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La Corrèze plutôt que le Zambèze !

lundi 20 novembre 2023, par Denis COLLIN

La Corrèze plutôt que le Zambèze !

Attribuée à tort au journaliste Raymond Cartier, cette formule prononcée à l’Assemblée par le député socialiste (SFIO) de la Corrèze, Jean Montalat, est profondément juste. Elle fait écho, involontairement peut-être, au propos de Rousseau que j’ai souvent cité :

Tout patriote est dur aux étrangers : ils ne sont qu’hommes, ils ne sont rien à ses yeux. Cet inconvénient est inévitable, mais il est faible. L’essentiel est d’être bon aux gens avec qui l’on vit. Au-dehors le Spartiate était ambitieux, avare, inique ; mais le désintéressement, l’équité, la concorde régnaient dans ses murs. Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher au loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d’aimer ses voisins. (Émile ou de l’éducation)

Aimer ses voisins, s’occuper de ceux qui nous sont proches, de ceux avec qui nous partageons l’espace public et les systèmes collectifs de protection (sociale, notamment) : voilà la tâche première. Le cosmopolitisme qui se mêle des affaires des autres a toujours un petit arrière-goût colonial. Occupons-nous de nos affaires, choisissons nos amis avec un jugement clair, soyons le moins dépendants possible des autres pays : voilà qui devrait constituer la trame d’une bonne ligne politique.

Nous sommes préoccupés par les développements internationaux, à juste titre, car le spectre d’un embrasement généralisé menace. Ukraine vs. Russie, Israël contre le Hamas, nous savons bien que les développements de ces affrontements peuvent avoir des conséquences terribles. Mais nous n’avons pas de moyens d’intervenir sérieusement sinon par des rodomontades dont le seul effet est sous doute de jeter encore un plus de confusion. Et nous savons que « l’ennemi est dans notre pays » : si nous ne pouvons rien, c’est aussi et surtout parce que, depuis des décennies, au nom de la construction européenne et de corollaire l’alliance atlantique, notre pays s’est suicidé sur l’arène internationale.

Ni les Palestiniens ni les Israéliens ne se soucient de notre système de santé, ni les Russes ni les Ukrainiens ne s’occupent de l’état de nos écoles. Nous pouvons avoir des avis, produire des analyses sur ces rapports internationaux. C’est très bien et parfois utile. Mais le plus important est ici, en France. Nous devons vivre en bonne entente avec nos voisins étrangers, les Belges, les Luxembourgeois, les Allemands, les Italiens et les Espagnols. Mais nous occuper d’abord de nous, de l’état de l’agriculture et de l’industrie, de ce qui permet à chacun de vivre décemment. Rien n’est possible si nous n’engageons un effort de redressement de notre pays qui va à vau-l’eau, dont les services publics sont en pleine déliquescence : l’hôpital, bien sûr, mais aussi la SNCF (dans les informations, on ne parlera plus que des trains qui arrivent à l’heure, la liste est moins longue). C’est aussi une industrie qui ne cesse de se réduire et une agriculture devenue déficitaire dans le commerce extérieur. Si nous voulons être libres, c’est là-dessus, sur l’autonomie et même l’autarcie la plus grande possible qu’il faut concentrer les efforts. Et faute de ces efforts, tout le reste sera du pur bavardage.

L’internationalisme, c’est reconnaître l’existence des nations, chercher la paix et ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures des autres nations. Répondre à ceux qui demandent de l’aide, soit. Mais ne pas vouloir réglementer les affaires du monde. La France est chassée d’un certain nombre de pays africains. Ce n’est pas forcément un mal. La coopération néocoloniale qui autorise le président français à aller faire des leçons aux chefs d’État africains est une force méchante chose. L’Afrique est assez grande pour se débrouiller sans nous et nous vendre ce que nous voulons bien lui acheter à un « juste prix ».

On peut définir plusieurs lignes :

—  Démondialiser et donc apprendre à fabriquer nous-mêmes ce que nous avons pris l’habitude de faire fabriquer ailleurs à bas coût. Il faut donc tourner nos efforts vers la production et l’instruction de travailleurs qualifiés à tous les niveaux.

—  Redonner au travail sa valeur et donc défendre les acquis de la classe ouvrière et protéger les travailleurs indépendants et les très petites entreprises. Il faut que chacun puisse vivre décemment de son travail.

—  Démétropoliser : voilà ce qui devrait guider un gouvernement au service du peuple. Les métropoles — que tous les gouvernements depuis des décennies cherchent à développer, Grand Paris, Grand Lyon, Grand Marseille, etc. — sont des aberrations économiques, écologiques et sociales. Revitaliser les petites sous-préfectures et le réseau de bourgs et de villages qui leur sont liés, y faire venir ces équipements, des emplois productifs, des médecins, etc., voilà une « vraie transition écologique », bien loin des délires du bobo urbain et des capitales des fous que sont devenues certaines métropoles. La blague d’Alphonse Allais (construire les villes à la campagne parce que l’air y est plus sain) pourrait devenir très raisonnable.

Bref : conquérir l’autonomie qui la condition de la liberté de la nation, en dehors de laquelle les citoyens ne sauraient être libres ! C’est aussi en s’engageant dans cette voie que l’on pourra effectivement, loin du « greenwashing », défendre un avenir viable pour les humains sur cette planète.