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Une nouvelle politique internationale

mercredi 29 septembre 2021, par Denis COLLIN

Une politique internationale républicaine est d’abord la reconnaissance de la pluralité des nations qui composent ce qu’on appelle « la communauté internationale ». Ces nations ont leur propre histoire, leurs propres traditions et leurs propres lois et aucune nation n’est fondée à dicter à un autre ce qu’elle doit faire, comment elle doit se comporter, tant qu’elle ne menace pas la paix et les intérêts des autres nations. Ce principe de non-ingérence dans les affaires des autres est le premier point du Projet de paix perpétuelle énoncé par Kant voilà plus de deux siècles. Sous les coups de boutoir idéologique portés par les États-Unis et leurs porte-parole idéologiques comme MM. B. — H. Levy et B. Kouchner, s’est répandue l’idée qu’il y aurait non seulement un droit d’ingérence, mais même un devoir d’ingérence des « nations démocratiques », chargées de devenir les gendarmes du monde. Un des exemples les plus frappants de ce « devoir d’ingérence » fut le renversement de Kadafi, ouvrant la porte à la décomposition politique de la Libye. Mais cela ne faisait que faire suite à une longue série d’intervention, comme celles engagées en ex-Yougoslavie, incluant les « bombardements humanitaires » sur Belgrade… Avec ce qu’il convient d’exagération nécessaire pour aiguiser les angles, le livre de Costanzo Preve, La quatrième guerre mondiale (éditions Astrée, 2013) donne des éclairages tout à fait pertinents : la troisième guerre mondiale fut la « guerre froide » et la quatrième est celle menée par les États-Unis pour soumettre le monde entier et empêcher toute contestation de leur rôle dominant, en dépit de leur affaiblissement économique patent.

La première chose à faire donc, pour un gouvernement républicain dans notre pays, est de rompre avec la logique impériale qui nous soumet au gouvernement des États-Unis. Car il faut constater ce qui est : les États-Unis ne sont pas nos « alliées », mais nos suzerains. C’est un régime d’empire qui fait que les maîtres font ce qu’ils veulent et que nous n’avons le droit de faire que ce qu’ils veulent consentir à nous laisser faire. C’est encore plus vrai depuis l’adoption du Patriot Act qui soumet non seulement les activités à l’étranger des sociétés américaines à la loi américaine, mais s’étend de fait à toutes les sociétés selon les desiderata du gouvernement des États-Unis. Ainsi, Washington jeta en prison un dirigeant français de la société française Alstom pour des faits qui ne se sont pas déroulés aux États-Unis. Cette séquestration avait un but : obtenir que General Electric puisse prendre le contrôle d’Alstom. Les mœurs de voyous du gouvernement américain devraient suffire à discréditer ces Al Capone de la Maison-Blanche. Mais rien n’y fait : les gouvernements français continuent de s’incliner devant les maîtres et de baiser la main du parrain. Il faut donc sortir de l’OTAN, bras armé des États-Unis et instrument de soumission.

La deuxième chose à faire est de mener une diplomatie équilibrée s’opposant à toutes les tentatives guerrières. On peut penser ce que l’on veut du gouvernement de M. Poutine ou de celui de M. Xi Jinping et on peut même en penser du mal, mais en politique internationale on ne peut que prendre acte des réalités. Si un jour les Russes ou les Chinois veulent se débarrasser de leur gouvernement et en choisir un plus démocratique, c’est leur affaire et exclusivement leur affaire. Donc, en attendant ces jours meilleurs, il faut traiter avec les Russes et avec les Chinois et, pour des raisons de sécurité, en premier lieu avec les Russes qui demandent une chose en priorité : être reconnus comme une puissance européenne comme les autres. Ajoutons que les liens historiques et culturels anciens unissent Français et Russes et l’alignement des derniers présidents sur la diplomatie anti-russe des États-Unis a été et est encore une bêtise sans nom, à moins que ces gens ne soient purement et simplement des vendus. L’alignement États-Unis — Grande-Bretagne — Australie, nettement apparu comme un élément de la stratégie anti-chinois de la Maison-Blanche, impose que la France ne se laisse pas embarquer dans cette sale affaire et refuse sans hésitation de signer le traité de libre-échange avec l’Australie.

Une diplomatie non alignée qui aura encore plus de poids si nous cessons de nous lancer des aventures étrangères qui se terminent toutes en fiasco. Rappelons l’intervention dans la première guerre du Golfe (1991), en ex-Yougoslavie (1999), en Afghanistan (2001), en Libye (2011), au Mali (depuis 2013), en Syrie. La meilleure conduite à tenir est de rester chez soi tant que la France n’est pas visée. Au Mali, nous sommes dans la même situation que les Américains en Afghanistan : on peut tuer par attaque ciblée autant de chefs que l’on veut, les populations n’ont aucune envie de voir les anciens colons continuer de régler leurs affaires. Si on veut empêcher l’islamisme de prospérer, il n’y a qu’une chose à faire : mettre en cause l’ordre mondial du libre-échange qui maintient les pays pauvres dans la dépendance et la misère, bref suivre la ligne de la démondialisation.

Une telle politique internationale serait parfaitement possible et n’isolerait pas la France au sein de l’Europe. En 2003, la France, l’Allemagne et la Belgique ont refusé de suivre Bush junior dans la deuxième guerre du Golfe et ils ont bien fait. Les Allemands négocient avec les Russes sans rien demander à personne… Mais on peut attendre 107 ans pour avoir une politique de défense européenne. Les divergences d’intérêts sont évidentes dans la plupart des grands dossiers et interdisent toute politique étrangère commune. Encore une fois, il faut prendre les choses comme elles sont ! Quand on voit qu’une bonne partie des nations d’Europe préfère acheter des avions américains plutôt que des Rafales, on a vue exacte de la situation — même si pendant le même temps l’Allemagne fait fermer l’usine de moteurs spatiaux de Vernon, sans que le gouvernement de M. Macron n’y trouve quoi que ce soit à redire.

Être libre, c’est-à-dire indépendant, c’est assez facile. Il suffit de le vouloir ! La sortie brutale de l’UE et de l’euro serait assez compliquée, mais une nouvelle diplomatie, voilà une chose très simple à faire. Encore une fois : un pas réel en avant vaut mieux qu’une douzaine de programmes.

Denis Collin, le 29 septembre 2021.