Il existe des anniversaires qu’on tient absolument à fêter. Le 29 mai 2005 est de ceux-là. Ce n’est pas tous les jours en effet qu’on peut se prévaloir d’une victoire comme celle sortie des urnes ce jour-là, une victoire qui justifie de ne pas bouder son plaisir. Il y a 16 ans, contre toute attente, le peuple français est parvenu à surmonter les obstacles dressés sur sa voie pour voter NON au référendum sur la constitution européenne. Un vote plein de sens, de signification.
Le vote NON, c’était d’abord la fierté retrouvée d’un peuple méprisé qui rappelle la situation vécue récemment par les Gilets jaunes, mobilisés pour des raisons sociales et démocratiques, pour la possibilité de vivre décemment du travail et du salaire, pour le droit à la parole, et qui durant des mois ont été injuriés, frappés, violentés par la police du régime aux abois.
Le vote NON, c’était Le refus de disparaitre comme peuple dans un ensemble supranational… C’était aussi le refus de la mondialisation capitaliste sauvage exprimée par la fameuse concurrence libre et non faussée qui interdit aux États de sauver leurs entreprises, et donc les emplois.
Le vote NON, c’était le rassemblement de classe des salariés, ouvriers, jeunes, retraités, pour la défense du bien commun remis systématiquement en cause par les dictats européens.
Inutile donc de dire que le 29 mai 2005 n’est pas une page d’histoire mais demeure un fait d’une brulante actualité. Le 29 mai 2005, c’est aujourd’hui. « L’Europe se trouve au bord du précipice ».
Le peuple qui l’a emporté il y a 16 ans a mis à jour cette complicité fondamentale entre la « gauche » et la « droite » qui sur l’essentiel se retrouvent sur une orientation identique. Leur rejet de la nation, de la souveraineté, de la démocratie en réalité, les réunit. Il y a 16 ans ils étaient ensemble dans le camp du OUI tout simplement. Emmanuel Macron, l’adepte du « En même temps », est de ce point de vue l’incarnation de cette orientation commune qui a fait voler en éclat le vernis qui permettait aux uns et aux autres de se distinguer dans des différences artificielles et secondaires.
C’est donc sur cette question européenne que la gauche a signé son arrêt de mort en tergiversant durant des années au nom d’une prétendue Europe démocratique et sociale, illustrée en réalité tragiquement par les souffrances du peuple grec au lendemain du revirement de Tsipras.
C’est encore sur cette question que la « gauche de la gauche » en Europe s’est retrouvée marginalisée, comme Podemos en Espagne ou la FI en France qui pourtant en 2017 réalisait avec Jean Luc Mélenchon un score remarquable lorsqu’elle enfourchait la bataille de la Nation, de la souveraineté, de l’indépendance. Le retour vers des alliances incompatibles avec ces positions, notamment avec la « gauche » ou « les verts », ont désorienté et l’ont poussé à se marginaliser.
Le peuple français a ouvert la voie en 2005, aux Anglais notamment qui ont réalisé le Brexit, ou aux Suisses dernièrement qui ont rompu les discussions avec l’UE, pour ne pas subir son dictat, en prenant exemple sur la Grande Bretagne. A Berne on exprime sans détour avec fierté « qu’on peut survivre en affirmant sa volonté face à la bureaucratie de Bruxelles et en ouvrant la voie à de vraies négociations entre partenaires et non entre maitre et vassal ». C’est l’esprit de soumission des suisses qui est terminé » dit-on encore en soulignant « l’espoir dégagé pour ceux qui aspirent encore à un minimum de souveraineté, notamment sur la question migratoire et la question salariale ».
Du 29 mai au Gilets jaunes, du refus de la constitution européenne au Brexit, de la volonté des peuples à l’incapacité de l’UE de répondre au minimum, le choc n’a été jusque là que différé… Il est incontournable dans les temps qui viennent notamment où l’UE cherchera à faire payer la note aux peuples d’Europe.
Jacques Cotta
Le 1er juin 2021
Messages
1. Cher 29 mai 2005, bon anniversaire !, 2 juin 2021, 10:40, par Gastaud
Chers Denis et Jacques,
Je ne souhaite aucune polémique publique d’autant que je reconnais la haute tenue intellectuelle de vos écrits. Toutefois je pense qu’il y manque la prise en compte d’une asymétrie politico-culturelle fondamentale. Comme le montre l’article ci-dessus de Jacques, "la gauche s’est suicidée" en ralliant l’ainsi-dite construction européenne. Mais pas la droite, dont l’hégémonie culturelle sur la société a été démultipliée par l’euro-dissolution d’une nation, la nôtre, fortement marquée par la puissance historique du mouvement ouvrier. Dès lors, le renvoi dos à dos de la droite et de la gauche établie est totalement justifié, mais pas le renvoi dos à dos de la droite idéologique et de la gauche culturelle puisque l’une se nourrit de l’euro-dissolution alors que la seconde périt avec elle. Je ne peux développer plus dans ce courrier impromptu.
Amitiés
Georges