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Derrière la guerre… La guerre !

lundi 17 octobre 2022, par Robert POLLARD

Si tu veux faire la guerre prépare la guerre…

Attaques du régime contre les syndicats en Ukraine (L 753). Pour “après la guerre“ en quelque sorte, il faudra s’en occuper, mais le mal aura été enraciné au temps du Grand Mal, du temps de la guerre et là, pour s’en défaire, il faudra y mettre beaucoup de forces et de délicatesses en même temps ! Ou bien ce sera autre chose, une autre guerre ? Un autre combat ? Qui le sait, personne n’a jamais vraiment su prédire le futur évènementiel… Les capitalistes sont quelquefois obligés à lâcher du lest, de faire des concessions mais le rabâchage de leur subconscient adossé à leurs comptes bancaires les entretiennent dans la volonté de revenir sur chaque concession accordée sous la contrainte des “après-guerres“, c’est exactement ce qui est en train de se passer ici même, en France, sous la conduite du “Président des riches“ — et c’est en cela qu’il est leur otage-président — un peu ce que doit être Zelenski pour les riches de son pays et pas seulement de son pays sans doute. Personne n’ose, pour le moment, lui chercher des poux dans la tête, il ne perd rien pour attendre probablement : la guerre finie s’il devait être encore à son poste, le temps du “deuil“ évaporé, s’insinuera la suspicion. La critique peut-être, mais en aurait-on même besoin ? Le concert de louanges arrivé à un tel monument d’accumulations qu’un minuscule grain de sable qui le déstabiliserait, écraserait l’idole. L’hypocrisie est une arme à double tranchant. Il était donc urgent de donner des gages de sérieux dans la “gouvernance“ de Zelenski pour aussi se protéger des retours de bâton éventuels si tout devait se terminer quand il serait encore là.

En France nous en sommes justement à évaluer le type de riposte que va encourager le gouvernement et son Président, réquisitionnera-t-il ou pas, ont-ils en mémoire la réquisition de 1963 annoncée à la radio par le Général De Gaulle en personne, croyant mettre fin à la grève des mineurs et qui fut un échec grandiose… dont personne ne parle dans les Médias, ou n’écrit y compris Wikipédia ? L’Humanité est le seul journal, à ma connaissance, qui relève l’importance de cette résistance, avec ma mémoire qui garde encore le son de la voix à la radio, mémoire dont je commençais à douter ! «  La réquisition des mineurs est très grave, c’est une violation des libertés inadmissible. Il ne faut pas se laisser impressionner par le gouvernement, il faut mettre le paquet ! Que chaque fédération prenne donc des mesures concrètes.  » écrivait Benoit Frachon, secrétaire général de la CGT, poussé par les travailleurs et les travailleuses, les femmes de mineur particulièrement, sorte de baromètre mesurant la puissance d’une grève : tenant le plus souvent les cordons de la bourse pour gérer le ménage, leur soutien était un signe décisif et un encouragement à la poursuite d’un mouvement. Poussées également, les directions syndicales, par la solidarité pleine et entière de la population sur tout le territoire, de cela ma mémoire garde la trace indélébile. Le régime céda au final, tout en se ménageant des portes de sortie comme il se doit dans une bataille de cette ampleur.

Il y a donc bien, en apparence et en apparence seulement, deux conflits juxtaposés : l’Ukraine ici, les grèves dans les raffineries là, chez nous, grèves qui menacent de s’étendre à d’autres secteurs et, qui sait, à d’autres pays européens. Ici un pays, une nation complètement submergée par les destructions massives que subissent les populations les plus exposées, les pas très riches, les pas riches du tout mais toutes et tous payés pour vendre leur force de travail au capital, ou devenir “soldats“ pour la défense… de la patrie, alors qu’on sait depuis déjà presque deux siècles que « les Prolétaires n’ont pas de Patrie », du moins celle pour laquelle ils seront envoyés se faire tuer. S’ils se battent ce serait pour autre chose, pour leurs libertés et leur dignité, cela ne fait pas de doute. En grève ? Le problème est le même, dans son principe, que derrière un fusil : le PDG de Total en 2021 avait vu sa “rémunération“ augmentée de 52%, à 6 millions d’euros, insituable sur l’échelle des rémunérations du groupe. Le PDG est un marginal. Sur la pleine page une augmentation de 10% est inconsidérée aux yeux des membres du Conseil d’administration. En France Le Monde du 11 octobre semble exprimer le fond des pensées gouvernementales quand il écrit « Un gouvernement inquiet qui tente de déminer la situation », tenter n’est pas gagner en l’occurrence, surtout que dans les rangs même de Renaissance (le nouveau nom des “Marcheurs“), Patrick Vignal, (député Renaissance de l’Hérault) se demande « comment peut-on ensuite convaincre les Français à qui on demande des efforts (quand le PDG s’octroie 52% d’augmentation) alors qu’il y a une forte inflation et qu’on va réformer les retraites. Il ne faut pas qu’on attende que la rue se mobilise pour intervenir ». (Le Monde id°). La Confédération européenne s’alarme du sort réservé aux syndicats en Ukraine, Zelenski est occupé à autre chose, il peut détourner son regard, il est en représentation il n’aura rien vu quand la question lui sera posée. Rien vu, rien entendu : la fumée, le bruit des bombes… mais il aura quand même eu le temps de couvrir l’opération spéciale contre les syndicats ukrainiens. L’artiste, s’il y a artiste, est là dans cette composition qu’on pourrait appeler un plan-séquence-libéral.

De notre côté où en sommes-nous quelques jours après que cette lettre ait été commencée ? Le Dimanche 16 n’a pas encore fait son entrée, la manifestation rassemblant la majorité des forces syndicales et politiques qui y participent n’a pas encore eu lieu quand ces mots, ces lignes, ces phrases viennent d’être écrites. Des informations semblent dire que la grève commence à s’étendre, la greffe pourrait prendre : depuis une raffinerie importante comme celle de Donges est en grève à une très forte majorité jusqu’au nucléaire qui soutient la grève , Rennes où Stellantis (anciennement PSA) ont débrayé, Toulouse des salariés d’une usine liée à l’aviation, jusqu’au port de Marseille où les dockers déclarent soutenir les grévistes des raffineurs et préviennent qu’à Marseille comme au Havre, ls seraient prêts à intervenir physiquement si les réquisitions avaient lieu, SNCF où le climat est de plus en plus hostile semble-t-il et favorable à la grève… et d’autres encore. Mais, pour le moment, sans lyrisme constatons que certaines raffineries du Sud ou bien n’ont jamais cessé le travail (Lavéra) ou on repris le travail après une accord sur une augmentation des salaires de 7% — ce qui n’est pas sans rappeler les accords de Grenelle en 1968 quand des augmentations de même importance furent lâchées par les représentants du patronat qui anticipaient sur leur récupération qui eut lieu en effet à peine 10 ans plus tard — donc des fissures apparaissent dans le bloc syndical. Vont-elles s’élargir au point de briser l’unité, une partie de la question est là, évidemment. En contre partie cet appel signé par 8 organisations syndicales y compris les organisations lycéennes et étudiantes : « Que ce soit dans les raffineries, l’agroalimentaire, les crèches, les transports publics, l’énergie et nucléaire, les organismes sociaux, les banque-assurances, les services informatiques, la maintenance industrielle, l’éducation, la santé, le commerce, la métallurgie… les salarié.e.s de très nombreux secteurs professionnels se mobilisent depuis des mois dans leurs entreprises ou leurs services pour revendiquer et gagner de légitimes augmentations de salaire, de meilleures conditions de travail, des emplois de qualité. Les jeunes se mobilisent aussi, pour leurs conditions de vie et d’études ainsi que pour une réforme des bourses ambitieuse Le 18 octobre, elles les organisations syndicales et organisations de jeunesse s’engagent à organiser partout avec les jeunes et les salarié.e.s des différents secteurs professionnels des mobilisations et actions, dans les entreprises et les services. », longue citation sans doute mais à la hauteur de l’enjeu. Le mépris de 68 et des soixante-huitards pourrait disparaître, le sourire condescendant serait remplacé par la grimace crispée de quelques censeurs désabusés et vitupérants… Quelle suite ? C’est à voir. Bien que, pour Rosa Luxembourg , « On ne décrète pas une grève de masse », au moins doit-on en soigner les prémisses.

16 et 18 octobre, accrochées au 13 mai 1968 pour encore plus loin, un plus grand voyage ? Lyrisme incongru peut-être, mais réel 2 jours avant l’envoi !

Robert