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Le syndrome marseillais

samedi 22 juillet 2023, par René MERLE

Dans mes articles traitant d’histoire, qui courent de la pré-Révolution au proche Hier, j’ai souvent écrit que, à sa façon, par des épisodes apparemment seulement locaux, Marseille anticipait des événements qui allaient ensuite se révéler dans toute leur dimension nationale.
Peut-être ce qui vient de se passer dans l’isolat phocéen doit-il être considéré comme une alerte sur le sismographe annonçant le cataclysme national.

En effet, si les émeutes qui suivirent la mort de Nahel ont embrasé tout le territoire, celles de Marseille offrent un visage singulier. Elles ont été plus tardives, comme si les petits et grands délinquants qui tiennent les quartiers dits sensibles avaient d’abord donné consigne de calme. Et l’on a pu dire alors que l’emprise des trafiquants de drogue avait permis que Marseille reste tranquille. Et c’est au moment où l’émeute semblait se calmer dans l’hexagone qu’elle s’est déchaînée sur Marseille. Ici, à la différence des autres émeutes, ce n’est pas le quartier qui a été victimisé, mais bien le centre ville, vers lequel ont déferlé les bandes des quartiers nord et autres cités périphériques. Et ce déferlement ne s’est pas attaqué aux bâtiments symboles de l’Autorité ou de l’Éducation, ou de la Finance, comme dans tant d’émeutes hexagonales. Il s’est attaqué ici au cœur commerçant et opulent de la cité. Si des pillages de magasins ont pu accompagner ailleurs certaines émeutes, le pillage a été ici le seul ressort de l’événement.

Révolte sociale, ou message subliminal ?

Dans les quartiers marseillais tenus par les trafiquants de drogue, c’est toute une jeunesse qui s’initie au capitalisme commerçant concurrentiel le plus sauvage, et qui en profite ; et c’est cette même jeunesse pillarde qui s’est inscrite dans la logique consumériste du capitalisme contemporain, d’autant plus facilement qu’elle vit dans un contexte de grande pauvreté. Il faut donc beaucoup d’imagination pour voir dans cette révolte une révolte sociale porteuse d’un autre projet de société. À ces deux égards, on peut par contre y voir, à l’évidence, l’exaspération du nerf même de la société capitaliste, mis à jour sans fausse morale, sans respect de l’autre, sans cynisme non plus : réalisme. Et les autorités comme la police ont bien compris le message que lui adressaient les trafiquants : « on lâche nos fauves, contre lesquels vous avez été impuissants, et on les rappelle aussitôt au bercail. Histoire de dire que vous avez tout intérêt à nous respecter".
Dans cette grande ville encore populaire, et pas vraiment encore boboïsée, un tel épisode n’a entraîné évidemment aucun mouvement de compréhension, et encore moins de solidarité. Et c’est l’intervention, musclée, de la police qui est remerciée, une police qui a été le seul rempart contre cette déferlante de violence.

Or, justement, la police marseillaise est secouée par la mise en cause judiciaire de quelques uns de ses membres, accusés de graves violences injustifiées. D’autres villes, et notamment Paris, ont connu pareilles péripéties. Mais la péripétie marseillaise a un caractère particulier, dont il serait tragique qu’il devienne un caractère national. Une manifestation policière spontanée est venue applaudir les mis en cause : "la police, disent les leaders syndicaux, est une grande famille, et dans une famille on n’abandonne pas les siens". Le signal envoyé au Pouvoir est donc particulièrement fort : « Nous sommes le seul rempart contre le désordre, et sans nous vous ne seriez rien. Vous avez donc tout intérêt à nous respecter ».
Double mise en garde, qui interroge sur ce que devient le fameux "pacte républicain"...

Affaires à suivre, comme on dit.

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