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Tant d’hypocrite sollicitude

mardi 17 mai 2022, par Robert POLLARD

Les fées Carabosse de la cinquième république se sont penchées sur les malheurs des « pauvres » et des déclassés, aux mains des vampires qui s’étouffent à gober le sang de leurs victimes. Ce sont dans un ordre improbable, le chômage, les salaires quand le chômage n’est plus là, les loyers quand les salaires sont là mais insuffisants, la qualité du logement quand tout est à peu près là sauf la qualité… Et la vie enfin, tout ce qu’elle réserve de déconvenues, d’aléatoire, d’incontrôlable dont les effets se feront sentir plus violents, plus insupportables chez le pauvre que chez le riche, le moins pauvre et le plus riche ! L’Inflation ! Calamité ici moins qu’ailleurs, en France moins qu’en Argentine, moins qu’aux USA (mais oui), mais ici moins tolérée par les habitants de certaines banlieues ou régions autrefois “ouvrières“, dans ces contrées autrefois paysannes, aujourd’hui “rurales“ qui n’ont plus de cheval pour se déplacer, ni de train mais la bagnole avec une montée vertigineuse des prix du carburant : enfin, se demande-t-on, comment se fait-il ? Qui en profite ?

Le pourquoi du comment est largement commenté par les “spécialistes“ de l’économie et du politique sur les médias audio et visuels, radios et télé, journaux avec ou sans chronique mais toujours en termes définitifs — un des meilleurs d’entre tous serait, pour moi, Brice Couturier, qui suinte ce qu’il faut de haine mal refoulée — qui dans ce domaine ressassent une doxa révérencieuse déposée aux pieds de la « Démocratie libérale », limitant les embardées possibles vers d’autres horizons « populistes de droite comme de gauche  » selon ceux et celles qui ne font pas de différence, amateurs d’amalgames hypocrites. L’ingrédient qui épice le plat principal, est le « Partage des richesses » (oubliant au passage les préconisations de la Cop 21 signée à Paris, les rapports du GIEC, longtemps méprisés par les « climatosceptiques ») ; puis viennent les subtilités du Chef, c’est selon : augmentation des salaires par différentes voies très techniques, mais qui provoquera une relance de l’inflation, réponses absconses, prenant en compte les nécessités impérieuses du Progrès, néanmoins incontournable par l’indispensable augmentation de la production pour garantir une « saine politique » de soutien de l’État qui est sensé prendre en charge cette corvée pour venir en aide à ses pauvres et déshérités “citoyens“ — on leur concède ce titre. Il est bien entendu qu’on ne verra jamais les bénéfices annoncés au gueuloir de la propagande, chacun le sait, ou presque, surtout leurs promoteurs. Qui en profite ? Qui se meut avec aisance dans ce pandémonium économique, social et politique ? Devrais-je raisonnablement m’attarder à enfoncer des portes grandes ouvertes par Marx qui développe « la critique impitoyable de tout l’ordre établi  » et dénonce « l’atroce absence d’esprit critique » chez l’économiste « vulgaire » (même élégant)… Les profiteurs profitent, ils portent des noms, ils avancent le plus souvent protégés par le bouclier de l’Entreprise qui leur coûte tant et tant de peine pour maintenir l’emploi qui est leur souci principal, permanent, qui nécessite de prendre des mesures qui leur crèvent le cœur, mais finissent quand même par licencier, et font crever en entier cœur et corps compris, à petit feu, les salariés et leurs familles. Il ne faudrait pas pour autant oublier qu’une Entreprise est faite pour faire du profit qui lui permet de vivre. Je caricature, ou du moins je simplifie à outrance étant bien entendu que tout le beau-monde vit dans un entrelac de sociétés, au travers de conseils d’administrations enchevêtrés les uns aux autres, vit même très à l’aise dans un bain de Jouvence de profits époustouflants en augmentation constante. Il suffit d’aller y voir de plus près, ne serait-ce que dans Les Echos ou Le Figaro, pour s’en convaincre.

Sur ce tissu passablement mité, vient s’inscrire l’Histoire taillée à la Hache, imparable, sur laquelle nous n’avons vraiment plus aucune prise, portée par la guerre. Aujourd’hui la guerre exportée par le nouveau Tsar, en Ukraine, terre considérée comme sacrée par Bruxelles et Washington, qui représente tout ce que Poutine n’est pas à leurs yeux : un État flanqué de sa libérale Démocratie. C’est un Monde, c’est même LE monde tel qu’il devrait être, ils s’y emploient. L’OTAN dissimule dans les plis de sa capote cette arme démocratique Libérale et, le cas échéant, létale elle propose à tous et à toutes un mode d’emploi torve à souhait : Je vous protège contre le Mal, vaccinez-vous, effet garanti. Il s’agissait d’une structure « défensive » héritée de la guerre (dite) froide, elle montre aujourd’hui ce qu’elle est “pour de vrai“ — on s’en doutait depuis le bombardement de la Bosnie-Herzégovine en 1995 — Jupiter s’est fourvoyé dans son diagnostic, la mort cérébrale n’était qu’un bon mot visant à se sortir d’une mauvaise passe par le mépris affiché, antidote à une angoisse réelle motivée par la position de la Turquie, membre de l’OTAN et menant une politique contraire aux attentes de l’Occident en Syrie, Macron tentant d’y substituer une défense européenne, remettant sur le tapis les vielles lunes de la Grande armée en Europe. Et l’article 5, s’interrogeait-il alors, ce chaînon d’une chaîne qui nous relie les uns aux autres : en cas d’attaque de l’un l’autre serait automatiquement défendu par tous les autres ? Le revoilà plus fort que jamais cet article qui devient la menace suprême contre la Russie de Poutine… et de ceux qui lui succèderont. Oubliées la Turquie dans ce maelstrom…et la Syrie…et l’Afghanistan…et l’Irak…

Au fait que sont les émigrés devenus de si près tenus hors des frontière polonaises, tchèques et autres avant guerre ? Maintenant qu’en Pologne la société civile se tient au chevet des 3 millions d’émigrés ukrainiens ? (Médiapart info 14/05/2022) Un vent mauvais les aurait emportés, tous femmes et enfants, vieillards et adolescents, hommes d’âge mûr ? Plus personne n’en parle, ne les photographie, pour certains d’entre eux, Poutine s’en était pourtant déjà occupé semble-t-il, en Syrie notamment.

Les plaies du “Système capitaliste“ sont ressenties bien au-delà de l’Europe, chacun le sait, Maghreb, Egypte, USA, Amérique du Sud, Afrique sur l’ensemble du continent… et cela quel que soit le régime politique de ces nations. Ce qui tend à prouver que ce n’est pas dans l’agencement du pouvoir qu’il faut chercher la cause de ces avatars, même s’ils sont responsables de les entretenir, de les encourager et de combattre violemment les masses qui les contestent, c’est au cœur du système lui-même , au cœur du capitalisme qu’il faut s’attaquer, c’est de ce combat que nous tirerons les enseignements nécessaires pour avancer et d’abord pour survivre. Le dogme de la propriété privée des moyens de production constitue le noyau dur de son idéologie. Par moyens de production il faut alors entendre les ressources naturelles exploitées jusqu’à leur épuisement mais aussi, à part égale, le travail qui va les transformer, les “travailleurs et travailleuses“ objet des quolibets de bien-pensants si prompts à se moquer d’Arlette Laguiller — qui pour autant ne s’est jamais départie ni de son calme, ni de sa fermeté — et de tous ceux qui s’avançaient à visage découvert appelant un chat, un chat, mettant le mot juste sur la chose juste.

Que ce soit dit avec circonspection, comme dans Respublica (15/05/2022) «  Certes, Meadows* non plus ne va pas au bout de son raisonnement, car pour rompre avec ce consensus il faut rompre avec le système social qui le porte, avec lequel il est consubstantiel : le système capitaliste. Mais cette rupture est impossible si nous n’examinons pas en profondeur… », ou avec la sècheresse d’un mot d’ordre « Pour un gouvernement au service du peuple travailleur. Un gouvernement sans Macron ni patrons !  » (La Tribune des travailleurs 11/05/2022), la question est enfin posée et va définitivement entraver et faire dérailler le blabla habituel qui ronronne chez les Adorateurs, déclarés ou masqués, du Veau d’Or.

Robert

*MEADOWS : scientifique et professeur émérite de l’Université du New Hampshire et co-auteur, avec trois scientifiques du MIT2, du Rapport Meadows en 1972, qui met en avant le danger pour l’environnement planétaire de la croissance démographique et économique de l’humanité.

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