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L’Europe, l’aide et la dette… Et les quatre mensonges de Merkel et Macron

vendredi 29 mai 2020, par Jacques COTTA

Laurent Joffrin dont on peut lire la plupart du temps avec intérêt ses chroniques journalières de « Libération » vient de pousser un énorme OUF de soulagement. Il y a quelques jours seulement, l’éditorialiste était gagné par le désespoir, notamment après la décision de la cour constitutionnelle de Karlsruhe contestant la politique monétaire de la BCE. Mais voila qu’Emmanuel Macron et Angela Merkel, décidant « la création d’un Fonds de relance de 500 milliards d’euros » financé par des emprunts sur les marchés « au nom de l’UE », viendraient contredire les déclarations précédentes. L’Europe qui était moribonde quelques jours seulement avant cette décision franco allemande, renaitrait de ses cendres, plus forte, plus déterminée que jamais. Tout serait donc bien qui finirait bien. Fermez le ban !

Mais qu’en est-il réellement ?

Les déclarations de Merkel et Macron constituent un tissus de mensonges que ne peuvent croire que ceux qui désirent être trompés et convaincus.

1/ Mensonge sur l’UE et les états nations.

Il s’agirait donc d’une décision émanant de l’UE permettant de faire front commun contre les « populistes » et les « nationalistes ». L’opération politique permettant à Merkel et Macron d’apparaitre comme les défenseurs de la démocratie est à la fois grotesque et secondaire. Ce qui est le plus important concerne la contradiction entre la condamnation des états nations d’une part, la décision prise non par l’UE mais par les représentants des états nations français et allemand d’autre part.
L’UE en tant que telle est en effet laissée à l’écart d’un processus de décisions qui ne concerne à ce stade que la France et l’Allemagne, qui prétendent décider pour tous les autres au détriment de la souveraineté de chacun. Argument et posture bien connues : vous voulez les milliards, nous déciderons nous-mêmes de votre propre avenir, des choix, de la politique que nous désirons vous voir mener, non pour les intérêts de vos peuples, mais pour ceux de nos propres capitalistes et du capital financier.
La photo commune Merkel Macron ne dit d’ailleurs pas un des aspects essentiels de l’accord qu’ils ont passé et qu’ils vont vouloir imposer à tous les autres pays de l’UE. Le déséquilibre actuel en termes budgétaires entre l’Allemagne et la France comme la préférence de l’Allemagne sur le marché Européen montreront, si l’opération fonctionne, que c’est la seule Allemagne qui a acheté l’Europe.

2/Mensonge par omission sur « le revirement allemand ».

Tous les commentateurs à la suite de Laurent Joffrin se réjouissent da la position d’Angela Merkel « opposée à 180° à celle prise par la a cour constitutionnelle de Karlsruhe la semaine précédente ». La chancelière accepterait une mutualisation de la dette lorsque la cour refusait les « Coronabonds ». En réalité, les deux répondent à la même préoccupation des capitalistes : comment relancer l’accumulation du capital et la production de la plus value.
La cour refusait de voir l’Allemagne et les pays du Nord payer pour les « fainéants du sud ». Mais en affirmant la position de principe habituelle qui domine outre-Rhin, elle oubliait que sa propre économie et que ses intérêts personnels sont liés à l’existence des autres nations. L’Allemagne produit, les autres achètent. Il lui faut des clients. Pour que les voitures, l’électroménager, et autres productions allemandes puissent s’écouler, il faut que les acheteurs puissent les digérer. C’est à cela qu’Angela Merkel tente de répondre, avec en plus un avantage politique considérable. Quelle que soit la forme donnée aux aides qui seront dispensées, l’Allemagne obtient la possibilité de décider pour tous les orientations qui seront suivies. Nul ne pourra décider en fonction de ses propres intérêts mais tous seront contraints de le faire en fonction des intérêts dictés par la BCE et l’UE garants des intérêts allemands.

3/Mensonge sur le contenu.

Emmanuel Macron surpasse sa partenaire du « couple franco-allemand » qui devra obtenir en juin l’accord des 27 pour faire passer ses orientations, ce qui n’est aux yeux des deux dirigeants qu’un détail négligeable.
Il s’agirait de favoriser « la relance européenne ». L’argent sera progressivement remboursé sur plusieurs années mais « les pays bénéficiaires du plan de relance n’auront pas à rembourser les aides » , a précisé le président français. Ce serait donc cadeau ?
Les pays les plus affectés n’auraient donc pas à rembourser « à hauteur de ce qu’ils percevront réellement mais uniquement la contribution budgétaire supplémentaire que cela représentera pour eux ». Formulation suffisamment floue et précise à la fois pour rappeler qu’il faudra bien passer à la caisse durant de longues années après avoir été contraints au nom de la « générosité » européenne de mener la politique conforme aux intérêts financiers et non aux besoins des peuples concernés.
Pour les conséquences politiques et sociales, la Grèce nous rappelle le régime que le couple franco-allemand voudrait imposer aux différents peuples d’Europe. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dévoilé le pot aux roses en se disant "réjouie de la proposition constructive de la France et de l’Allemagne".

4/Mensonge sur l’issue.

Angela Merkel aurait choisi son camp à la grande satisfaction des européistes inquiets. Le 13 mai, elle se serait prononcée plus clairement que jamais pour une plus grande « intégration » de la zone euro, allant même jusqu’à parler d’une nécessaire « union politique ». Elle offrirait sur le plan européen une victoire que Macron attendait avec impatience pour tenter de redorer son blason, en évoquant un « budget européen » ou encore « la souveraineté européenne », là ou il n’existe ni unité économique des pays qui sont dans l’UE, ni peuple européen susceptible d’assurer sa souveraineté, mais des peuples en Europe qui ne peuvent se définir que par l’attachement à la leur nation. La « souveraineté européenne » , bêtise macronienne, serait reprise par son homologue allemande pour cacher l’exercice de la souveraineté allemande au détriment des peuples d’Europe.

 « La France et l’Allemagne se positionnent en faveur de la solidarité », a souligné Angela Merkel avant de poursuivre « La seule réponse est que l’Union européenne agisse ensemble. L’Etat national n’a pas d’avenir ». Voilà qui a le mérite de la clarté. L’état national hors l’Allemagne, omet de préciser la chancelière, n’a pas de son point de vue d’avenir. Cela souligne s’il en était besoin la forfaiture du président français qui a signé un accord dont le contenu est la négation de la France, de son indépendance, de son droit à décider elle-même de ses propres affaires.

En guise de conclusion

Ce que veulent nous présenter de façon idyllique dirigeants français et allemands est loin de voir le jour. La négociation à 27 devra faire preuve d’imagination pour laisser l’apparence d’une mutualisation de la dette, de l’apport de subvention en lieu et place de prêts qu’il faudra évidemment rembourser sans oublier les intérêts.

La feuille de route décidée par Merkel et Macron pour les états membres de l’UE indique la nécessité de « suivre des politiques économiques saines et un programme de réforme ambitieux ». En d’autres termes, cela signifie la volonté de faire payer aux peuples les conséquences de la crise sanitaire, la crise économique et la crise sociale…

Seuls les « bonzes » isolés dans les institutions européennes peuvent croire les inepties qu’ils déversent pour se rassurer eux-mêmes. Ainsi, Henrik Enderlein, directeur du Centre Jacques Delors de Berlin, indique que "l’Union européenne est plus qu’un groupe d’Etats-nations et a sa propre identité fédérale ».

La réalité est bien différente. Les tensions annonciatrices d’affrontements couvent, en France notamment, où le gouvernement est isolé et rejeté. Ceux-ci se dérouleront partout à des rythmes différents, mais sur un contenu identique. Pour sortir de la situation, quelle autre solution en effet que recouvrer sa propre souveraineté monétaire, la possibilité de battre monnaie, l’opportunité de débattre librement des solutions à apporter non en fonction des intérêts du capital, mais dans le respect des peuples déjà fortement éprouvés ?

Jacques Cotta
Le 21 mai 2020

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