Accueil > Tribune libre > Les bras m’en tombent

Les bras m’en tombent

mercredi 6 juillet 2022, par Jean-Louis ERNIS

Je n’aurais jamais imaginé que sur un site nommé « La Sociale » je puisse, un jour, lire et entendre la satisfaction de voir le Rassemblement National, enfin le Front National et pour tout dire l’extrême droite, devenir la première force d’opposition parlementaire. Certes, je me souviens des accointances avec le fondateur de l’Université Populaire de Caen qui avait déclaré « Je n’exclus pas de voter Zemmour, s’il muscle son bras gauche »
Ce n’était donc pas qu’un dérapage incontrôlé.
Le fameux dicton « L’histoire ne se répète jamais » est donc caduc. Je me suis toujours demandé comment la gauche (une partie) avait donné les pleins pouvoirs à Pétain, j’ai aujourd’hui la réponse.
Il est consternant de devoir répéter inlassablement, preuves à l’appui, que le Rassemblement, Front National n’est pas un parti comme les autres. La dédiabolisation n’est qu’une couche de vernis qui cache l’ADN de cette idéologie répugnante. Le RN n’abrite-t-il pas des identitaires qui se font discrets pour ne pas effrayer le bon peuple, mais jusqu’à quand ? Au cours de ces dernières années, beaucoup se réjouissaient et s’abritaient derrière le plafond de verre, mais malgré un système électoral majoritaire, ce parti est devenu le premier de l’opposition parlementaire.
Hélas, la France n’est pas isolée dans cette galère. En Italie, selon les sondages, cette idéologie serait en forte progression au point qu’elle risque de devenir majoritaire aux prochaines élections nationales. En Espagne, il y aurait des négociations entre les nostalgiques du franquisme et la droite classique pour gérer une Région. Si cette situation se répand dans toute l’Europe, que feront les satisfaits du résultat des législatives du 19 juin dernier ? La menace (pour celles et ceux qui considèrent que l’extrême droite en est une) n’est pas une vue de l’esprit.
Faut-il rappeler que cette politique réactionnaire est pratiquée en Europe. Voulons-nous un régime à la Orban ou à la Kaczynski ? En Pologne, l’IVG est réduite au constat d’un acte illégal (c’est quoi un acte illégal ?) et quand la vie et la santé de la femme enceinte sont en jeu ??? (qui atteste de cela, un médecin réac ?)
Autre menace, le Parlement européen n’a-t-il pas élu une présidente anti-IVG ?
Il ne faut pas confondre nationalisme et Etat-Nation. Il est consternant de devoir le rappeler au 21ème siècle.
Quant à se réjouir de l’entrée des femmes de ménage et des aides familiales au Palais Bourbon, il faut peut-être analyser plus finement cette situation.
L’entrée de « petites mains » (J’aurais le même langage s’il s’agissait de peintres en bâtiment ou d’opérateurs sur une chaîne de montage dans le secteur automobile …) ne peut suffire à se réjouir. Un parlement national n’est pas une assemblée générale d’association de quartier. Les pièges sont nombreux. La vie de parlementaire s’apprend, surtout quand on n’est pas rôdé aux enjeux de la politique. Quelle naïveté, à moins qu’il ne s’agisse tout bonnement de perversité, de croire que des personnes, sans aucune expérience politique, élues parlementaires, dans un parti comme le Rassemblement National auront, au Palais Bourbon, toute liberté d’expression et d’action ! Dans mon département, une députée, fraichement élue, ayant pour seul bagage un mandat de conseillère municipale d’opposition dans une commune de 4200 habitants, a déclaré dans la presse locale « les finances, c’est pas mon truc, c’est pour ça qu’au conseil municipal je ne comprends pas les chiffres » !
Sans commentaire.
Et puis cela voudrait dire que celles et ceux qui sont plus haut dans la hiérarchie sociale n’ont pas de crédit pour défendre les intérêts de la classe ouvrière !
Alors, pourquoi dans nos écrits utilisons-nous l’exemple de Jaurès ?
Issu de la bourgeoisie et même de la grande bourgeoisie, confronté aux réalités de l’existence, il s’est conformé à la lutte de classes, défendant ainsi le principe de la répartition des richesses produites.
On pourrait également parler de Karl Marx, intellectuel de haut niveau, universitaire, cela ne l’a pas empêché de défendre la cause du prolétariat, au point de devenir une référence historique planétaire. Gisèle Halimi qui a eu « l’outrecuidance » d’être avocate n’a-t-elle pas défendu la cause des femmes englobant « les femmes d’en bas » ? Je suis consterné de voir la tournure que prend le débat sur l’IVG. Bien évidemment, la seule constitutionnalité ne peut suffire pour garantir aux femmes le droit à ce recours, il faut avant tout donner les moyens indispensables à l’Hôpital public. En ridiculisant l’éventuelle constitutionnalité de l’IVG, de quoi a-t-on peur ? D’obliger le RN à sortir du bois ? Mme Le Pen n’a-t-elle pas parlé de confort en parlant de ce sujet ?
Au cas où ce dossier redeviendrait parlementaire, que feraient les femmes de ménage et autres aides familiales, élues députées RN : voter pour la défense de l’IVG ou obéir à l’idéologie conservatrice de l’extrême droite imposée par la ou le Chef ? La réponse est dans la question.
Dans l’hypothèse où ce surréaliste débat ne convaincrait pas les lecteurs du danger de banaliser le Rassemblement National, prenons le sujet de la liberté de la presse.
Pour celles et ceux qui voient en Macron le diable en personne et Le Pen (la fille) l’ange adorable, il va devenir difficile de poursuivre sur cette ligne.
Macron veut supprimer la redevance télé et donc à terme privatiser les chaînes et radios publiques.
Quant à Mme Le Pen, elle veut, sans détour, privatiser l’audiovisuel public ! Ainsi, Macron – Le Pen, même combat.
Mais la connivence de ces deux-là va plus loin.
Il y a quelques jours, le porte-parole du RN expliquait que les députés du parti ne voteraient pas la motion de censure de la NUPES, mais s’abstiendraient pour ne pas bloquer les institutions !!! C’est certainement pour ça que la majorité parlementaire relative s’est organisée pour laisser des présidences et des vice-présidences au Rassemblement National !
J’ai bien conscience que ce papier va susciter quelques réactions. Il n’a pas été écrit pour provoquer gratuitement, mais pour rappeler le cadre dans lequel il nous est permis d’évoluer. Le terme « La Sociale » impose une éthique, celle de l’humanisme articulé autour de la répartition des richesses produites et de la laïcité.
Devant ce marasme, il nous revient, puisque nous sommes des citoyens engagés, de faire des propositions concrètes pour redresser la situation politique du pays faute de quoi, face à cette chienlit, le scénario est prévisible. Un homme ou une femme, qualifié (e) de fort (e) s’emparera du pouvoir, d’une manière ou d’une autre.
Lassé de tout ce désordre institutionnalisé, le peuple lui accordera les pleins pouvoirs.
Il sera donc trop tard pour réagir.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.