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A coups de points

dimanche 22 mai 2022, par Robert POLLARD

« Certes, c’est dans l’habitude des boursiers d’anticiper, en achetant au son du canon et vendant au son du clairon » Éditorial Le Monde Argent 14/05/2022

Apprenez à encaisser, apprenez à prendre et rendre les coups de points d’indice : sans rien vous révéler de plus que les titres successifs des articles du Monde argent ( ici recopiés), vous commencerez à distinguer, dans un léger brouillard peut-être, à quoi ressemble Le monde d’aujourd’hui, nous devinerons celui de demain en faisant preuve d’un peu d’imagination.

Dans l’ordre donc, les titres s’enchaînent ainsi : (Page1) « Banque privée, la nouvelle donne. Éditorial, Le son du clairon. »

(P2) « Ce que nous enseignent les précédentes CRISES BOURSIÈRES. De 1929 à 2022, cent ans de krachs ont montré qu’investir sur le long terme permettait de traverser ces épreuves sans trop de pertes. »

(P3) « Des outils pour se protéger des baisses. Certains instruments financiers cotés en Bourse évoluent à l’inverse des marchés : quand ces derniers reculent, les cours s’envolent. « Ce n’est pas parce qu’on est influencé par des biais psychologiques qu’il ne faut pas investir » (Daniel Haguet professeur de finance à l’Edhec Business School). Les bons réflexes à adopter pour rester zen. Bien définir son profil, y aller progressivement, diversifier ses actifs. »

(P4) « Banque privée. Un service soigné pour des besoins particuliers. Certains (établissements bancaires sont accessibles à une clientèle aisée, quand d’autres ciblent exclusivement les grandes fortunes. Tous proposent une approche globale qui va au-delà de l’offre de produits financiers. » 

(P5) « Le défi des jeunes clients. Les nouvelles fortunes, millenials et start-upeurs, bouleversent les habitudes des établissements. »

(P6) « Les produits fétiches des banques privées. Outre un conseil plus abouti, les clients disposent d’une gamme de classements sophistiqués, avec une promesse de rendement alléchante. »

(P7) « La gestion, le savoir-faire qui fait la différence. L’ISR fait son nid. Les riches clients adhèrent de plus en plus à l’investissement socialement responsable. »

(Au mieux ils achètent la paix sociale, au pire ils ne le font que pour en profiter grassement, le mieux et le pire pourront se marier dans l’Ordre retrouvé.)

(P8) la dernière, Sur fond rouge, page entièrement consacrée à la pub pour un « courrier turbo »

À coup sûr et à coups de points d’indice boursier, si vous aviez la sagesse de respecter les préceptes de la doxa financière, le monde serait rayonnant, presque primesautier, “pas de soucis“ : investissez, investissez encore et toujours vous aurez un siècle, 100 ans de solitude chaleureuse pour vous satisfaire. Et la guerre alors… la guerre ? quelle guerre ? l’opération spéciale dirigée (et commandée) par le dernier Tsar… comme il y eut autrefois des “opérations de maintien de l’ordre“ en Algérie ? durant la Guerre d’Algérie pourrions-nous dire aujourd’hui sans risque de passer à la Gégène. Décidément, nous vivons dans un monde rationnel, oublieux, décomplexé, un chat y est un chat et la souris une souris que le chat mangea pour le plus grand plaisir de la souris reconnaissante de l’honneur…

Il existe un classement, une mise en ordre des différentes façons de croquer la souris démocratiquement : se trouve assez loin dans les rangs, la Démocratie véritable, 21 pays ; les défectueuses, 53 ; les hybrides, 34 ; celles qui n’en sont plus, les autoritaires, 59 les plus nombreuses. Dans cette nomenclature d’un genre nouveau, ne sont pas mentionnées avec précision les composants de la véritable Démocratie et nous aurons donc du mal à définir les limites de celles qui suivent. Mettons de côté les système “autoritaires“ qu’il est plus facile de distinguer au nombre d’emprisonnements et d’exécutions avec ou sans jugement, pour opinions contraires aux dogmes des dominants et des liens qui les unissent à LEUR peuple, bouclé dans la cage des traditions nationales, constitutives de leur existence réelle, qu’il ne saurait transgresser sans s’exposer à être purement et simplement dissous ! Les cuvées de lois de plus en plus acides pourraient nous permettre d’apprécier le degré de dissolution possible des oppositions et, du même coup, proposer une échelle de décomposition des Démocraties dans le monde par la mesure du PH législatif.

En somme, ici et là, les Démocraties ont tendance à être dissoutes. Soit le processus est violent, Rodrigo Duterte aux Philippines par exemple, dont on dit qu’il est avocat. Trump avec plus de complications et de freins propres à SON peuple et à sa population, l’Afrique en est saturée, l’Europe des cas intéressants qui vont d’Orban à la Pologne et autres états des Carpates dont peu de spécialistes semble vouloir éclairer les arcanes, exception faite de l’Ukraine évidemment. La guerre lui a redonné du lustre, on ne sait plus qui est qui exactement, depuis Maïdan en 2014, où se serait produit une révolution faite de confusions bizarrement mêlées entre ce qui ressemblait à du fascisme et ce qui représentait la Démocratie ; par la perte de la Crimée, après des référendums contestés plus ou moins, après le chaos en somme d’où sembla émerger un État et même une Nation qui se révèlerait pendant cette guerre-ci, voilà qui compliquerait la définition de la Démocratie et sa place dans la nomenclature. Cela pourrait vouloir dire qu’une démocratie en voie de naître est plus forte, plus unie dans ses réactions si on l’attaque que de vieilles institutions qui dépérissent et meurent démembrées et dissoutes dans l’hypocrisie et l’accaparement de la richesse au profit de quelques uns. La démocratie meurt des abus dont elle est l’objet ? Ou bien, son principe étant posé, ne se serait-elle jamais incarnée dans notre Système-capitaliste sauf sous la forme d’un alibi permettant ces excès, ces abus ?

Il y a le « contexte », le mot facile qui permet l’évacuation d’analyses trop invasives, trop profondes, tout le monde en connait la signification : tout ce qui relève de la situation, de la conjoncture, de l’entourage, en matière de Démocratie le contexte s’impose mais inutile d’insister, vous le connaissez, nous connaissons vous et moi le contexte. On effleure : aux Philippines le trafic de drogues avait atteint un niveau d’immoralité grave qui exaspérait les populations de certains quartiers pauvres — autant dire la grande majorité des villes sans épargner les campagnes — ils sont allés “spontanément“ choisir un justicier de cap et de kalache. Plus difficile est de dégager le contexte de sa propre gangue dans les USA de Trump, marre la guerre qui n’en finissait pas, marre les Mexicains qui sont des pourris finis, enfants compris de la mauvaise graine comme les Afro-américains tiens ! Pareil c’est du contexte, au-delà du texte élisons le con…enfin avec 3.000 voix de moins que l’autre, la Clinton qu’il aurait fallu juger et enfermer.

Brisons-là, et revenons à nos limites franco-françaises, Jupiter s’est décidé, il a choisi, le sous-sacre est tombé sur une femme, Madame Elisabeth Borne. Ancienne ministre désormais bien connue des salariés et des chômeurs, je n’y reviendrai pas. Alors ? Nous intéresse plus précisément le ou la NUPES de Mélenchon et ses ralliés au bras tordu du PS, du PCF, des Écologistes. Une honorable correspondante me faisait remarquer que nous étions très près, avec les NUPES d’un DUPES ! Vade retro Satanas déjà le mauvais esprit qui risque de ralentir l’élan vers… quoi au juste, on ne voit pas bien. Un Premier ministre sorti d’un troisième tour magique ? On ne sait pas mais on se prend à espérer c’est fait pour ça, c’est humain… ils sont là à nous dire — des universitaires en l’occurrence — qu’il nous faudra « réinventer un cadre » pour nous en sortir de ce piège qu’est la vie, pour échapper aux aléas climatiques, économiques, à la montée du chômage, à l’inflation, à la baisse (relative certes) des salaires et toutes ces affaires qui font mal aux pauvres.

Réinventer un cadre dans les limites déjà étroites du capitalisme c’est du perlimpinpinisme, de la poudre aux yeux : quand la raison mène la réflexion jusqu’à l’ultime conclusion, s’attaquer au capitalisme pour le détruire, l’esprit se reprend comme pour faire face à des peurs ancestrales et propose des formules alambiquées et obscures, genre « L’époque oblige à actualiser la rupture avec le capitalisme. Rompre avec le capitalisme , c’est refonder l’État social contre le marché. Mais, à l’aune des nouveaux enjeux démocratiques et écologiques, ce renouveau doit passer par les territoires… » a écrit Hervé Defalvard, un économiste de plus dans Le Monde des Idées du jeudi 19 mai 2022. Très à propos, en tête d’article, il rappelle la phrase de François Mitterrand dans son discours d’Epinay de 1971 en tant que premier secrétaire du PS : « Celui qui n’accepte pas la rupture avec l’ordre établi, avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, ne peut être adhérent au Parti socialiste » ce qui pour moi avait suffit à décrédibiliser ce vieux routier de la IVème république, auteur d’un livre pamphlet contre la cinquième république qu’il se dépêchera de mépriser, l’acrobate des jardins de l’Observatoire qui aurait échappé à un attentat d’extrême droite (la supercherie fut établie, sans trop de dommage pour son auteur) et qui gouverna comme l’on sait après s’être débarrassé de sa tunique de Nessus et des 110 propositions qui y étaient épinglées comme les médailles d’une guerre qu’il n’a jamais faite.

Que le Tonton flingueur soit resté le modèle indéfectible de Mélenchon suffit à rendre ce dernier suspect de possibles reniements avenir, facilités par l’encadrement du PS, du PCF, et et des verts ralliés, sensibles plus que tout autre, aux arguments de la classe dirigeante capable d’employer des moyens de rétorsion tout à fait légaux dans le “cadre“ des Institutions de la Vème. Il me faut revenir sur la formule autrement compliquée à décortiquer, d’autant plus qu’elle est courte et frappe comme un fouet  : L’époque oblige à actualiser la rupture avec le capitalisme, une simplicité d’évangile, c’est dire. On croit comprendre qu’à vouloir jeter le capitalisme aux orties nécessite de faire  moderne, “actualiser“ pose problème, à retardement, comme une bombe laissée sur le terrain après la guerre… c’est là-dessus que l’explosion aura lieu : on actualise comment ? Allez-y, je ne trouve aucune réponse satisfaisante à ce qui, pourtant, fut écrit pour un lecteur quelconque. Rompre ce serait « refonder l’État social(iste) contre le marché libéral » il y ajoute trois niveaux, ou trois étapes. Premier : service public ; second : sécurité sociale et retour à la retraite soixantenaire ; troisième : le salaire minimum relevant de « l’État social(iste) ». Il y a des parenthèses qui sont des mâchoires dentesques prêtes à croquer tout ce qui vient ou précède le mot. C’est le cas. Puis il ajoute, « l’État social(iste) repose historiquement sur l’alliance avec les syndicats ouvriers sur la base de la hiérarchie des normes restaurées avec l’abrogation de la loi El Khomri », ce qui pourrait vouloir dire : on abroge la Loi El Khomri et on en revient à se retrouver comme avant, autour d’une grande table des négo(ciations) entre responsables gouvernementaux et dirigeants syndicaux. Et le terrible blabla continue avec les chants révolutionnaires retaillés sur mesure pour la réalisation de la transition écologique, bataille héroïque menée dans les territoires.

La formule étant : « C’est au nom des territoires que les luttes et les alternatives se produisent désormais ». Allez donc piocher et cultiver votre jardin…

Robert