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Le front républicain est mort !

samedi 2 juillet 2022, par Jacques COTTA

La période électorale s’est achevée en véritable pantalonnade. Une pièce tragique, dont certains aspects ne manquent pas d’être comiques. Pour décor, l’Assemblée nationale, l’hémicycle, la salle des quatre colonnes. Pour acteurs, une série de députés, tous groupes confondus, chacun occupant un rôle écrit sur mesure par l’auteur Jean Luc Mélenchon et mis en scène par un orfèvre en la matière, Emmanuel Macron.

L’auteur

C’est Jean Luc Mélenchon qui tient la plume. Des présidentielles aux législatives, il a redoublé d’efforts pour entretenir ce "Front républicain" déjà moribond, faisant du RN l’ennemi principal et apportant par là un soutien indiscutable à Macron et à ses candidats. « Pas une voix pour les candidats du RN » a été son leitmotiv, appelant donc du moins implicitement à laisser élire les candidats d’Emmanuel Macron. Mais ce coup-ci, l’opération n’a pas marché.

Les électeurs de gauche notamment ont refusé pour la première fois en nombre significatif de respecter la consigne. La volonté de voir dégager le président Macron et ses « députés playmobil » a été plus forte que les incantations de Jean Luc Mélenchon, la lutte des classes plus puissante que toute vision idéologique de la situation.

En réalité, la pièce écrite par le leader de la France Insoumise a nié une réalité historique qui lui aura été fatale. Dans la parole de l’auteur, il s’agissait au nom du « Front républicain » de "combattre le danger fasciste" en permettant à tous les démocrates d’unir leur force électorale si nécessaire. L’auteur Mélenchon mettait donc ses pas dans ceux de son mentor, François Mitterrand qui avait initié dans les années 1986, lorsque se sentant menacé il permettait la progression du "Front national" de Le Pen père, et organisait la chasse à l’extrême droite en se présentant comme le rempart naturel, aidé en cela par SOS racisme et ses initiateurs. Tous les successeurs de Mitterrand ont utilisé avec succès la recette. Chirac, Sarkozy, Hollande… Et aux élections législatives, les candidats RPR, LR, UDF, PS, PCF, et autres n’ont pas été en reste.

Le « Front républicain » est décédé, car dans la situation actuelle, il est une absurdité. Le danger autoritaire existe bel et bien, et se trouve déjà à l’œuvre avec la Macronie. Mais où est donc le danger fasciste ? Les parallèles avec les années 1930, les comparaisons des électeurs du RN avec les SA ou les SS n’ont pas de sens. Un parti fasciste est l’outil du capital pour maintenir son pouvoir et ses privilèges menacés par les exploités, les ouvriers, les salariés, les jeunes, les retraités. Sa fonction revient à briser les organisations ouvrières, partis et syndicats, à terroriser les militants, à les pourchasser, à les frapper. Nul besoin aujourd’hui pour le capital d’un tel parti. L’Union européenne, aidée en cela par la droite comme par la gauche, toutes tendances confondues, s’est chargée de la tâche. Les anciens partis ouvriers, en prenant en charge la politique du capital, ont organisé eux-mêmes leur propre destruction, les rendant à l’état embryonnaire. Les organisations ouvrières sont intégrées, notamment les syndicats via la Confédération européenne des syndicats, et la terreur dans la rue a été l’œuvre de la police sur ordre d’Emmanuel Macron sans qu’aucune milice d’extrême droite n’ait eu à s’en mêler. Le "Front républicain" a mis du temps à mourir, mais il est mort, car il n’avait pas de raison d’être.

Le metteur en scène

La pièce tragi-comique qui se déroule sous nos yeux a pour metteur en scène Emmanuel Macron. Rien à la "république en marche" ne se produit sans son aval.

À peine élue, l’Assemblée donne lieu à la désignation en son sein des questeurs et pour une grande première, deux d’entre eux viennent du « Rassemblement national ». Immédiatement la NUPES en général et la FI en particulier dénoncent la droite et la majorité parlementaire relative LREM qui « ont fait sauter la digue en ne respectant pas le front républicain ». Les élus RN seraient donc selon eux ceux de la république en marche complice qui a laissé faire, n’a pas fait bloc contre « l’extrême droite ».

Le lendemain, Eric Coquerel est élu président de la commission des finances, notamment grâce à la non-participation au vote des députés LREM. Contrairement à la « coutume » instaurée par Nicolas Sarkozy durant sa présidence qui exclut du vote pour ce poste les élus de la majorité afin de le laisser à l’opposition, ainsi impliquée directement dans la gestion des affaires économiques décidée par le pouvoir, rien n’imposait légalement aux élus LREM de s’abstenir et de ne pas s’opposer à l’élection du candidat de la France Insoumise, de la Nupes. C’est donc grâce à eux, à leur neutralité bienveillante, qu’Eric Coquerel se trouve président de la commission des finances. Du coup, retour à l’envoyeur. En suivant les critiques concernant l’élection des questeurs RN, Coquerel serait donc lui aussi l’élu de la République en marche.

Emmanuel Macron fait de la politique et cela semble surprendre nos nouveaux élus parlementaires. Il tente de surmonter la crise politique -voir ici "crise politique et femmes de ménage à l’assemblée" et sa situation à l’assemblée où il ne dispose pas de majorité absolue, par des accords de circonstance. Il soigne ainsi une fois les uns, une autre, les autres. Il évoque la sécurité et déjà la NUPES y voit un rapprochement avec le RN qui démontre à qui en doutait la collusion des différentes forces de droite à l’Assemblée.
Oui, mais en même temps, le voilà qui met en avant la constitutionnalisation de l’avortement en s’appuyant de façon assez surréaliste sur la situation américaine et en la transposant en France, alors que nul ne remet en cause dans le pays la loi Veil de 1975. Au lieu de dénoncer la manœuvre politicienne, d’affirmer sans attendre que nul n’acceptera d’apporter un sursis au pouvoir en difficulté, voilà la FI qui se réjouit de la reprise d’une proposition faite en 2018, et Manuel Bompard d’expliquer que « nous sommes dans l’opposition, mais une opposition, ça ne vote pas contre tout ». De là à voir une collusion symétrique à la précédente, il n’y a qu’un pas.

Une note comique -ou presque- dans la pantalonnade parlementaire

Un mot pour un des acteurs clés de la pièce, Eric Coquerel, qui malgré lui donne la mesure de la décomposition politique qui atteint la France Insoumise et la gauche en général.

Coquerel à peine élu, Rokhaya Diallo, fer de lance de l’idéologie woke en France, racialiste et communautariste, chantre de « l’intersectionnalité », pourtant amie de la France insoumise, le met en cause, car elle "aurait entendu dire qu’il aurait eu des comportements douteux avec des femmes… Qui, je ne sais pas, mais je l’ai entendu dire".
Incroyable, non ? Elle aurait entendu dire… Et donc elle se répand sur les plateaux de télévision pour colporter.

Quel petit monde merveilleux et fraternel. Elle cherche sans doute à faire payer à la France Insoumise la décision de retirer son investiture aux législatives au militant islamiste Taha Bouhafs qui était alors suspecté de « violences sexuelles » envers des femmes. Il n’est pas inutile de rappeler que lorsque Taha Bouhafs était adoubé, ses positions politiques pro-islamistes ne posaient aucun problème dans la France Insoumise, mais qu’il était évincé « au nom de la parole des femmes ».

Et bien aujourd’hui Eric Coquerel se retrouve arroseur arrosé !

Et pour clore l’évènement Sandrine Rousseau, nouvelle députée NUPES, déclare « j’ai mis des féministes sur le coup, pour le moment, nous n’avons rien trouvé ». Quel monde idyllique que celui de la gauche où la présomption d’innocence est remplacée par la présomption de culpabilité, toujours « au nom de la parole des femmes » comme l’explique Jean Luc Mélenchon.

Tout cela n’aura qu’un temps

Le contexte économique va sans doute sonner le glas de toute cette agitation politicienne dont les auteurs semblent de plus en plus extérieurs à la réalité vécue par les Français.

Avec une inflation à 7%, sans doute plus dans les temps qui viennent, les difficultés rencontrées par des millions de Français vont se développer, mettant en cause non seulement certains aspects de la vie quotidienne, mais la vie elle-même.

Le coût de l’énergie fait du déplacement en voiture un « luxe » de plus en plus difficile à satisfaire. Sans aucun doute, l’hiver qui arrive sera froid pour la plus grande majorité.
Le coût des denrées alimentaires suit la même trajectoire.
Et dans ce contexte tous les secteurs socialisés sont durement menacés. La santé dont le pouvoir semble découvrir aujourd’hui à travers les services des urgences les difficultés. Et pour la préparation de la prochaine rentrée, l’école que le nouveau ministre « woke » de l’éducation nationale aborde dans une logique destructrice attendue. On verra ici « Quand Macron s’empare de la créolisation de Mélenchon ».

Des batailles politiques seraient à engager sans attendre. Un véritable front républicain contre les destructeurs de la république trouverait alors son sens. Mais ce front-là, nul ne l’appelle de ses vœux. Celui qui mettrait au cœur des préoccupations la nationalisation de Total par exemple dont le PDG et les actionnaires se gavent sur le dos de français, qui mettrait au cœur le combat contre la guerre, la dénonciation de Volodymyr Zelensky qui demande un armement égal pour affronter la Russie, qui mettrait au cœur la bataille pour la démilitarisation de l’Ukraine comme avancée permettant l’engagement d’une solution diplomatique, qui mettrait au cœur, sur le plan national comme international l’intérêt des Français et de la France, tout simplement.

Jacques Cotta
Le 2 juillet 2022

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