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Contre l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution

lundi 30 octobre 2023, par Denis COLLIN

Ainsi donc le président de la République propose-t-il d’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution. Il reprend à son compte une proposition de LFI et espère s’assurer un bon morceau d’union sacrée contre le RN. Gageons que le prochain numéro d’union sacrée se fera avec le RN contre LFI et ainsi, de manœuvre en manœuvre, Macron compte achever son quinquennat et mettre en lice son successeur qui lui repasserait la main 5 ans plus tard, selon le procédé imaginé et mis en œuvre par Poutine avec Medvedev.

Outre la manœuvre de diversion grossière, menée par l’homme qui veut engager la France dans tous les conflits tout en mettant le pays à genoux économiquement, il y a des raisons de fond pour s’opposer à l’inscription de l’IVG dans la Constitution.

La première raison, la plus importante, est que la Constitution n’a pas d’autre but que de définir l’organisation et l’exercice des pouvoirs publics. La Constitution dit qui vote la loi, mais ne dit rien des lois elles-mêmes. Elle définit quelles sont les libertés politiques et comment elles doivent être protégées, mais elle ne dit même rien sur les conditions qui définissent le citoyen. La nationalité française, condition de la citoyenneté, n’est pas définie dans la Constitution, mais dans le Code civil. En constitutionnalisant des « droits » qui n’ont rien à faire dans la Constitution, on pense garantir mieux les droits. C’est du formalisme juridique parfaitement stupide. Les droits des individus sont garantis par l’adhésion des citoyens aux principes républicains, par la moralité commune de la nation et non par des artifices juridiques qui ne sont jamais que des règles du jeu. Avec la proposition Macron/LFI, on est un peu dans la situation de quelqu’un qui propose d’ajouter aux règles du football quelque chose comme « L’OM a le droit de marquer toujours deux buts ».

La deuxième raison est que le droit à l’IVG tel qu’il est défini dans notre législation touche à des questions de conscience profondes. Rappelons que la loi Veil n’est pas une loi qui définit un droit, mais un loi qui dépénalise un acte autrefois pénalisé et on y a ajouté le remboursement par la sécurité sociale. Mais c’est un droit qu’on exerce « en dernier recours », quand on n’a plus d’autre solution ou que l’on croit ne plus en avoir d’autres. Ce n’est pas un droit positif comme le droit de voter, le droit d’exprimer ses pensées ou de professer la religion de son choix. C’est un droit particulier qui suspend dans des conditions spéciales le droit universel à la vie de tout être humain. Les gens qui s’opposent au droit à l’IVG ne le font pas pour des raisons méprisables et ils ne sont pas mus uniquement par l’obéissance à une foi religieuse. Un philosophe comme Marcel Conche, qui n’était en rien un chrétien intégriste, puisqu’il s’est radicalement détaché du christianisme, ne partage pas l’enthousiasme progressiste pour l’IVG. Pour Marcel Conche, l’avortement pour convenance personnelle ou l’avortement des futurs malades mentaux sont à assimiler à des crimes, ressortissant à une « sorte de nihilisme légal » (voir Le fondement de la morale). Toutefois, précise-t-il, « le fœticide est […] compréhensible et excusable dans le monde sauvage, où la famine est souvent à l’état endémique, comme aussi dans certains pays du tiers-monde. Il est, en revanche, une des tares les plus odieuses des peuples trop nourris ». Quant à l’avortement de fœtus monstrueux, il ne fait pas problème, parce qu’un « monstre acéphale », par exemple, ne saurait être, selon Marcel Conche, notre égal, parce que sa monstruosité « nous fait sortir de l’espèce ». Ici, « l’opération humaine ne fait que tirer les conséquences d’une sorte d’avortement naturel (la tentative de la nature de réaliser la forme humaine ayant avorté) ». Les cas dits d’« avortements thérapeutiques », ceux qui sont pratiqués chez des femmes dont la vie serait mise en péril par une gestation ou un accouchement, ne sont pas, eux, envisagés par Marcel Conche. On n’est évidemment pas obligé de partager les thèses de Marcel Conche, mais elles suffisent pour montrer qu’il y a toujours un « cas de conscience » difficile quand une femme se pose le problème de l’avortement.

Il en va de même quand il s’agit de l’euthanasie, que certains voudraient également transformer en droit constitutionnel. Toutes ces questions ne relèvent absolument pas de la Constitution. Elles relèvent de lois qui peuvent être modifiées, affinées et demandent souvent des traitements au cas pas cas. Il faut vraiment avoir perdu tout bon sens pour vouloir inscrire dans le marbre de la loi de tels prétendus droits.

La troisième raison, la moins importante, est conjoncturelle. Personne ne remet en cause le droit à l’IVG en France. Nous ne sommes pas des Américains, contrairement à ce que pensent les maîtres en créolisation de LFI. Remettre cette question sur le tapis, c’est simplement une odieuse manœuvre de diversion et tous les partis qui prétendent représenter le peuple devrait rejeter la proposition du président parce qu’elle est une manœuvre politicienne de bas étage.