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Hôpital public, colère blanche et mobilisation historique

samedi 30 novembre 2019, par Elisabeth DES

En cet automne 2019, professionnels hospitaliers et usagers écrivent indéniablement la chronique d’un automne incandescent de l’absolu refus de la mise en danger des patients dans l’hôpital public français en cours de démantèlement...

Ce mouvement d’ampleur inédite au cœur duquel le Collectif Inter-Hôpitaux fondé par des médecins s’est créé depuis le 10 septembre dans le sillage de l’Inter-Urgences se développe dans l’année qui a vu la déflagration nationale des EHPADS et la lutte héroïque des hôpitaux psychiatriques.

Le 26 septembre dernier, nous étions plus d’une centaine devant l’Hôtel de Ville de Paris unis par l’espoir que l’hôpital public lieu de soin pour tous, d’enseignement et de recherche puisse être sauvé. Des membres de l’Inter-Urgences , Yasmina Kettal, Hugo Huon luttant depuis mars dernier au sein de ce Collectif parvenu à fédérer 269 services sur tout le territoire cotoyaient confrères et consoeurs, usagers, syndicalistes sociologue et gilets jaunes.

Hasard ou nécessité en ce jour du décès d’un ancien maire de Paris puis Président de la République soigné pour un accident vasculaire cérébral en 2016 à l’hôpital de la Pitié –Salpêtrière plusieurs neurologues sont présents… Le Docteur Sophie CROZIER, Praticienne Hospitalière temps plein dans le Service des Urgences Cérébro-Vasculaires de la Pitié-Salpêtrière, membre du Comité National d’Ethique nous informe de la tenue d’une Assemblée Générale le 10 octobre et de cette lettre au Président Emmanuel Macron signé par plus de cent personnalités pour que l’hôpital public soit sauvé.

Le Professeur Laurent Thines, Chef du Service de Neuro-Chirurgie de l’hôpital de Besançon est là aussi en soutien aux Collectifs ,évoquant la dégradation de la santé des soignants, le maintien de l’usage d’armes de guerre contre nos concitoyens et concitoyennes malgré sa croisade et la condamnation au-delà de nos frontières …

Et le 10 octobre dernier trois amphithéâtres mis à disposition du Collectif Inter-Hôpitaux par le doyen de la Faculté de Médecine de Paris accueillent 6O0 participants à cette Assemblée historique, inédite. Les corps de métiers hospitaliers les plus variés sont représentés la grande famille des hospitaliers s’est recréée tant les conditions de travail sont devenues intenables transformant les journées de travail autrefois intensives mais épanouissantes en véritables calvaires pour patients et soignants… La fin du codage imposé par la tarification à l’activité légitimement décriée est décidée ainsi qu’une grande manifestation nationale le 14 novembre.

Dans tout le pays de la Timone à Marseille, à Clermont-Ferrand, Nantes, Besançon, les Assemblées vont se multiplier décidant rétention du codage, informant,prévoyant les actions locales...

Et le 14 novembre, de Port -Royal aux Invalides c’est une immense marée blanche de plus de 10000 professionnels et usagers qui dénonce la mise à mort de l’hôpital public faute de moyens humains et matériels. Qui s’en étonnera alors qu’à l’AP-HP 900 lits d’hospitalisation ont été fermés faute de personnel, que des enfants doivent être transférés à Reims ou Orléans ? Qu’un patient parisien sur deux présentant un accident vasculaire cérébral ne peut plus être pris en charge, que les progrès de leur prise en charge sont annihilés par l’absence de lits en rééducation dans les suites du premier traitement ?

Réouverture de lits, revalorisation de salaires plaçant la France au 28ème rang de 32 pays d’Europe en matière de rémunération des infirmières , embauches s’imposent de toute urgence.

Mais le Plan Hôpital pompeusement annoncé le 20 novembre dernier par Edouard Philippe et Agnès Buzyn ne va guère faire l’unanimité tant il est loin de satisfaire ces demandes pressantes.

En dépit de la reprise du tiers de la dette hospitalière soit 10 milliards d’euros sur trois ans cette dette va inévitablement continuer à se creuser… En lieu et place de l’indispensable revalorisation salariale, ce sont 800 euros par an soit 66 euros mensuels qui sont alloués aux seuls 40000 paramédicaux parisiens et d’Ile-de-France. Et le sacro-saint ONDAM outil de pilotage budgétaire formalisant un objectif de dépense médicale compatible avec les choix du pays en matière de finances publiques s’élèvera seulement de 2,1 à 2,45% au lieu des 4% indispensables…

La mobilisation, déjà historique, va donc se poursuivre… Le 30 novembre, les professionnels hospitaliers iront dans tout le pays à la rencontre de la population… sur les marchés entre autres, constitueront des chaînes humaines, rejoindront les permanences des candidats aux municipales… De nombreux noms devraient venir s’inscrire sous les 228957 comptabilisés en cette fin d’après-midi en bas de la lettre au Président… Et l’Inter-Urgences appelle à présent les hospitaliers à grossir les rangs des participants aux manifestations du 5 décembre, la ‘’coagulation’’des luttes étant manifestement redoutée en ‘’haut lieu’’...

Dans notre Sud-Ouest le Service des Urgences de l’hôpital de Saint-Gaudens connait une situation littéralement catastrophique et a dû momentanément fermer… 96 psychiatres de l’hôpital public ont lancé une pétition pour des conditions décentes de prise en charge des patients en souffrance psychique. A Toulouse le 12 novembre, deux chefs de pôles et dix responsables de l’Hopital des Enfants ont démissionné de leurs fonctions administratives. Et 2000 participants ont suivi le 14 novembre dans les rues de la ville le drakkar de la révolte, écouté le Docteur Jean-Louis Ducasse Dirigeant du SAMU rendre hommage au Fondateur du SAMU le Professeur Louis Lareng décédé le dimanche 3 novembre dernier. Alors qu’exercer au SAMU était jadis une fierté le recrutement des médecins dans ce service est actuellement on ne peut plus délicat …

Vingt ans quasiment après que ce même SAMU de Toulouse ait été endeuillé par la tragique disparition d’une brillante anesthésiste lors de la restructuration si violente du CHU de Toulouse puisse l’explosion de colère, de révolte de l’hôpital public français continuer à déclencher enfin le sauvetage de l’hôpital public… La splendide solidarité rétablie face à la mise en danger des patients, y compris les enfants a des chances de s’opposer victorieusement à la primauté de la santé budgétaire sur celle de la population.