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Le déni du réel et sa signification politique

Les "décoloniaux" et la marche du monde

lundi 8 juin 2020, par Denis COLLIN

Il y a quelque chose de curieux dans le grand barnum « antiraciste » organisé ces jours-ci, non seulement aux États-Unis, mais aussi dans le monde entier (nous dit-on) : le discours des lamentations sur la domination de l’homme blanc asservissant les « gens de couleur » à l’échelle du monde entier est sans le moindre rapport avec le réel. Au début des années 50 et même jusqu’aux années 60, le colonialisme régnait encore et les tentatives des peuples colonisés de se libérer des colonisateurs se heurtaient à la puissance militaire des États-Unis et de leurs alliés. De la guerre d’Algérie à celle du Vietnam, il fallait choisir son camp. Porter les valises pour les indépendantistes algériens ou soutenir l’OAS. Il fallait savoir si l’on était avec Lumumba ou avec les colons et leurs sbires locaux. Il fallait choisir entre les libérateurs et les défenseurs de la doctrine Monroe en Amérique du Sud.

La réalité des rapports de force a complètement changé, mais les « décoloniaux » et autres « indigénistes » qui n’ont pourtant jamais connu cette époque font comme si rien n’avait changé. Pourtant, la première puissance économique mondiale aujourd’hui est la Chine, qui joue d’ailleurs un rôle décisif en Afrique. L’Inde s’est hissée aussi dans le club de tête. La Corée du Sud (mais aussi celle du Nord) ou le Japon sont maîtres dans leur région et joue un rôle décisif dans l’économie mondiale. L’Afrique du Sud est sortie de l’apartheid et le pouvoir y est exercé par le parti fondé par Nelson Mandela et dont le noyau dur était le parti communiste. L’Algérie est indépendante et mène sa propre politique, tout comme le Maroc ou la Tunisie. L’Iran, la Turquie et l’Arabie Saoudite sont des puissances régionales avec chacune leur ambition propre et ne sont pas des « fantoches » des États-Unis. Le Brésil est entré dans le club des grandes puissances. Des pays comme le Sénégal ou le Nigeria n’ont besoin de personne pour leur dicter leur conduite. Le néocolonialisme ne subsiste qu’à l’état agonisant.

Les « décoloniaux », qui sont tous européens ou américains et adorent les pires manifestations de la « culture » du big business américain, manient un discours victimaire totalement étranger à cette réalité. Pour eux, les Noirs ne peuvent qu’être des « pauv’négs », des asservis éternels. Que les Africains puissent prendre leur destin en main, certes dans des convulsions souvent terribles, seuls ne le voient pas ceux qui se sont volontairement bouché les yeux. Les Arabes ne peuvent être que des éternels opprimés oubliant que la plus longue domination qu’aient subie les pays du Maghreb est la domination arabe, puis la domination turque. Ils invoquent le racisme dont sont victimes les immigrés en Europe. C’est une mauvaise plaisanterie. Il y a bien moins de racisme en Europe que dans la plupart des autres pays du monde. Les musulmans ne sont opprimés et massacrés qu’en Birmanie, en Chine et en Inde. Mais pour ceux-là, pas la moindre manifestation, pas le plus petit comité « Théodule », pas l’ombre d’une tribune signée par Virginie Despentes !

Comme le capitalisme, les « décoloniaux » sont de toutes les couleurs. Et les grands capitalistes n’épargnent pas leur soutien à ces entreprises. Car il s’agit aujourd’hui de tenter un grand remplacement, celui de la lutte des classes par une pseudo lutte des races. Au moment où de Hong Kong à Alger et de Beyrouth à Paris se sont levés de puissants mouvements politiques et sociaux, tous bloqués par la Covid-19 et le confinement, et, pile-poil au moment du confinement, voilà un nouveau spectacle pour détourner les regards. Tous les « blancs » (qui ne sont pas « blancs » d’ailleurs) sont invités à faire la repentance, à se mettre à genoux et à s’enchaîner ! Le pire, c’est que ça marche, en exploitant jusqu’à la lie cette « conscience malheureuse » si typique de la culture européenne et qui a donné les plus grands chefs-d’œuvre de philosophie morale et les plus grands mouvements d’émancipation de l’histoire, parmi lesquels l’abolition de l’esclavage et de la discrimination raciale. Les Japonais se sont-ils repentis de leurs crimes atroces en Chine et Corée ? Les Chinois se repentent-ils pour le Tibet ou les Ouïghours ? Les Africains se repentent-ils d’avoir vendu leurs frères aux marchands d’esclaves ? Les Arabes et les Turcs se repentent-ils de treize siècles de traite négrière ? Que nenni ! Tout cela, c’est bien connu, c’est la faute de l’homme blanc. Si les Hutus massacrent les Tutsis, c’est l’homme blanc. Si les musulmans nigérians massacrent les catholiques du Biafra, c’est encore la faute de l’homme blanc. La mutilation sexuelle massive des femmes, ce doit encore être l’homme blanc et son insatiable volonté de domination. L’homme blanc, c’est pratique, ça exonère l’humanité entière de tous ses péchés.

La dénonciation frénétique de l’homme blanc est le faux-nez derrière lequel s’abritent la dénonciation de la démocratie, de la liberté, de l’égalité, de la fraternité et du « vieux mouvement ouvrier » syndicaliste et socialiste. La dénonciation frénétique de l’homme blanc, c’est l’organisation de la division entre les travailleurs : l’ennemi de l’aide-soignante originaire de la Martinique n’est plus le ministre de la Santé, mais sa collègue « blanche ». Le fond de l’affaire est là et que les faux révolutionnaires et vrais petits-bourgeois de LFI ou du NPA soutiennent ces entreprises de division et de diversion en dit long sur ce qu’ils sont.

Le 8 juin 2020. Denis Collin

Messages

  • Bonjour Denis Collin et les lecteurs de ce site,
    Merci pour ce billet qui me conforte dans ma colère (ma rage) d’assister, une fois de plus, au détournement des luttes de "ma classe" (selon le schéma de lutte des classes du fameux "vieux monde ouvrier" auquel une qui "balance (encore un peu) entre deux âges appartient.
    Et me réconforte un peu aussi, tant il est vrai qu’il est si difficile de faire reconnaître et distinguer, dans ce monde - volontairement - dépolitisé, la lutte des classes la répression policière féroce qu’a entraînée celle-ci,, à travers les siècles, et pour ce qui est de la plus contemporaine, celle des Gilets jaunes, appartenant au monde ouvrier actuel en France, qui est surtout celui des services (désindustrialisation et dépossession obligent, non seulement de notre souveraineté monétaire, mais plus encore : alimentaire, ce qui nous met en grande fragilité et précarité face à tous les prédateurs du Capitalisme, qu’il soit "d’Etat" ou "privé", nous venons de le constater sur le vif !).
    Bref, c’est le monde ouvrier actuel, qui fait vraiment peur aux bourgeois, et par lui seul qu’une révolution peut advenir (et non pas comme le fantasme la "petite bourgeoisie - de moins en moins - éduquée des centres-villes), les banlieues lumpenisées sous "caïdats", et leur délinquance complice.
    La France des "Gilets jaunes", tout comme l’avait d’ailleurs pressenti Christophe Guilluy, fut et sera LE mouvement social en profondeur des délaissés de la "France périphérique", qui a fait, fait et fera vraiment trembler, ce pouvoir totalitaire, orwellien.
    C’est ontre ce mouvement uniquement que sont pensées et exécutées les lois et actions liberticides et répressives. Et c’est la "fausse" (contre !) - révolution qui permet à e pouvoir de se doter et compléter son arsenal juridique et judiciaire répressif, et sa mise au oas et sous-tutelle des travailleurs en défonçant définitivement les quelques statuts protecteurs dont le patronat avait toujours dit qu’il se vengerait, tant en 1936, qu’en 1945/46 et en 1968 (rappelons-nous de ce Pompidou bégayant de fureur lors de la signature des "accords de Grenelle" !).
    Bien entendu, avec les fantoches que l’u€ nous fait élire en guise de "président de la république", à marche forcée depuis (au moins !) 2002, & un parlement aligné sur l’élection présidentiel, nous pouvons dire que le patronat a gagné SA lutte des classes et s’est bel et bien vengé dans les grandes largeurs !

    Plus encore que "faux révolutionnaires", pour les avoir vus à l’oeuvre dans les (environ) 25 premiers "actes" des samedis à Paris de moins en moins "montés" de la France périphérique et de plus en plus infiltrés par ces gauchistes et leurs "codes" et folklore de révolutionnaires en peaux de toutous, je les ai immédiatement identifiés pour ce qu’ils sont et j’y insiste : des CONTRE-révolutionnaires.

    Ce qui est bien plus grave. Et les fausses manifs complaisamment adoubées par le pouvoir en place et ses médias, ainsi que par l’"opposant officiel", ("adversaire -mais pas ennemi-n°1") : Mélenchon et sa Fi, nous prouvent, s’il en était encore besoin, que ce sont bien des contre-révolutionnaires, et non pas des "faux-révolutionnaires".
    Quelques liens en rappel de ce qu’est notre classe ouvrière (il est de bon ton de dire "populaire", tout comme il est de bon ton de dire "néo-libéralisme" à la place de Capitalisme, mais comme dit plus haut, j’appartiens au "vieux monde ouvrier" ☺ :
    https://www.marianne.net/societe/agents-d-entretien-chauffeurs-de-bus-caissiers-ils-ont-attrape-le-covid-19-mais-n-auront
    https://www.marianne.net/societe/corveables-et-invisibles-les-agents-d-entretien-heros-et-victimes-oublies-de-l-epidemie
    https://www.lematindalgerie.com/banlieues-parisiennes-caidat-et-islamistes
    https://www.marianne.net/politique/gilets-jaunes-comite-adama-francois-ruffin-convergence-luttes
    https://collectiflieuxcommuns.fr/?964-Putsch-gauchiste-a-Commercy

    Et rappel à propos des "Comités-Théo-dules" ^ ^ :
    https://www.vududroit.com/2017/02/meklat-traore-theo-la-lumpenisation-des-esprits/

    Grand merci de votre attention et portez-vous tous du mieux possible.

  • La bien connue "théorisation" par Terra Nova des nouveaux terrains d’élection de la "gauche" n’a fait qu’expliciter ce qui se faisait, par elle, depuis un bon moment dès lors qu’elle a déserté la lutte des classes, elle se devait d’avoir une idéologie de rechange.
    Avec le "tournant de la rigueur", le recul de son influence dans la classe ouvrière, elle a mis en scène la "lutte antifasciste" qui jusque là n’était que l’apanage de gauchistes marginalisés, en promouvant le FN puis pour se trouver des combats commodes, a abondamment pioché dans le politically corrrect américain qui avait le grand avantage de préserver le vrai maître de ces gens : le capital.

    Le problème c’est que cette idéologie magnifiée vit d’elle-même en ce sens qu’elle sert beaucoup d’intérêts y compris ceux d’une frange petite bourgeoise quelque soit sa couleur. La classe ouvrière, majoritairement étrangère à cette idéologie étant, pour des raisons concrètes, sous l’éteignoir et son expression soit sous contrôle ( principalement nombre de syndicats où la pression en faveur des "femmes", "handicapés", "minorités"…) soit se traduisant par des révoltes populaires abruptes : gilets jaunes.

    Ne parlons pas de la jeunesse qui depuis longtemps ne bénéficie plus de formation politique et, est d’autant plus friable à ce qui affiche des bons sentiments (qui comme on le sait n’engagent que ceux qui veulent y croire).

    Les vrais problème vont venir vite : chômage et acquis sociaux mais comment sortir d’un tel fatras ? Comment en fait, sortir de l’ornière la classe salariale qui a trop pris de coups, trop été étouffée ?

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