L’attitude de l’UE est absolument incohérente et incompréhensible. J’ai beau chercher, je ne trouve pas de rationalité.
Jeudi dernier, 7 avril, le Parlement européen, par une très large majorité (513 eurodéputés pour, 22 contre, 19 abstentions) a adopté une résolution pour un embargo « total et immédiat » sur le gaz, le pétrole, le charbon et le nucléaire russe, pour « ne plus financer la guerre de Poutine contre l’Ukraine ».
Le Parlement souhaite aussi que l’UE coupe l’accès au système SWIFT à toutes les banques russes (aujourd’hui, seulement 7 le sont) et interdire tout transport routier et maritime de marchandises vers la Russie.
En cela, étonnement, le Parlement européen suit les demandes - proprement irréelles - du Président ukrainien Volodymyr Zelensky.
La Commission européenne - emmenée par Ursula von der Leyen qui sur ce sujet, comme dans bien d’autres, outrepasse largement ses prérogatives - veut mettre en œuvre la résolution du Parlement européen.
Soit. On peut comprendre le désir louable de ne plus financer la guerre menée par le Krémlin contre l’Ukraine - chaque jour, l’UE paye entre 700 et 850 millions d’€ à la Russie et son economie est loin d’être à genoux.
Mais comment ? A cette question le Parlement européen, comme la Commission européenne, n’apporte aucune réponse sérieuse, et pour cause.
Les patrons allemands sont vent debout contre cette résolution et on peut les comprendre. L’UE dépend pour plus de 40% du gaz et 30% du pétrole russe, mais aussi du charbon et de l’uranium. Elle dépend aussi partiellement des céréales russes et surtout des engrais.
Le mur du réel est le suivant : il n’y a tout simplement pas d’autres sources d’approvisionnement. On peut augmenter un peu les approvisionnements venant d’autres sources et réduire un peu la consommation (les fameuses idées d’une douche par semaine, ou de réduction d’un ou deux degrés du chauffage), mais tout cela est marginal, en particulier si l’on considère les besoins des industries européennes, allemande et italienne en tête.
L’arrêt immédiat et total des approvisionnements russes aurait pour conséquence immédiate un grave accroissement du chômage et un effondrement de l’économie de l’UE. Des millions de travailleurs et employés seraient du jour au lendemain sans travail, il y aurait des faillites d’entreprises en cascade et tout cela aurait bien évidement des conséquences sociales et politiques incalculables.
Il faut faire beaucoup d’efforts d’imagination pour comprendre en quoi cela nuirait à Poutine.
Quant au débranchement des banques russes du systèmes SWIFT, les membres du Parlement européen et de la Commission européenne ne semblent pas savoir que depuis 4 ans la Chine et la Russie utilisent le système CIPS qui remplace SWIFT, que les Russes en ont développé un autre pour leurs propres banques et que les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), suivis par une quarantaine d’autres pays, ont développé une banque parallèle au FMI (Fond Monétaire International), la NBD (Nouvelle Banque de Développement). Sortir la Russie du système SWIFT aura peu d’effets concrets sur l’économie russe, mais aura un effet d’accélérateur sur la sortie de nombreux pays du "consensus de Wahsington" qui assure la domination occidentale, et spécifiquement du dollar, sur l’économie mondiale.
Le Parlement européen s’est également prononcé pour la création d’un « fonds analogue au plan Marshall » pour reconstruire l’Ukraine après la guerre. Excellente idée, mais qui exige d’avoir justement des fonds disponibles. Or, encore une fois, les sanctions envisagées par l’UE, à savoir l’arrêt de l’importation énergétique russe, auraient pour principal effet de ruiner l’Europe. C’est un esprit va-t-en guerre, mais qui a la particularité bien étrange de causer d’abord des dégâts à ses propres peuples.
On peut se demander quel est la rationalité derrière cette volonté de l’UE, au même moment où les USA - qui enjoignent l’UE à sanctionner plus la Russie - achètent, eux, 100000 barils de pétrole par jour à la Russie et vont continuer à s’y approvisionner en uranium et en engrais (tous ces produits ont été retirés des sanctions étasuniennes).
La vérité, c’est que la rationalité semble avoir quitté les institutions de l’Union européenne et que ce genre de décisions idéologiques menacent surtout les citoyens européens. Il faut y mettre un terme.