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Atomiser le nucléaire

Revue de presse du 22 décembre 2020

mardi 29 décembre 2020, par Antoine BOURGE

Sommes-nous condamnés aux débats stériles du « pour ou contre » le nucléaire sans qu’aucune perspective durable ne se dégage ? C’est ce à quoi veut nous cantonner Macron, qui, pendant ce temps, avance ses pions en faveur de la privatisation d’EDF et compromet notre souveraineté énergétique.

Energies « renouvelables » : l’avenir et l’alternative au nucléaire ?

L’électricité « verte » ?

 Le Monde :

« De manière surprenante, le développement de la concurrence se fait fortement grâce au basculement vers des « offres vertes ». Plus de la moitié des offres proposées par les fournisseurs sont désormais répertoriées comme telles. 3,9 millions de Français ont désormais souscrit des abonnements teintés de vert, une augmentation de 157 % en deux ans. Mais cette appellation masque une réalité souvent mal comprise : quelle que soit l’offre souscrite, l’électricité qui arrive chez les ménages est toujours produite à plus de 70 % par des centrales nucléaires. Les fournisseurs qui vendent des « offres vertes » achètent en réalité des compensations, appelées garanties d’origine et qui sont censées soutenir le développement des énergies renouvelables. »

Photovoltaïque et éolien, polluants et nuisibles aux paysages

 RT France :

« (…) l’éolien et le photovoltaïque nécessitent, par rapport aux énergies fossiles, jusqu’à « 15 fois plus de béton, 90 fois plus d’aluminium et 50 fois plus de cuivre ». « Je veux bien accepter tous les arguments, mais l’argument comme quoi on fait des éoliennes pour lutter contre le réchauffement climatique, ôtez-vous le de la tête, cela n’est pas vrai », insisteJulien Aubert, LR, se fiant notamment au rapport de « la commission d’enquête bipartisan adopté par lamajorité et par l’opposition ». »

Et plus loin :

« Les discours remettant en cause l’éolien deviennent de plus en plus audibles depuis plusieurs années, notamment chez les citoyens, voisins d’éoliennes, qui protestent contre la dégradation du paysage et un ensemble de nuisances. Au sein même du gouvernement, le scepticisme grimpe au sujet de ces installations. L’ancien secrétaire d’État à l’Écologie, devenu ministre chargé des Collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, reconnaissait en janvier 2018 que près de 70% des projets éoliens ont fait l’objet d’un recours juridique. »

Les banques investissent dans les « énergies renouvelables »

 Le Monde :

« La banque Goldman Sachs estime que les investissements dans les énergies vertes devraient, pour la première fois, dépasser les capitaux injectés dans le oil & gas. Durant les trente prochaines années, il faudra pas moins de 9 000 milliards d’euros d’investissements dans les renouvelables pour espérer freiner un réchauffement de la planète qui semble depuis peu hors de contrôle. Le XXe siècle a été celui du pétrole, le XXIe siècle sera celui de l’électricité propre, assure M. Starace (le patron du géant de l’électricité Enel, devenu lapremière entreprise italienne). »

Fermer Fessenheim et rallumer les centrales à charbon, écologique ?

 RT France :

« Sur les 56 réacteurs nucléaires français, 24 sont actuellement à l’arrêt, a relevé le 18 septembre Les Echos, évoquant des causes multiples dont la fermeture de la centrale de Fessenheim. Selon des données du gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE citées par le quotidien économique, la très faible disponibilité du parc de réacteurs nucléaires d’EDF, à laquelle s’ajoute une météo peu propice à la productivité des éoliennes, a poussé ces dernières semaines la France à allumer ses centrales à charbon. »

L’Allemagne n’a pas misé sur le nucléaire

 Marianne :

« Les faiblesses du solaire et de l’éolien sont connues de tous les spécialistes. Outre la consommation excessive d’espace pour produire une unité d’énergie, leur intermittence et la difficulté de les stocker en font des sources d’électricité peu fiables. En Allemagne, ces inconvénients sont compensés par le charbon et le gaz, alors que ne pas fermer arbitrairement les centrales nucléaires aurait mené à pouvoir réduire la consommation desdites énergies fossiles. En dépit des centaines de milliards d’euros dilapidés par l’Energiewende, nos amis allemands finissent par avoir une électricité plus chère et plus carbonée que les Français. »

Un problème posé de façon absurde par Macron

 Le Monde :

« Officiellement, Emmanuel Macron doit confronter cette option(le tout nucléaire)avec l’idée d’une option 100 % énergies renouvelables, mais il ne fait pas mystère d’être plus enclin à la construction de nouveaux réacteurs. Le fait de repousser la date de décision à 2023 permet également d’éviter d’en faire un point de clivage pendant la présidentielle – y compris au sein de la majorité. »

Le nucléaire français, fleuron en cours de démantèlement et limites du modèle

Limites

 Sur Reporterre, en Finlande le chantier d’AREVA nous coûte cher :

« Areva SA, le champion de l’atome français, se retrouve au bord de la cessation de paiement. C’est que décrit le Canard enchaîné dans un article du mercredi 9 décembre. L’État est prié de débourser entre 600 et 800 millions d’euros pour sauver le groupe. L’entreprise française affronte de nombreuses difficultés dans la construction de l’EPR d’Olkiluoto, en Finlande. Le chantier a débuté en 2004 et revêt toutes les caractéristiques d’« une catastrophe industrielle », estime le Canard. Les travaux accusent plus de douze ans de retard et le coût initial du projet a triplé, il est évalué aujourd’hui à 9 milliards au lieu de 3 milliards d’euros. »

 La sous-traitance, modèle capitaliste néo-libéral par excellence. Marianne :

« La lecture des conclusions de la commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires montre qu’un événement comme cette fuite de données pouvait être anticipé. Les députés établissent que la filière nucléaire compte plus de 70% de salariés sous-traitants, ce qui « fait peser un certain nombre de risques sur la sûreté des installations ». »

 Les déchets nucléaires, un legs durable. L’exemple de Bure. Le Figaro :

« Le projet Cigéo vise à enfouir à 500 mètres sous terre quelque 85.000 m3 de déchets, les plus radioactifs ou à vie longue du parc nucléaire français, à partir de 2035. »

Plus loin :

« Le projet Cigéo est vivement contesté sur le terrain comme devant les tribunaux par des militants écologistes qui dénoncent sa « dangerosité ». Après l’annonce en septembre du dépôt de la demande de DUP, le réseau Sortir du nucléaire avait dénoncé « un projet inutile et dangereux, présentant de multiples failles de conception, dont le coût, artificiellement minimisé, représentera un lourd fardeau pour les générations futures ». »

Atouts

 Une énergie sure. Marianne :

« La ministre (B. Pompili) a accusé notre trop grande dépendance à l’énergie nucléaire, soit la seule énergie décarbonée, pilotable et généralisable. Exit l’impératif climatique. Lasécurité énergétique passerait par la diversification des sources d’énergie, présentée comme un objectif en soi. Pourtant, les Norvégiens n’ont aucun problème à consommer deux fois plus d’énergie que nous par personne en dépendant de l’énergie hydraulique à plus de 60%. Diversifier ses sources d’énergie n’a aucun intérêt si l’on remplace des solutions fiables, abondantes et sécurisées par des technologies coûteuses et imprévisibles. »

 Une énergie peu émettrice de CO2. Le Monde :

« Emmanuel Macron compte faire du nucléaire un axe majeur de la politique climatique de la France. « C’est l’énergie non intermittente qui émet le moins de CO2 », a assuré M. Macron, rappelant que beaucoup de Français confondent la vapeur d’eau qui s’échappe des centrales avec des émissions de gaz à effet de serre. »

 Une énergie peu polluante. Marianne :

« En clair, ’ce que Fessenheim ne produira plus ce sont les autres énergies fossiles qui vont les produire’ explique l’ingénieur. ’Et elles sont plus polluantes’. La production d’électricité via le nucléaire est en réalité peu carbonée. D’après l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), elle émet 6 grammes d’équivalent CO2 par kilowatt/heure (kWh). Pour les centrales à gaz, c’est de l’ordre de 500 grammes d’équivalent CO2/kWh et 1.000 grammes d’équivalent CO2/kWh pour celles au charbon. Quid des déchets nucléaires ? ’Les rejets émis par les centrales à charbon et à gaz sont plus polluants d’un point de vue climatique et sanitaire que le nucléaire’ souligne l’ingénieur. ’Car les déchets nucléaires sont traités, sécurisés et ne rejettent pas de CO2 dans l’atmosphère. C’est plutôt la construction et l’entretien des centrales qui polluent, tout comme l’est le cycle de fabrication d’éoliennes ou de panneaux solaires par ailleurs’. »

 Une énergie peu coûteuse. RT France :

« L’élu du Vaucluse (Julien Aubert, LR) appuie également que le soutien de l’éolien « coûte très cher », citant un rapport de 2019 de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) qui estime le coût entre 73 et 90 milliards d’euros d’ici 2028 « pour 15% de la production électrique ». « En comparaison, le parc nucléaire, [...] c’est 80 milliards d’euros en 2019 [et produisant] cinq fois plus d’électricité », ajoute-t-il. »

Alors pourquoi vouloir privatiser ?

 Le projet Hercule. L’Humanité :

« Le projet Hercule vise à éclater EDF en plusieurs entités. Dans sa première mouture, l’opérateur serait scindé en deux parties hermétiquement étanches : d’un côté, EDF « bleu », à 100 % public, qui réunirait le nucléaire et le thermique (centrales au gaz, charbon…) ; de l’autre, EDF « vert », qui rassemblerait pour l’essentiel Enedis (distribution d’électricité) et les énergies renouvelables. Ce second pôle serait quant à lui ouvert au privé, à hauteur de 35 % pour le moment. Cette scission reviendrait en fait à garder dans le giron public ce qui « coûte » très cher (le nucléaire implique des investissements colossaux, qui rebutent le secteur privé), dont les financements seraient abondés par une hausse des tarifs de l’électricité produite par cette branche, en échange d’un transfert des activités les plus juteuses vers le marché. »

Et plus loin :

« « Le pouvoir macroniste met la dernière pierre à un processus de déconstruction méthodique, démarré dans les années 1990, résume Adrien Quatennens (FI). À chaque fois, au nom de l’idéologie de la concurrence non faussée, on a libéralisé des pans entiers de l’économie (énergie, télécoms, rails), alors que tout fonctionnait. Les promesses de baisses de prix pour les consommateurs n’ont jamais été tenues, il n’y a qu’à regarder sa dernière facture d’électricité… » »

 Une privatisation déjà bien avancée. Front Populaire :

« Le projet Hercule vise, dans un premier temps, à diviser EDF en deux parties : EDF-Bleu et EDF-Vert. EDF-Bleu rassemblerait principalement le nucléaire et l’hydroélectrique alors que EDF-Vert engloberait, entre autres, les énergies renouvelables, la commercialisation et la distribution. Toujours la même logique : on laisse les activités peu rentables nécessitant de forts investissement, comme le nucléaire, à l’État, et on initie la privatisation des secteurs financièrement juteux, à l’exception peut-être, des énergies renouvelables. Bien sûr, EDF-Bleu sera détenue à 100 % par l’état et EDF-Vert à hauteur de 65 %, juré, craché. Cela ne vous rappelle rien ? Non ? C’est exactement le même discours qui avait été tenu auprès des salariés de EDF et Gaz de France par N. Sarkozy à Chinon le 6 mai 2004 qui affirmait ’Il n’y aura pas de privatisation d’EDF et de Gaz de France, c’est simple, c’est clair, c’est net’. Aujourd’hui Gaz de France en fusionnant avec Suez s’appelle Engie. En septembre 2020, l’État est actionnaire d’Engie à hauteur de ... 24 % rendant ainsi ce dernier impuissant pour imposer sa soi-disant ligne directrice au sein du conseil d’administration du groupe. »

Atomiser la question sociale et écologique

Une presque unanimité contre Hercule, insuffisant contre le gouvernement et Macron

 Mediapart :

« Alors que la presse fait état d’un accord entre l’Elysée et Bruxelles sur la scission d’EDF, les fédérations syndicales multiplient les initiatives en direction des élus.

Ils ont interpellé la semaine dernière les députés et les sénateurs dans une lettre ouverte et dans une rare unanimité, des députés des groupes socialiste, Les Républicains, La France insoumise et Libertés et Territoires avaient rejoint mardi une conférence de presse des élus communistes pour s’opposer à ce projet de réorganisation de l’électricien. »

Hercule intégré à la convention climat, comment flouer la démocratie

 Mediapart :

« Selon certaines rumeurs insistantes, le projet Hercule pourrait être intégré dans le texte dela convention climat qui doit être discuté au début de l’année prochaine à l’Assemblée nationale. »

Les GES, un indicateur comme unique boussole

 Marianne :

« Ce nouvel objectif européen est ambitieux, mais il pourrait l’être davantage encore. Une baisse de 55% des émissions de GES correspond au scénario 2°C de l’Accord de Paris, soit la « hausse maximale » à laquelle les signataires consentent. Pour limiter le réchauffement à 1,5°C, le réel objectif, l’UE devrait viser une baisse d’émissions de l’ordre de 65% en 2030. Le Parlement européen a récemment voté une baisse de 60% pour inciter les Etats membres à encore plus d’ambition. L’objectif de 55% adopté par les 27 est d’ailleurs trompeur. Dans cette baisse a été intégrée « l’absorption naturelle du CO2 par les forêts et les sols » explique Neil Malakoff, ce qui limite l’effort concret des Etats membres à une baisse de 50 à 52%. »

Pollueur-payeur, Google spécialiste du ‘greenwashing’

 L’Humanité :

« Google compense également ses émissions en finançant des projets de captation de dioxyde de carbone, tels que des programmes de reforestation. S’ensuit un calcul, complexe, consistant en substance à déduire le CO 2 capturé de celui engendré par son activité. Lui permettant d’affirmer sa neutralité. Un tour de passe-passe utilisé par beaucoup d’acteurs économiques et dont le cabinet de conseil Carbone 4 a montré les limites dans un rapport sur le sujet : « Une entreprise se disant neutre n’est pas forcément une entreprise dont les émissions baissent. Cet outil est trop souvent vu comme une manière de se défausser de ses propres obligations de réduction. » »

L’UE montre un visage écolo mais est le bras armé de la destruction accélérée des services publics stratégiques comme l’énergie

 Mediapart :

« « Depuis le début, la Commission européenne n’a qu’une idée en tête, mettre à bas EDF parce qu’elle ne correspond pas à sa vision du marché idéal, à son modèle de concurrence. Son but n’est pas de faire mieux fonctionner le système électrique mais de pouvoir dire qu’EDF a perdu tant de clients. C’est à cette aune qu’elle mesure la réussite de sa politique », dit ce spécialiste du droit de la concurrence. »

Antoine Bourge

Le 22 décembre 2020