaines investitures sont révélatrices, de Bouhafs à Rousseau en passant par une série de verts ou socialistes macron-compatibles. Contrairement à l’argument officiel qui place le programme au centre de cette unité de façade, toutes les questions un peu sérieuses sont éludées ou ignorées, avant l’échéance électorale, tellement les positions sont divergentes.

 > Sur le nucléaire, les uns veulent en sortir, les autres renforcer le parc des centrales.

 > Sur l’Europe, les uns désirent désobéir si nécessaire, les autres faire allégeance et ne contrarier en rien la construction européenne, l’Union européenne et l’euro.

 > Sur l’Ukraine, les uns prônent une solution diplomatique lorsque les autres applaudissent la livraison d’armes aux Ukrainiens et de fait la poursuite de la guerre.

 > Sur la sécurité, les uns reconnaissent la nécessité et l’action de la police républicaine lorsque les autres ne sont adeptes que du « police partout, justice nulle part ».

 > Sur la laïcité, les uns s’appuient sur l’islamisme lorsque les autres refusent toute compromission…

 > Sur la question sociale, il y a autant de distance entre les uns et les autres qu’entre les partisans des « lois travail » socialistes et leurs opposants…

Les principes ont beau dos. Il y a fort à parier qu’une fois l’échéance électorale passée, tout cela volera en éclat. Les petites boutiques parlementaires survivront sans doute avec des groupes, des bureaux, et des moyens alloués. Mais la réalité de la vie n’aura que faire de ces représentations.

La lutte des classes, qui s’est exprimée de façon déformée sur le terrain électoral, aura tout le loisir de reprendre ses droits, rassemblant dans un même mouvement l’immense majorité des salariés, des ouvriers, des jeunes, des retraités, des travailleurs dépendants et indépendants. Comme cela s’exprime à la moindre occasion, "le plus tôt sera le mieux"

Jacques Cotta
Le 15 mai 2022

Messages

  • Tout cela est fort juste. Je ferais juste deux remarques :
    1. si on considère que la gauche possède dans son ADN l’idée d’une laïcité intransigeante, alors une grande partie des potentiels électeurs de gauche se trouve aujourd’hui au RN, et tant que la gauche ne récupérera pas ces électeurs, elle sera ultra-minoritaire et ne se comportera in fine que comme les supplétifs nécessaires pour faire élire Macron
    2. les tergiversations pour ne pas dire plus de Mélenchon sur à peu près tous les sujets, et en effet principalement sur l’Europe et l’euro, le range au rang des parasites de la République, le type qui ne sert à rien d’autre qu’à masquer l’absence de démocratie en France. Et donc cela incite à prendre la tangente et agir politiquement autrement qu’avec un bulletin de vote qui devient aujourd’hui une marque d’infamie

  • Bref mais bon résumé de ce que nous sommes nombreux a penser . Les coups bas et tordus n’ont pas fini , tout comme les calculs politiciens . Le problème est parce qu’il n’y a rien de nouveau et rien d’autre que des partis pourris et moribonds . Qu’un vrai Parti socialiste marxiste vienne et tout peut changer , ( terrain sur lequel JLM aurait dû rester ) .

  • Un grand bémol : attribuer la responsabilité de la continuation de la guerre, comme tu l’écris, à ceux qui veulent aider militairement l’Ukraine… est une inversion de la charge ! Ne pas aider militairement les Ukrainiens reviendrait à accepter l’occupation du pays par la Russie poutinienne, à condamner ses responsables démocratiquement élus à l’arrestation ou à l’exil. Ce n’est donc pas une position tenable.

    Avec ce type de position, d’ailleurs, Mélenchon est apparu à l’Assemblée nationale comme un innocent irresponsable, pas du tout au niveau. Ce fut un grand moment de révélation.

  • Tous ces partis ont un point commun essentiel qui est leur ciment : ils ont tous appelé explicitement ou implicitement à voter Macron.

  • Analyse intransigeante de la situation de la gauche aujourd’hui.
    Il nous semble, que JLM a réalisé une bonne campagne. La question d’un rassemblement dynamique des classes populaires reste la question centrale.
    Comment reconquérir les fâchés pas fachos ?
    La question sociale est centrale, ainsi que la question de la laïcité et de la souveraineté nationale.
    La question Européenne est posée, il nous semble que JLM va dans le bon sens, dans la mesure où il ne sera pas facile de provoquer un conflit avec la Commission Européenne et de le mener à bien.
    La question de la paix est liée à la souveraineté nationale, il y a une crise que JLM pourrait provoquer et qui serait rassembleuse, demander que la défense Européenne soit indépendante de toute influence étrangère.
    Chacun voit bien aujourd’hui que le conflit Ukrainien est largement imputable à la politique américaine en Europe, dont l’objectif est évident, diviser l’Europe et empêcher tout rapprochement avec la Russie.
    Ne pas comprendre cette constante de la politique américaine, c’est un déni de réalité, et signifie la soumission à l’Hyperpuissance et aux conflits qu’elle provoque et entretient aujourd’hui la Russie , demain la Chine.
    Notre intérêt et celui de l’Europe est de ne pas lier notre avenir à celui que veut nous imposer l’oncle Joe ! Sans oublier que la mondialisation néolibérale a été rendue possible par le soutien sans faille du gouvernement américain et de son allié britannique. Que les oligopoles anglo-saxons sont soutenus par l’Hyperpuissance.
    La rupture avec la mondialisation néolibérale passe aussi par une rupture avec le gouvernement américain. C’est notre intérêt et celui de l’Europe.

  • Bonjour,
    Comment toujours je partage à 100% l’ensemble de ce que vous avez exposé dans cet article. Article qui plus est complété par d’excellents commentaires.
    Il y a une base pour le Bloc Populaire posé par Jérôme Sainte-Marie. Reste à la faire se cristalliser.
    Il y a quelques pistes qui se révèlerons après dissipation de l’illusion des législatives.
    Luc Laforets
    www.1P6R.org

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