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Vivre sur la bête !

jeudi 5 octobre 2023, par Pierre DELVAUX

Après les négociations annuelles de l’Agirc-Arrco, le pouvoir macroniste osera-t-il appliquer sa méthode aux retraites complémentaires ?

Si le funeste projet gouvernemental a été repoussé dans la négociation annuelle de l’Agirc-Arcco, la vigilance s’impose car il risque de revenir à la faveur du prochain PLFSS. Après avoir drastiquement réduit les droits des demandeurs d’emploi pour lesquels ils avaient cotisé [1], après avoir liquidé les régimes spéciaux gagnés de haute lutte par diverses corporations, l’exécutif lorgne à présent sur les réserves des retraites complémentaires. Dans une fuite en avant erratique pour compenser très partiellement la descente du P.I.B par habitant [2] provoquée inéluctablement par la politique de désindustrialisation mastrichtienne, l’exécutif a recours aux expédients les plus cyniques. L’un des derniers en date est la ponction des réserves de l’Agirc-Arrco.

Après avoir des mois durant expliqué aux Français que le renoncement à deux années de retraite constituait une garantie d’équilibre du régime, l’exécutif n’hésite pas, toute honte bue, à réclamer aux salariés une part des réserves de leur caisse complémentaire !

Rappelons déjà que les salariés futurs retraités ont été soumis à une grande abnégation depuis plusieurs années : selon la CGT, en 1993, 100 euros de cotisation donnaient droit à 11,94 € de pension à l’Agirc et à 11,17 € de pension à l’Arrco Aujourd’hui, les mêmes 100 euros ne donnent plus droit qu’à 7,43 €, les deux caisses ayant fusionné en une seule. Soit une baisse de 40 % [3].

Pour autant, la gestion paritaire par les syndicats de salariés et patronaux a permis de maintenir cette caisse complémentaire en bien meilleure situation que le budget de l’Etat français. En 2022, l’Agirc-Arrco dégageait plus de 5 milliards d’excédent auxquels s’ajoutent 68 milliards d’euros de « réserve » (correspondant à 9 mois de versements, au-delà des 6 mois de sécurité initialement prévus).

Aux dires mêmes de voix patronales, Bercy lorgne sur tout ou partie de ces milliards de réserve. En pratique, le gouvernement envisagerait de ponctionner 1 à 3 milliards d’euros par an de l’Agirc-Arrco au prétexte de revaloriser les petites retraites. On voit bien ici la grossière manœuvre politique consistant à mettre en avant le principe « d’équité » pour diviser les travailleurs entre « nantis » et « défavorisés ». L’enjeu pour les salariés et pour la gestion paritaire des régimes sociaux est majeur, comme l’exprime Christelle Thieffine, secrétaire nationale CFE- CGC à la protection sociale :

La règle d’or des réserves de l’Agirc-Arrco doit être maintenue. Ces réserves ne constituent aucunement un trésor de guerre mais garantissent la pérennité et la solvabilité du système. C’est un des marqueurs forts de la bonne gestion responsable de notre régime. Je rappellerai simplement que le régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco est un modèle de gestion totalement paritaire. Ce ne sont que les partenaires sociaux qui ont la main sur le système, nous partageons tous un intérêt commun. Les pouvoirs publics laissent entendre ces jours-ci l’opportunité d’une contribution des réserves de l’Agirc-Arrco dans le régime général de retraite. Si cette position est confirmée, la rentrée sera à nouveau très tendue avec le gouvernement.

L’heure de vérité s’annonce donc avec la prochaine présentation du PLFSS à l’Assemblée nationale dont le ministre Dussopt a annoncé qu’il pouvait lui permettre de faire passer cette ponction. Les syndicats espèrent que le gouvernement « n’aura peut-être pas de majorité pour le faire » comme l’a exprimé Denis Gravouil de la CGT. L’espoir fait vivre, dit-on... Mais peut-être serait-il de bon aloi pour les syndicats de préparer sans tarder une riposte à la hauteur si la macronie au pouvoir met ses pattes sur ce bien des salariés !

Pierre Delvaux
Le 5 octobre 2023


[1A quoi s’ajoutent l’annonce de ponctionner l’UNEDIC de 4 à 6 milliards d’euros et l’objectif d’étatiser le régime chômage, lui aussi paritaire, à travers la transformation de Pôle emploi en « France travail ».

[2Le PIB par habitant constitue pour les économistes la mesure de référence du niveau de vie dans chaque pays. Selon la fondation IFRAP, il est passé pour la France du 13e rang en 1980 (devant les USA) au 25e rang en 2023.

[3Pour rappel, jusqu‘en 2018, les salariés du privé (dont certaines entreprises de « service public ») cotisaient à l’Arrco pour la part de leur salaire inférieure au plafond annuel de la Sécurité Sociale et à l’Agirc pour la part de rémunération supérieure à ce même plafond.

Messages

  • Bonjour,

    Vous écrivez avec raison : « l’exécutif n’hésite pas, toute honte bue, à réclamer aux salariés une part des réserves de leur caisse complémentaire ! ».

    La méthode n’est, hélas, pas une innovation.
    Déjà, Giscard d’Estaing en 1974, faisait adopter la « compensation démographique » qui obligeait le régime général de retraite des salariés (qui concerne les salariés du privé) a compenser le déséquilibre démographique des caisses de retraites en déficit des commerçants et agriculteurs qui n’avaient pas voulu cotiser à la même hauteur à la libération lors de la création de la sécu.

    Il serait d’ailleurs intéressant de se livrer à un calcul cumulé des transferts au titre de la « compensation » qui se chiffre par milliards..

    Un peu plus tard, un autre gouvernement a largement prélevé dans la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) largement excédentaire (avec la décentralisation, le nombre cotisants/bénéficiaires devenait très favorable..).

    Une chose est sûre, ce n’est pas avec ceux qui ont agit en faveur de ces prélèvements ni avec ceux qui, au gouvernement, ne les ont pas remis en cause qu’on réglera le problème et, croyez le syndicaliste sérieux, pas plus avec ceux qui par rodomontade s’auto-intitulent « insoumis » qu’on réglera le problème.

    Bonne journée à vous,

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