Mutato nomine, de te fabula narratur : la Russie, miroir du capitalisme
Les Russes, c’est très pratique : on peut être xénophobe avec la meilleure des bonnes consciences, manifester un tranquille racisme des petites différences à l’encontre des Slaves et même soutenir sans vergogne de bons petits nazis, pendant qu’Amazon fait le commerce des croix gammées à la mode Azov. La petite bourgeoisie intellectuelle, championne toutes catégories des leçons de morale (pour les autres) peut décharger sa haine.
Pourtant la Russie de Poutine n’est en rien différente du capitalisme ordinaire, de ce capitalisme auquel nos maîtres de morale rendent hommage chaque jour que Dieu fait. Poutine et ses oligarques sont les expressions de cette kleptocratie qui a fait main basse sur l’URSS et vole à grande échelle le peuple russe. Le richissime Poutine incarne à merveille ce régime, lui dont la fortune serait l’une des plus grandes du monde. Décidément ces Russes manquent de bonnes manières. Le capitalisme est par nature un régime de voleurs : pillards des grandes compagnies des Indes qui se sont goinfrées des richesses des pays conquis, « barons voleurs » (J. P. Morgan, Rockefeller, Ford, etc.) dont la dictature économique et sociale des « barons voleurs » marqua la fin du XIXe siècle aux États-Unis, un pays qui s’est construit par le pillage et le vol des biens d’autrui, en l’occurrence les « natifs américains » comme on dit aujourd’hui, et par l’esclavage de millions de Noirs. Mais il ne s’agit de malheureuses exceptions. Le capital ne peut vivre et prospérer que sur le vol du travail des prolétaires. D’où vient la fortune immense de ces Bezos, Gates, Musk, Arnault, and Co ? Différence avec Poutine : ils ont de meilleures manières et trouvent des journalistes (sic) prêts à les louer dans les journaux qu’ils possèdent.
Le régime de Poutine est une dictature de plus en plus autocratique. C’est indiscutable. Mais c’est tout simplement parce que, premièrement, la Russie n’a jamais rien connu d’autre que ce genre de régime et, deuxièmement, la caste oligarchique qui a succédé à la bureaucratie soviétique (ce sont en partie les mêmes) n’a pas une base bien solide. Quand ils sont menacés, nos oligarques à nous n’hésitent jamais. En Italie, en Allemagne, en Espagne, dans les années 1930, ils ont financé massivement et soutenu les mouvements fascistes et nazis et leurs intellectuels appointés ont fourni les justifications idéologiques nécessaires. En tête, les États-Unis envahissent, bombardent, massacrent sans remords qui leur fait de l’ombre. Leurs alliées fidèles comme l’Arabie saoudite ne sont pas en reste. Aujourd’hui, ils accusent l’expansionnisme de Poutine : ce serait à mourir de rire si ce n’était tragique. Comme Poutine, ils règnent par la violence des armes et la mainmise sur les consciences.
En Poutine les belles âmes se détestent elles-mêmes. Les moins stupides savent que c’est de leur histoire qu’il s’agit, que Poutine est un « fils de pute », mais qu’il est le « fils de pute » du capitalisme mondial. Ni plus ni moins. L’Ukraine n’est qu’un pion dans le « grand échiquier » (comme disait Zbigniew Brzeziński). L’indignation morale est de la camelote qui sert à couvrir ce que dit sans fard l’éditorialiste du Financial Times Janan Ganesh qui appelle à un retour au nihilisme moral de la politique étrangère américaine pendant la guerre froide comme outil essentiel pour affronter Poutine ou le dirigeant chinois Xi Jinping. Il conseille à Joe Biden d’embrasser chaleureusement le mandataire saoudien Mohammed bin Salman (MBS), en pleine connaissance de sa responsabilité dans « le massacre du journaliste et résident américain Jamal Khashoggi en 2018 », comme le décrit Ganesh, afin de garder la Maison des Saoud de son côté contre la Russie et la Chine. Cependant, offrir un câlin à MBS ne serait pas seulement une question d’opportunité à court terme. Selon Ganesh, cela devrait servir de modèle pour toute une période historique : « Si les États-Unis doivent faire preuve de cynisme dans les mois à venir, ils devraient considérer cela comme une pratique pour les décennies à venir. » (voir l’article de Daniel Finn sur le site Jacobin) Biden l’a bien entendu. McRon aussi.