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COVID 19 : APRES LE CHOC…LE RETOUR AU FRONT …

mercredi 27 mai 2020, par Elisabeth DES

En ce 24 mai 2020, veille de l’ouverture pour 7 semaines du "Segur de la Santé" visant un plan d’investissement et de revalorisation , alors qu’ils prennent encore en charge 17968 patients et que le virus continue à circuler c’est sur un second front que les soignants hospitaliers vont devoir combattre. Après que tant de rassemblements, de pétitions, de livres, de témoignages , de reportages dénonçant la situation dans l’hôpital-entreprise se soient multipliés depuis de si longues années, que le Collectif Inter-Hôpitaux se développe dans le sillage de l’Inter-Urgences, il aura fallu en effet le terrible révélateur d’une pandémie pour enfin commencer à déclencher apparemment une réaction gouvernementale .

Comment pourrait-il en être autrement alors que depuis deux mois la population française découvre enfin davantage l’investissement colossal et les compétences professionnelles incontestables de soignants élevés par la rhétorique guerrière à l’œuvre au rang de héros dotés de droits nouveaux ? Face à la déferlante des patients atteints de ce nouveau coronavirus frappant de plein fouet avec prédilection la région parisienne et le Grand Est, en un temps record, les équipes de soins superbement soudées se sont en effet magnifiquement organisées et ont progressé jour après jour dans la connaissance et la prise en charge des pathologies engendrées par l’infection.

L’organisation d’une efficacité remarquable a permis de quasiment doubler le nombre de lits de réanimation. La solidarité des équipes, leur investissement , la formation accélérée de milliers de soignants occupant les postes les plus divers aux nouvelles prises en charge ont été d’autant plus admirables que les équipements de protection ont été notoirement insuffisants mettant de la manière la plus révoltante qui soit en danger santé et vie des soignants , les transformant en potentiels propagateurs du virus pour patients et proches … alors qu’ils baignaient littéralement dans le COVID …comme l’a montré entre autres ce reportage dans le Service de Réanimation de l’hôpital de Colmar .

Le choc particulièrement violent à Paris et dans la région parisienne a été superbement encaissé au prix de l’augmentation de l’amplitude horaire du travail , de son intensification lorsqu’il fallait en une journée assurer l’intubation de presque 30 patients ainsi que le relate Yasmina Kettal infirmière en Seine SaintDenis , porte-parole du Collectif inter-Urgences .
La qualité du travail a été telle qu’elle s’est entre autres soldée au Centre Hospitalier de Besançon frappé de plein fouet par la vague par deux publications internationales , l’une radiologique concernant les embolies pulmonaires engendrées par le virus , l’autre sur l’efficacité de la réanimation en décubitus ventral des patients atteints diminuant considérablement la mortalité. Et ce 24 mai 64538 retours à domicile peuvent être portés à l’actif des soignants malgré leur fatigue confinant à l’épuisement et le retentissement psychologique considérable de la confrontation à l’épidémie .

Pourtant alors que le travail à fournir risque encore d’être considérable alors que le virus déclenchant potentiellement cette redoutable vascularite circule toujours et qu’une potentielle deuxième vague ne peut être écartée, que les patients indemnes du COVID mais fragilisés vont revenir en grand nombre à l’hôpital, c’est sur un autre front que les soignants doivent encore combattre .
Le joug de l’administration se fait à nouveau sentir alors que les tableaux Excel réapparaissent mettant en exergue la sacro-sainte évaluation chiffrée de l’activité des services à nouveau placés en concurrence au mépris des réalités du terrain.

Les soignants portés aux nues alors qu’ils étaient depuis tant d’années humiliés, méprisés, harcelés puis trainés au sol, gazés au cœur des luttes sociales qui se sont multipliées depuis novembre 2018 , applaudis durant des semaines par leurs concitoyens sont en effet contraints de se battre pour de meilleures conditions de travail , pour que l’hôpital-entreprise laisse à nouveau la place à l’hôpital public…

Cet hôpital sera aussi peu sauvé par des médailles et un défilé du 14 juillet que la vie des soignants disparus faute de masques FFP2 , de visières, de surblouses, de charlottes et surchaussures …

Le combat pour une réouverture de lits , des embauches en nombre suffisant, une rémunération digne en reconnaissance d’un travail dont la difficulté et l’utilité incontestables apparaissent avec une force inédite menace d’être rude tout particulièrement après le choix de Nicole Notat pour orchestrer les négociations débutant sur l’avenir de l’hôpital. Son parcours si clairement relaté par Jacques Cotta dans son ouvrage ‘’L’Imposteur’’ du soutien au Plan Juppé en 1995 à la société Vigeo et ses 35 entreprises actionnaires et à la présidence du club Le Siècle rassemblant les dirigeants des grandes sociétés françaises entre autres laisse présager l’intensité de la confrontation avec syndicats et Collectifs …

Mais même s’il a fallu une crise sanitaire d’une ampleur inégalée pour tenir lieu de révélateur le soutien de la population française dont les yeux sont enfin mieux ouverts sur les mensonges et l’incompétence gouvernementaux, les révoltantes conditions de travail de ses soignants légitimement en colère a de très grandes chances de leur être acquis à présent. Si depuis vingt années le massacre des hospitaliers combattants de la guerre psychologique aux soit-disants problèmes personnels dévastateurs est resté longtemps invisible et incompréhensible, les conditions de l’hécatombe actuelle ne peuvent plus être dissimulées, la contamination préférentielle à l’extérieur de la structure n’étant guère plausible …La consultation du Conseil Economique Social et Environnemental sur l’avenir de l’hôpital public est en outre accessible depuis le 14 mai …Ce même CESE qui a élaboré le 11 mars dernier une résolution "Le droit à la santé pour tous" et qui doit transmettre dans les prochaines semaines un avis au Parlement et au gouvernement.

La présence de centaines de personnes derrière les grilles de l’hôpital Robert Debré lors de la manifestation parisienne de jeudi dernier en soutien des soignants dont la colère ne peut rester confinée n’est-elle déjà pas d’excellent augure ?

Il y a 19 ans le travail remarquable des équipes lors de l’explosion de l’usine AZF a sauvé le Service des Urgences du CHU de Toulouse de sa destruction qui serait devenue par trop impopulaire. Aura-t-il fallu une pandémie aux dizaines de milliers de morts sur notre territoire et une hécatombe de soignants pour enfin sauver l’hôpital public français rendu à l’essentiel de sa mission ?

Les prochaines semaines pourraient en tout cas être décisives alors que la confrontation à cette nouvelle infection virale ou du moins à ses dommages collatéraux, retards de diagnostic et de traitement risque de perdurer.

Elisabeth DES
le 27 mai 2020

Messages

  • D’accord avec l’ensemble du texte, je me permets une remarque sur un point particulier. Puisqu’on ressort les "médailles", j’ai ressorti un texte, pas récent, qu’on peut retrouver en entier sur le blog "Bribes d’info" et dont voici un extrait :
    C’est avec des médailles
    Qu’on tricote les mailles
    D’un ordre courtisan
    Cupide et méprisant.
    C’est souvent la canaille
    Qui octroie les médailles
    D’honneur, moralité
    Vertu, honnêteté
    Dans la solennité
    Et la servilité.

    Marius.

  • Pour ma part, je suis réservé quant à l’avis que rendra le CESE. Pourquoi ?
    L’actuel Président est affilié au MEDEF, on ne peut pas dire que l’organisation patronale donne une place importante à la chose publique dans son modèle de société.
    Son prédécesseur n’était autre que le « monsieur réforme des retraites » sauce Macron. On connaît les raisons qui l’ont conduit à démissionner. On se rappellera que cet homme qui fut Ministre du Gouvernement Raffarin n’avait pas ménagé sa peine pour « sabrer » notre système de retraite.
    Par ailleurs, le CESE fonctionne sur le principe du consensus et les motivations du consensus sont parfois éloignées et même de temps en temps très éloignées du sujet traité !
    Le CESE est aussi une instance servant à recycler des élus politiques en mal de mandat électif, des gens du showbiz dont le succès s’essouffle, mais aussi des syndicalistes en remerciement pour bons et loyaux services.
    Ainsi, si une partie des membres est désignée par les organisations dites de la société civile, pour une autre partie, son avenir au Palais d’Iéna dépend de la bonne volonté du Ministère qui a bien voulu faire membres de la 3ème Assemblée Nationale un certain nombre de candidats.

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