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L’élection au Pérou

jeudi 10 juin 2021, par Jean-Paul DAMAGGIO

Après une campagne très dure, avec 98,3%% des votes comptabilisés Pedro Castillo est devant Keiko Fujimori de 71.764 voix. Que va-t-il se passer à l’heure des résultats finaux ?

Il va de toute façon en sortir un pays très fortement divisé car au départ du second tour, Pedro Castillo avait une très grande avance et au fil de la campagne elle s’est réduite.

Faut-il comme je l’ai déjà lu, inscrire cette histoire dans un retour en force de la « gauche » en Amérique latine avec un Chili qui vient de voter pour réécrire sa constitution en rupture avec celle hérité de l’ère Pinochet, après un Brésil où le peuple manifeste en masse contre Bolsonaro et où Lula est donné favori pour l’élection de 2022, après une Colombie où le peuple se soulève contre la politique d’extrême droite d’Ivan Duque, avec un Mexique où AMLO conserve son pouvoir, avec un MAS qui a brillamment gagné la présidentielle en Bolivie ?

Chaque pays des Amériques est un pays à part même quand c’est la même langue et s’il y en a un qui encore plus à part que les autres c’est bien le Pérou.

Le vieux rêve « bolivarien » toujours de retour, a démontré depuis toujours qu’il n’était qu’un rêve car chaque pays a une histoire si particulière qu’elle fut particulière avant même l’arrivée des divers colonisateurs. Et les colonisations ont contribué à accentuer les divisions. Une des erreurs de « l’internationalisme » fut de croire qu’il suffisait de penser au peuple (et mieux à la classe ouvrière) pour susciter des unions par-delà les frontières. L’internationalisme existe aussi bien du côté des forces capitalistes (où il est plus facile) que des forces populaires (où il se cherche).

Par exemple, les années 60 furent celle de « l’internationale » de l’éducation pour dire que partout l’éducation était considérée comme une des bases de l’émancipation.

Par exemple, les années 90 furent celles de l’informatique pour dire que les nouveaux outils techniques pourraient réaliser ce que l’éducation n’avait pas réalisé.

Il existe des tendances mondiales que l’année 1848 avaient déjà révélées mais ces tendances ne tendent en aucun cas vers la réalisation de ce slogan ridicule qui ferait de notre planète un village, le Global Village si cher à Marshall McLuhan.

L’originalité du Pérou révolutionnaire tient à trois hommes sans équivalent ailleurs en Amérique latine : Cesar Vallejo le poète, José Carlos Mariategui le philosophe, et José Maria Arguedas le romancier. Ils ont été porteurs d’une critique de la gauche bourgeoise, éclairée, urbaine, et pour une part révolutionnaire qui n’a jamais cherché à travailler avec les révoltes paysannes. Cette gauche pour une part révolutionnaire a eu ses grands auteurs comme Neruda au Chili, Ruben Dario au Nicaragua ou José Marti à Cuba rendant encore plus chacun des pays, différent du voisin.

La victoire de Pedro Castillo recoupe des luttes ailleurs aux Amériques mais le comparer avec Lula c’est par avance s’interdire à comprendre l’un et l’autre.

Pour ma part je n’ai jamais écrit sur la Colombie car je ne connais rien à ce pays même si j’en apprécie le cinéma, la cumbia en musique, et d’autres faits culturels. Comment nier que ce pays avec toujours une guérilla sur son sol n’a rien à voir avec l’Argentine où là aussi « la gauche » est revenue au pouvoir ?

Depuis longtemps, partout les USA impriment leur marque et pourtant chacune des nations continue de suivre sa propre route. Et pour analyser le phénomène Pedro Castillo au Pérou, il faut plus l’inscrire dans une nouveauté nationale que dans une tendance continentale qui le plus souvent ne vise en Europe, qu’à nous faire croire que le mythe de la révolution est en marche. Jean-Paul Damaggio