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Virus mortel, politique assassine

mardi 17 mars 2020, par Jacques COTTA

En une semaine le président de la république est intervenu à trois reprises. La première fois pour inviter les français à ne pas dramatiser la situation et ne pas manquer de vivre comme à leur habitude. La seconde fois, quelques jours seulement après, pour les inviter à la plus grande prudence, la troisième pour annoncer que « nous sommes en guerre contre un ennemi invisible ». Il serait à la fois inutile, malhonnête, et dangereux de balayer d’un revers de main les trois prises de parole présidentielles, ou de se contenter de moquer l’une en contradiction avec les autres. Chacune mérite en effet le plus grand intérêt, pour des raisons différentes.

Evolution de la parole présidentielle

La première intervention présidentielle est manifestement la démonstration d’un manque de contrôle au plus haut niveau de l’état. Alors que déjà à travers le monde des mesures drastiques sont entreprises pour éviter la propagation du virus, alors que nos voisins italiens comptabilisent déjà des centaines de morts, alors que la Chine est déjà engagée dans un processus de confinement qui touche des millions de chinois, nous en France sommes invités à festoyer comme si de rien n’était. Impréparation, insouciance, amateurisme. Le monde médical déjà tire le signal d’alarme, mais le pouvoir semble alors aux abonnés absents. A Lyon par exemple, les supporters italiens sont accueillis pour la grande fête du football...

La seconde témoigne d’un atterrissage sous forme de crash. Le ton est solennel, la parole forte. Le président Macron à juste titre use d’accents empruntés à Ambroise Croizat, ministre communiste à la Libération et un des fondateur de la sécurité sociale. Il vante les mérites de l’hôpital public et de l’État-providence, promettant des "décisions de rupture" avec le modèle actuel. "Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite, sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts ou des charges, mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe », affirme t-il avant de poursuivre, "Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché ».

La troisième, montant d’un cran, annonce une série de mesures déjà en oeuvre depuis plus de dix jours en Italie, depuis plus d’un mois en Chine et autres pays du globe.

Confinement et article 16

Dans cette dernière intervention le président a omis d’appeler les choses par leur nom. Il décrit une série de mesures sans parler de confinement. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Un confinement sévère, strict, recommandé depuis longtemps par le corps médical qui jusque-là prêche dans le vide.

Mais il a aussi beaucoup utilisé la première personne pour indiquer le processus de décision. C’est lui et nul autre qui est au commande. C’est la guerre et il se veut chef de guerre. Il évoque même la possibilité d’utiliser dans les jours des ordonnances. Il aurait décidé d’utiliser l’article 16 de la constitution destiné à lui donner les pleins pouvoir qu’il n’aurait pas fait autrement. Derrière le ton, derrière les processus, derrière les contradictions se profile ce qui déjà sur le terrain social transparaissait, l’exercice d’un pouvoir autoritaire, ce qui dans cette situation et dans ses possibles prolongements n’a rien de rassurant.

Et les actes

Derrière les mots, ce sont les actes qui sont attendus, conformes aux déclarations, logiques au regard de l’objectif. Le président Emmanuel Macron et son gouvernement ont tellement menti dans les derniers mois que là où il faudrait le croire, la défiance demeure. Sans aucun doute la situation est d’une extrême gravité. Les médecins évoquent la possibilité à terme de centaines de milliers de victimes du coronavirus. Ce sont donc des actes qui sont demandés, non des actes ressentis comme des contraintes, mais des actes politiques qui font défaut depuis le début de l’épidémie. La tenue du premier tour des municipales par exemple a été en contradiction avec les accents alarmistes tenus le lendemain du vote. Le navire semble ivre.

  • Des mesures fortes pour les plus faibles, cela doit revenir à donner raison aux millions qui depuis des mois exigent le retrait définitif de la réforme des retraites par points qui ne peut que fragiliser un peu plus les plus vulnérables, les plus âgés.
  • Des mesures fortes pour la santé. Cela n’a de sens que si des dizaines de milliers d’euros pour recruter, équiper, renforcer sont décidés et débloqués. Sans quoi, comme dit la chanson, « parole, parole, parole… ».

Des mesures fortes, cela signifie la réaffirmation de l’état dans les décisions politiques nécessaires pour la sécurité des français.

  • Comment se peut-il que les soignants soient les premiers exposés parce qu’ils manquent de masques de protection, cela depuis plus d’une semaine, comme s’il s’agissait d’une simple fatalité ? Le récit du docteur Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France, lui-même infecté ces derniers jours, est révoltant. Depuis des jours et des jours l’état promet des masques, mais rien ne vient.
  • Comment se fait-il, derrière les beaux discours, qu’Emmanuel Macron et son gouvernement n’aient pas été capables de mettre en branle jour et nuit l’industrie — ce qui nous en reste — pour la fabrication en urgence de millions de masques de protection, de liquide désinfectant, se contentant depuis plus d’une semaine de constater la pénurie.
  • Comment est-il possible que l’angoisse s’empare de tout un chacun à la découverte de seulement 5000 à 6000 places de réanimation dans nos hôpitaux alors qu’on évoque la possibilité de millions de cas graves ?
  • Comment peut-on concevoir que notre médecine sur le territoire national soit contrainte d’agir comme une médecine de guerre, amenée à trier qui devra et qui ne pourra pas être pris en charge pour être sauvé ?
  • Pourquoi la crainte de voir nos hôpitaux surchargés est-elle à ce point répandue, à juste titre, dans une des nations les plus prospères du monde ?

La situation révélée par le virus est le produit d’une politique en recherche constante du profit maximum pour un petit nombre, au détriment de l’intérêt général. Sous Hollande, Sarkozy et Macron, des dizaines de milliers de lits ont été fermés dans les hôpitaux. Des milliers de postes ont été liquidés. Des structures entières ont été supprimées. La crise hospitalière est le produit de cette politique. Elle n’est en rien une réalité objective incompréhensible, inexplicable. La déréglementation, le libéralisme, la mondialisation capitaliste sont au point de départ de la crise sanitaire que nous connaissons. C’est ainsi par exemple que les médicaments les plus répandus -le paracétamol entre autres- sont fabriqués en Chine parce que le coût du travail y est moindre, et le coût environnemental pratiquement nul. Voila la folie qui est responsable du drame qui se joue sous nos yeux.

Cette mondialisation assassine est celle qui nous a vanté l’Europe, l’union européenne, comme avenir radieux. Résultat, lorsque l’Italie a besoin de matériel minimum, ce sont les chinois qui le lui fournissent, l’union européenne se mettant aux abonnés absents. L’union européenne est morte avec le coronavirus, seule les nations étant susceptibles de prendre les mesures nécessaires, de coopérer entre elles lorsque l’urgence frappe. Encore faut-il que les Nations soient reconnues comme telles, que l’état soit apte à prendre les décisions qui s’imposent.

Face à l’afflux de patients, le Président de la république a réaffirmé qu’il se trouvait aux côtés des soignants, qu’il leur apportait tout son soutien, et a invité à ne pas céder à la panique, au désordre. Ne pas céder au désordre, voilà un conseil à prendre à la lettre, de tous côtés, et d’abord du côté gouvernemental. Des milliards sont donc nécessaires comme le réclament les hospitaliers en grève depuis plus d’une année, les médecins, dont 1200 chefs hospitaliers ont démissionnés de leurs responsabilité administratives pour protester contre l’austérité qui les frappe et les conditions de soins dégradés.
Le désordre a nom austérité. Il faut non seulement ne plus lui céder, mais il est temps, plus que temps de renverser l’austérité.

Après avoir déclaré sa flamme à notre santé, il ne reste plus au président de la république qu’à mettre la main à la poche. Il en va de l’intérêt général. Ni plus, ni moins. Telle est une des volontés des dizaines de milliers de personnels -médecins, infirmières, aides soignants, brancardiers…- depuis plus d’un an mobilisés, aujourd’hui exténués, mais toujours déterminés. Déterminés au quotidien sur le plan professionnel pour sauver des vies. Déterminés dans le combat pour défendre notre système de santé, ce « bien si précieux » pour lequel la Nation toute entière doit être mobilisée.

Jacques Cotta
Le 17 mars 2020

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