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Marine Le Pen : caramba ! Encore raté !

mardi 26 avril 2022, par Denis COLLIN

Marine Le Pen : caramba ! Encore raté !

Marine Le Pen a pu penser un moment que cette élection était la bonne. Avec 28 % des voix et une faible réserve théorique, Macron était très mal parti et de fait il a perdu 2 millions de voix par rapport à 2017. Mais avec moins de 42 %, MLP est encore loin du plat pour saucer ! Et, contrairement à ce qu’annoncent ceux qui aiment se faire peur (pas trop tout de même), il n’y a pas de raison que la troisième fois soit la bonne. Essayons de comprendre pourquoi.

En premier lieu, il faut balayer les âneries sur le « fascisme », voire le « nazisme » de Mme Le Pen qui n’aurait d’autre désir que de transformer la France en un pays totalitaire, où chaque citoyen devrait raser les murs devant des groupes militaires dotés de tous les pouvoirs. Marcel Gauchet a bien montré que, politiquement, le RN d’aujourd’hui n’a rien à voir avec un parti fasciste, qu’il est tout simplement un parti de droite, comme on en a connu pas mal. Le RPR de Pasqua était largement aussi à droite que le RN, pour ne rien dire des « Indépendants et Paysans », d’où Giscard était issu : à côté d’eux le RN est un parti gauchiste dévergondé. En outre, le RN a pris une coloration sociale, moins nette que du temps de Philippot, cependant.

Il pouvait être raisonnable de considérer le vote Le Pen pour un moyen peu dangereux de chasser Macron. Beaucoup d’amis ont adopté ces positions, comme d’ailleurs la masse des électeurs de Mélénchon aux Antilles qui ont donné la majorité absolue au candidat de « l’Union Populaire » au premier tour et plébiscité au second tour la candidate du RN. Mais ça n’a pas marché sur tout le territoire et, aidé de ses chers castors qui ont fait barrage de toutes leurs forces, notamment dans les quartiers où le prix moyen du logement est le plus élevé, Macron l’a emporté.

La première leçon est que nous devons prendre garde à une chose : l’électeur ne raisonne pas comme un militant politique rompu aux manœuvres des congrès des partis. L’électeur est plutôt moins calculateur et il ne pouvait voter MLP que si elle était capable de rassembler politiquement, pas uniquement pour jouer au billard à trois bandes. Certes, la propagande hallucinante contre le danger fasciste, la mobilisation du ban et de l’arrière-ban des médias et des institutions pour « faire barrage » ont joué. Mais pas seulement. On avait eu un déchaînement semblable lors du référendum de 2005 qui s’est pourtant soldé par un non franc et massif. Donc incriminer ses ennemis ne sert à rien pour comprendre. Je propose trois raisons à l’incapacité de MLP à rassembler une majorité.

Tout d’abord, le vote MLP est un vote de ressentiment, un vote réactif d’un peuple abandonné par ses représentants traditionnels, d’un peuple privé de ses « intellectuels organiques », d’un peuple oublié de tous les « grands de ce monde ». Mais on ne pas doit oublier qu’une autre partie de ce peuple a tout simplement décidé de faire sécession et de ne plus voter. C’est aussi un peuple fragmenté, ou en archipel pour parler comme Jérôme Fourquet. MLP est le symptôme de la désagrégation de la France.

En second lieu, MLP n’a pas et ne pouvait bénéficier du vote des immigrés « musulmans ». Le vote antillais montre que MPL n’est pas considérée comme raciste, mais, puissamment aidés par les organisations islamistes et par le mélenchonisme des banlieues, les Français musulmans la considèrent comme leur ennemie. On peut se désoler de ce vote communautarisé. On peut le critiquer et dénoncer ses responsables, mais c’est un fait. Le refus du droit du sol et la défense du droit sang finissent par achever de convaincre ceux qui auraient pu faire le pas. 23 % de nos concitoyens ont au moins un grand-parent étranger et 11 % au moins un parent étranger. 10 millions d’électeurs ont pu se dire : cette dame ne veut pas de moi ! Ajoutons que le droit du sang est une terrible régression politique bien qu’en plein accord avec le tribalisme qui s’empare de nos sociétés. Mais le tribalisme et la démocratie ne font pas bon ménage.

En second lieu, le programme « social » de MLP, la question de la retraite mise à part, ne diffère pas tant que ça du programme de Macron. On y trouve les mêmes recettes de baisse des « charges ». Le retour de l’ISF et la baisse de la TVA sur l’énergie étaient bienvenus, mais les changements restaient à la marge et loin des nécessités de la situation. On l’a vu dans le débat d’entre deux tours, où MLP n’a pas réussi à réellement être offensive contre Macron. La raison de cette faiblesse est assez simple : le parti de MLP est un parti bourgeois, défenseur du mode de production capitaliste et acceptant le cadre disciplinaire de l’UE. Après cela, la messe est dite.

La troisième raison est que le RN est un mouvement gazeux comme les autres. Il y a des électeurs, mais aucune organisation politique réelle. Le parti n’est pas le moyen pour le peuple de faire valoir sa propre pensée. C’est aussi, soit dit en passant, ce qui le distingue radicalement de quelque mouvement fasciste que ce soit.

Tout ce qui vient d’être dit ici dessine en creux le programme d’un parti réellement populaire et qui pourrait offrir une alternative, non pas dans cinq ans, mais le plus tôt possible.

Denis COLLIN