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Premières leçons du combat contre la réforme des retraites

mercredi 15 mars 2023, par Jacques COTTA

A l’heure où j’écris ces quelques lignes, le sort de la réforme des retraites d’Emmanuel Macron n’est pas encore connu. Adoption à l’assemblée nationale après le Sénat grâce au vote des députés LR, utilisation de l’article 49-3 par le gouvernement pour imposer sans vote la loi macronienne, dépôt d’une motion de censure ou de plusieurs au résultat incertain… Quoi qu’il en soit, on peut sans risque de se tromper tirer quelques leçons des semaines écoulées pour permettre entre autre de se projeter dans l’avenir qui de toutes les façons sera politiquement et socialement agité.

Les manifestations ont été massives dans toutes la France, s’inscrivant en province dans la continuité de l’irruption populaire connue lors du mouvement des Gilets jaunes. La volonté exprimée dans les sondages d’opinion —de 80 à 90% des Français pour le retrait de cette réforme— a tenu sans fléchir face à l’obstination de l’exécutif. Alors que les discours n’avaient pas manqué pour promettre la fin durable des mobilisations populaires après la répression subie par les Gilets jaunes il y a quatre ans, la lutte des classes a déjoué les prévisions des oiseaux de mauvais augure.

L’avenir risque fort d’être agité. Avec l’inflation, la hausse des prix des produits de première nécessité, la difficulté pour des millions de finir le mois, la hausse du cout de l’énergie, l’impossibilité de se chauffer, de se déplacer, de se soigner, la mise à mal des services publics les plus indispensables, avec les nouvelles initiatives gouvernementales sur le front de la protection sociale et du travail notamment, ce ne sont pas les débats idéologiques mais les conditions matérielles, la défense des intérêts vitaux de millions de citoyens mis à mal par la volonté d’une petite minorité aux ordres du capital et de l’union européenne qui préparent agitation, manifestation, révoltes, voire révolution…

Pourtant, l’appel au blocage du pays et à la grève a reçu une réponse mitigée. Les difficultés financières bien sûr ont pesé sur les capacités à cesser durablement le travail. Mais n’existe t’il pas aussi une raison politique ?

Cette réforme, dite « réforme Macron », puis « réforme Macron-Ciotti », est au point de départ la réforme « Hollande-Touraine-Macron » . Il s’agit d’une réforme politique. La volonté de repousser l’âge de départ à la retraite incarne le combat acharné de toutes les forces par le passé pour frapper la classe ouvrière, les salariés, les jeunes ou retraités. Les renoncements, trahisons, capitulations de la gauche ne sont évidemment pas sans effet.

La responsabilité des chefs politiques et des partis traditionnels dans la perte de confiance et la division des travailleurs est aussi celle des responsables syndicaux. L’unité affichée par les leaders de la CGT, de la CFDT et autres à la tête des manifestations est l’apparence des choses.

La véritable unité qui pèse est celle qui rassemble les leaders syndicaux dans la confédération européenne des syndicats, bras armé de l’Union européenne dans le monde du travail. La classe ouvrière ne peut affirmer sa force qu’à travers des organisations indépendantes du capital et du gouvernement. L’indépendance de classe, voilà le problème…

La force de Macron, dont la faiblesse objective est évidente, réside dans l’absence totale de toute alternative politique. Le wokisme de la FI et de la NUPES un jour, son discours radical un autre, ne peuvent convaincre personne. Macron le sait et en joue. Pendant qu’il offre les retraites au groupe LR, le voilà qui propose l’inscription du droit à l’avortement dans la constitution, cela pour satisfaire la FI qui en faisait une question identitaire, alors que nul ne se propose en fait de revenir sur ce droit fondamental et élémentaire.

Cette question mêle d’ailleurs le politique au syndical. Tous les responsables ont appelé hier à « voter Macron » contre le « danger fasciste incarné par Le Pen ». En réalité c’est à eux, les « chefs » de la gauche entre autre, que nous devons Macron et la réforme des retraites. Cela pèse dans une partie des couches populaires qui a le sentiment d’être tout de même prise pour le dindon de la farce.

Et la démocratie ?

La démocratie est battue en brèche. Le caractère totalement antidémocratique de la 5e république dont les institutions permettent, à coup d’articles que l’on découvre jour après jour, de faire passer contre la volonté populaire les lois du président Bonaparte, apparait au grand jour.

La gestion de la réforme des retraites par l’exécutif ne sera pas sans conséquence dans l’avenir. La « violence » macronienne, permise par l’application des institutions, prépare la victoire de Marine Le Pen en 2027, et lui laissera un système avec un Elysée puissant, sans contrepouvoir.
Si la situation va jusque là, les mêmes qui se sont affirmés comme « le rempart à Le Pen », qualifiant le RN de parti fasciste alors qu’il s’agit d’un parti de la droite autoritaire comme il en existait à droite du RPR des années 1980, et qui ont ainsi justifié leur choix pour Macron, préparent simplement le lit de la responsable du Rassemblement National.

Mais rien ne dit que la situation ira jusque là.

La 5e république est flageolante, les forces sociales sont en mouvement, et la situation, quelle que soit l’issue sur les retraites, demeure bien imprévisible…

Jacques Cotta
le 15 mars 2023

Messages

  • La "réforme" des retraites se nomme en réalité réforme Macron-UE-Black Rock. Sans me prendre pour Mme Soleil, je peux déjà annoncer sans risque que les différents prétendants à la succession de Macron, s’ils ne décident pas d’inscrire dans leurs programmes respectifs qu’il faut rapidement quitter l’UE, l’Euro, etc., seront immédiatement contraints par Bruxelles et Francfort, de se "tsiprassiser" en cas d’accession au pouvoir en 2027.
    Tout le reste n’est que baratin pour berner les gogos !!!
    PS : Il faut quand même rappeler aux citoyens la responsabilité des dirigeants des partis de "Gauche" et de la plupart des syndicats affiliés à la Confédération Européenne des Syndicats (CES), dans le renouvellement en avril dernier du mandat de Macron, alors que tous connaissaient bien son programme en matière de retraite.

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