Ainsi le ministre et la macronie ont ordonné la suspension de deux professeurs de philosophie (Franklin Nyamsi et René Chiche) qui sont accusés de s’être exprimés hors de leur salle de classe, hors de leur lycée de « façon outrancière ». Autrement dit, ce gouvernement, ce ministre, ont décidé que la liberté d’expression pouvait avoir d’autres limites que le trouble à l’ordre public. C’est M. Pap Ndiaye, ministre woke et américanophile invétéré qui décide des limites de la liberté ; pour tous ces gens, la liberté est seulement celle de leurs amis… On invoque le « devoir de réserve ». Les laquais du pouvoir sont toujours prêts pour servir. Mais s’il va de soi que le professeur en classe ne doit pas utiliser sa position pour faire de la propagande — ce dont ne se privent pas, cependant, wokistes et transgenristes qui bourrent le crâne des enfants en toute impunité — le professeur, comme tous les citoyens, garde en dehors de sa classe la pleine liberté d’expression de ses opinions, même si elles heurtent le gouvernement. M. Diaye est même allé jusqu’à comparer les professeurs aux cadres des entreprises qui doivent « loyauté » à leur entreprise ! En bon yankee, Ndiaye ne connaît que la loi du business. Mais les professeurs n’ont pas à être loyaux vis-à-vis des ministres qui ne sont pas leurs patrons. Les ministres, leur nom l’indique sont des serviteurs de la République, ou du moins devraient l’être. Et les professeurs n’ont d’autre loyauté à honorer que celle des lois de la république laïque, démocratique et sociale.
L’affaire est si scandaleuse qu’on s’étonne qu’elle n’ait pas fait plus de bruit, que des centaines d’universitaires, que des dizaines de milliers de professeurs ne se soient mis en grève, au moins dans les deux académies concernées (Rouen et Aix-Marseille). On s’étonne que tout le petit monde « décolonial » ne soit pas sur le pont pour défendre Franklin Nyamsi, suspendu en raison de ses positions contre le néocolonialisme de la « Françafrique ». On s’étonne de ne pas voir une prise de position unanime de tous les syndicats pour défendre René Chiche, dirigeant de la CGC enseignement et représentant de son organisation. Où sont passés Sud et la FSU dans cette affaire, où, au niveau national, seul s’est manifesté, outre la CGC, la SNFO-LC (FO) ? Chiche serait-il une victime non défendable ? Parce qu’il a le mauvais syndicat ? Parce qu’il n’est pas labellisé « vraie gauche » ?
On apprend ces jours-ci qu’un colloque de l’Action Française est interdit. Se réunissaient-ils, ces militants de « l’ultra-droite » (comme on dit aujourd’hui) pour aiguiser leurs lames de rasoir pour couper les jarrets des chevaux des gardes mobiles et marcher sur le Palais Bourbon, comme le 6 février 1934 ? Que nenni ! Ils allaient parler. De quoi ? Voici la présentation du colloque prévu le samedi 13 et interdit : « Notre pays est menacé de toute part. Au-delà de nos frontières, notre soutien à l’Ukraine, non seulement fragilise notre économie, mais nous expose à une guerre qui ne nous concerne pas et à laquelle nous ne sommes pas préparés. Sur notre propre sol, l’afflux toujours massif de personnes immigrées, que l’État renonce à assimiler, ainsi que la suppression systématique des acquis sociaux, sous une Macronie et une cinquième République dont l’illégitimité n’a jamais été si criante, divisent le peuple et attisent les tensions. Enfin, les idéologies progressistes qui déconstruisent notre culture assèchent la source spirituelle où nous pourrions puiser la force de résister.
L’objectif de ce colloque, fidèle à notre tradition d’Action française, toujours en première ligne intellectuelle et physique sera donc de prendre la mesure du péril, et d’organiser la restauration de notre nation. L’heure n’est plus simplement à la révolte du pays réel contre le pays légal, mais au sursaut du pays vivant contre le pays létal. » On n’a donc plus le droit de cela sans être mis hors-la-loi ? Pour aggraver leur cas, les royalistes appellent à la traditionnelle manifestation en hommage à Jeanne d’Arc.
Évidemment, la « gauche » applaudit Darmanin au nom de l’antifascisme d’opérette qui est devenu sa dernière idéologie et sa dernière raison d’exister. Que diront-ils demain quand on interdira sous quelque prétexte fallacieux un colloque de LFI ?
On apprend aussi l’annulation de la conférence que Florence Bergeaud-Blackler devait faire à la Sorbonne pour présenter son livre Le frérisme et ses réseaux, une enquête sur l’infiltration des « Frères musulmans » dans les institutions au niveau européen et en France. Florence Bergeaud-Blackler a été dénoncée sur les réseaux par la mouvance, elle a été menacée de mort, et donc l’État affirme qu’elle ne peut plus parler en public, car il ne peut assurer sa sécurité. Autrement dit, face à la mouvance des islamistes qui veulent renverser toutes les libertés républicaines, l’État dit : « je n’y peux rien, la liberté, ce n’est plus mon affaire. » On attend toujours les protestations de la gauche contre cette atteinte à la liberté.
Disons les choses clairement. La liberté, c’est la liberté des autres, la liberté de ceux qui ne pensent pas comme moi, la liberté de ceux qui pensent contre moi, et même la liberté de dire des bêtises ou même des horreurs ! Si on commence à réglementer les paroles, on finit avec Staline ou Brejnev, Hitler, Mussolini et les autres du même acabit. Nos gouvernements accablent Poutine. Valent-ils mieux ? Aucunement. Ils se comportent exactement comme lui, en plus hypocrites. Et demain, mais c’est déjà aujourd’hui, on va s’en prendre aux livres « excessifs » dont la liste est interminable — même la « Bibliothèque rose » ne sortira pas indemne, car les « woke » s’en prennent aux stéréotypes qu’elle véhicule.
Il est temps de nous réveiller, de protester, écrire, tempêter pour défendre la liberté de l’esprit contre tous les censeurs, de droite, de gauche, du centre, de l’extrême-droite, de l’extrême gauche et de l’extrême-centre ! Sont concernés au premier chef par cette bataille, ceux qui croient encore qu’une transformation sociale est possible : la liberté de penser, de débattre, est le milieu indispensable à la formation d’un peuple apte à exercer lui-même le pouvoir. Sur ce point, Rosa Luxemburg avait parfaitement raison contre les bolcheviks. La suite le confirme tragiquement et bien au-delà de ce qu’elle avait pu imaginer. Le gauchisme censeur est le petit frère débile du fascisme.
Denis COLLIN —Le 13 mai 2023