Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées et ont défilé mercredi 28 mars contre le crime « à caractère antisémite » de Mireille Knoll. Alors que Daniel Knoll, l’un des deux fils de la victime, réclamait à juste titre la plus large union possible pour condamner le meurtre de sa mère et sa signification particulièrement odieuse, le CRIF a décidé, au nom « du rejet des extrêmes », d’organiser sifflets et invectives à l’encontre de Jean Luc Mélenchon mis dans le même sac que Marine Le Pen. L’évènement pourrait sembler anecdotique. Il est pourtant d’une extrême gravité à plus d’un titre. Sur le fond d’abord, c’est donc une organisation communautaire qui se sent habilitée, sans que grand monde au sommet de l’état ne la remette à sa place, à déterminer qui est suffisamment breveté pour se ranger dans le camp républicain et mêler sa voix, son geste et sa parole, à la condamnation du racisme et de l’antisémitisme. Le CRIF -conseil représentatif des institutions juives de france- a donc trié parmi les élus de la république lesquels étaient interdits de manifestation. Ainsi, une organisation communautaire décide de confisquer au nom d’une communauté ce qui relève de la république toute entière, de la Nation rassemblée.
La banalisation de cette situation avec l’aide des médias ne peut conduire qu’à la dislocation du lien républicain qui nous unit. Le journal de France 2 a été de ce point de vue édifiant. Le travail journalistique doit relater les faits, mais doit s’efforcer de les éclairer, de donner sens, de permettre de comprendre, d’apprécier. Là, rien de cela. Relatant les protestations sur ordre de certains militants du CRIF à l’encontre de JLM et de MLP, pas un mot d’explication n’est donné sur le contenu de ce rejet, sur l’extrémisme qu’il incarne, sur le communautarisme qui s’exprime, et tout est fait pour accréditer l’idée que « la manifestation dans son ensemble » à renvoyé dans un même mouvement le président du groupe parlementaire de la FI et la responsable du FN.
Relater, expliquer pour comprendre, et donc questionner sans détour : pourquoi donc le CRIF a t’il voulu marginaliser de la sorte JLM ?
Daniel Knoll, l’un des deux fils de la victime, avait tenu des propos forts pour tenter de ramener le CRIF à la raison : « Le CRIF fait de la politique et moi, j’ouvre mon cœur ». Propos courageux dans un moment de douleur intense, qui remet au premier plan l’essentiel.
Le CRIF, lobby de l’état d’Israel en France, aujourd’hui de son aile la plus réactionnaire, veut faire ravaler à JLM des propos pourtant d’une grande lucidité, exprimée lors d’une université d’été du PG à Grenoble en aout 2014. « Je voudrais dire au CRIF que cela commence à bien faire. Les balayages avec le rayon paralysant qui consiste à traiter tout le monde d’antisémite dès qu’on a l’audace de critiquer l’action d’un gouvernement, c’est insupportable, nous en avons assez. La République, c’est le contraire des communautés agressives qui font la leçon au reste du pays ».
Du coup tout y passe dans un assaut de malhonnêtetés absolues. Insupportable est jugé le propos de « communauté agressive » dont les portes paroles du CRIF et les militants aux ordres donnent pourtant aujourd’hui une terrible illustration. Insupportables les positions qui refusent le bellicisme ambiant à l’égard de la Syrie, de la Russie. Insupportable la volonté de sortir de l’OTAN, le refus de servir de supplétif à la politique américaine. Insupportable la prise en compte des différentes nations d’Amérique latine. Insupportable la qualification portée en 2013 à l’encontre de Moscovici, l’ancien ministre socialiste qui « ne pense plus en français » mais « pense dans la langue de la finance internationale ». Insupportable le fait de se déclarer en désaccord, quitte à le huer, avec BHL…
« Le CRIF fait de la politique et moi j’ouvre mon coeur » disait donc à juste titre un des fils de Mireille Knoll. François Heilbronn, professeur Associé à Sciences-Po, donnait en 2017 le contenu de cette politique en appelant à rejeter à la fois JLM et MLP déjà mis dans le même sac, « au nom de la démocratie et de la modernité », et sans le dire explicitement, à voter pour Fillon, ou pour Macron.
Tel est un des aspects de la politique du CRIF qui considère par ailleurs coupable toute critique à l’encontre du gouvernement israélien, mais plus, toute interrogation sur les orientations de ce gouvernement. Ainsi, les responsables du CRIF sont souvent assez prompts à reconnaitre les vertus de la laïcité dans la république française sans s’interroger une seconde sur le caractère profondément anti démocratique, sclérosé et réactionnaire de l’état religieux en Israel, caractère qu’ils dénoncent par ailleurs à juste titre dans des états arabes où la loi du Coran et d’Allah est la seule en vigueur.
La position prise par le CRIF est doublement coupable. Pour la menace qu’elle fait peser sur l’unité républicaine d’abord, pour le communautarisme qu’elle incarne. Mais aussi pour le rejet qu’elle suscite, pour les conséquences qu’elle risque d’engendrer au sein de franges de la population comme d’une partie de la « gauche de la gauche » qui prônent des mesures de rétorsion contre l’état d’Israel au nom de la politique odieuse et tout à fait condamnable qu’il mène à l’encontre des palestiniens et des territoires occupés. Cette vision d’Israel fort juste est en effet assez sélective. Pour d’excellentes raisons aussi, la liste des états qui méritent notre courroux est longue. La Turquie d’Erdogan qui assassine les kurdes dans un silence pratiquement général…. Le Qatar ou autres émirats amis des gouvernements français, connus pour le respect qu’ils ont des principes élémentaires de la démocratie et des droits de l’homme…. L’Arabie Saoudite, soutien comme les précédents de groupes terroristes, et par ailleurs grande amie des Etats unis d’Amérique…Etc…
Comme les assassinats aveugles commis au nom d’Allah, le communautarisme menace de fait notre cadre républicain. Ce sont les valeurs d’égalité, de fraternité, de liberté, mais aussi de laïcité qui sont remises en question. Les valeurs qui permettent encore de vivre ensemble…